Pour inciter leurs adhérents à intervenir en vert, les caves coopératives usent de la persuasion, de la sanction ou de l'aide directe.
'Nous allons renforcer notre présence parmi nos adhérents ', annonce Daniel Brissot, technicien de la coopérative de Tain-l'Hermitage. Cette cave est pourtant pionnière en la matière. Dès 1991, elle mettait en place une parcelle expérimentale pour montrer le rôle de la surface foliaire sur la maturation. En 1996, année très généreuse, cette parcelle a servi à démontrer l'impact de l'éclaircissage. ' Ce fut la dernière grosse récolte de la cave. Sur nos conseils, les adhérents se sont mis à éclaircir. Depuis 1999, ils passent quasiment partout. ' Ce travail leur prend 50 à 80 h/ha. Ils ne sont pas directement payés pour le faire.
A l'arrivée au chai, les raisins sont classés en quatre catégories selon leur état sanitaire. La première est payée 100 % du tarif de base, la seconde 97 %, la troisième 90 % et la quatrième seulement 50 %. Ensuite, un second barème s'applique. Il est fonction de la maturité. ' En croze-hermitage, par exemple, si notre objectif est de rentrer des raisins à 11°, les lots à 10° seront payés 10 % de moins que leur catégorie. Ceux à 12° seront payés 10 % de plus , détaille Daniel Brissot. Avec ce système, les catégories D de bas degré sont très pénalisées. C'est une incitation à effeuiller et à éclaircir car ces interventions permettent d'avoir un bon état sanitaire et une bonne maturité. ' Elle n'est pas la seule. Au cours de ces cinq dernières années, les prix payés aux adhérents ont régulièrement progressé.
Cependant, la cave estime qu'il reste des progrès à faire dans la maîtrise des rendements. De plus, l'effeuillage et l'enlèvement des entre-coeurs mériteraient d'être généralisés. Il est question de constituer des commissions de contrôle et, peut-être, de payer en fonction des travaux en vert réalisés. La coopérative de Cuers, dans le Var, a usé de ce système. En 1994, elle a versé 2 000 F/ha à ceux qui avaient éclairci. Elle n'a pas recommencé. ' Nous l'avions fait pour amorcer le mouvement, pour montrer aux adhérents leur intérêt ', explique Xavier Ranc, l'oenologue de l'union à laquelle appartient la cave de Cuers. Aujourd'hui, les techniciens contrôlent les vignes. S'ils les découvrent trop productives, ils demandent qu'elles soient éclaircies. Si les adhérents n'obtempèrent pas, leurs apports sont déclassés en vin de table.
La grille de paiement porte la même marque de sévérité. ' Les producteurs qui ne font pas d'efforts nous perturbent énormément ', justifie Xavier Ranc. S'ils amènent un lot classé dans la quatrième et dernière catégorie d'état sanitaire, ils n'ont qu'à faire demi-tour. S'il entre en troisième catégorie, il leur sera payé 25 % de moins que le tarif de base. Seules les deux premières classes sont payées à 100 %. Après cette grille, s'en applique une seconde, en fonction de la richesse en sucres. Si l'objectif est atteint, c'est un supplément de 10 %. Sinon, c'est le tarif de base. Et si le degré est insuffisant, c'est moins 25 % ! En contrepartie des efforts exigés et grâce à un développement commercial, ' la rémunération des adhérents a fortement progressé ces dernières années ', affirme Xavier Ranc.
La cave de Sigoulès (Dordogne), qui traverse des difficultés en raison de la mévente des bergeracs, a opté pour le versement d'aides afin d'accélérer les choses. En 2000, elle a mis en place un cahier des charges pour les parcelles d'où elle tire les vins qu'elle vend sous sa propre étiquette. Les vignerons sont tenus de les tailler courtes, de les ébourgeonner, de les effeuiller, d'éclaircir les rouges et de débarrasser les blancs des grappes atteintes de pourriture avant que la machine ne les récolte. La cave rémunère ce dernier travail sur la base de 35 h/ha pour les rouges et de 25 h/ha pour les blancs. Elle cessera de le faire après cette année. ' Ces mesures ont été mises en place pour mettre à niveau les parcelles, explique Gilles Vernhes, technicien de la coopérative. Nous estimons qu'à partir de 2003, les vignes n'auront plus besoin d'être éclaircies ni nettoyées. ' Leur potentiel de production devrait être maîtrisé par la taille courte et l'ébourgeonnage. A partir de là, les signataires de la charte seront récompensés de leur travail uniquement par le paiement du raisin que la cave leur achète 20 à 50 % plus cher que celui issu de parcelles hors de la charte. A ce tarif, on se bouscule pour signer !