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Des raisins 25 % plus chers

La vigne - n°134 - juillet 2002 - page 0

Le contrôle de la charge des vignes implique une augmentation du temps de travail qui se chiffre, au bas mot, à une soixantaine d'heures par hectare.

L'Union régionale agricole de Branne (Urab) a fait ses comptes. Cet organisme de développement, basé à Grézillac, dans l'Entre-deux-Mers (Gironde), a voulu apporter des éléments chiffrés au débat sur le paiement à la qualité. ' Pour nous, 10 % de plus que le cours moyen d'un bordeaux générique, ce n'est pas suffisant ', prévient Eric Chadourne, son directeur. Pour en arriver à cette conclusion, il a comparé l'itinéraire standard à un itinéraire qualitatif de conduite des cépages rouges. Ce dernier introduit l'ébourgeonnage, l'effeuillage mécanique, l'éclaircissage et deux traitements antipourriture. L'Urab a détaillé sa comparaison sur un document de huit pages largement diffusé. On y découvre que, dans les vignes larges comme dans les vignes étroites (plantées à 2 m × 1 m), l'itinéraire qualitatif conduit à une augmentation de 25 % du coût de production des raisins. Rapportée au vin, la hausse est de 20 %. Le poids des interventions supplémentaires est légèrement dilué par les frais de vinification qui sont équivalents dans les deux cas.
Les surcoûts sont avant tout liés à un alourdissement de la charge de travail. Le temps passé dans les vignes larges grimpe de 125 à 191 h/ha, soit 66 h/ha de plus. Aux vignes étroites, il faut consacrer 85 h/ha de plus. Une étude similaire, réalisée en Anjou, parvient à des conclusions voisines. Dans ce vignoble, c'est le Groupement départemental de développement viticole (GDDV) qui a fait les comptes. Il estime qu'il faut consacrer à un itinéraire qualitatif 60 à 65 h/ha de plus, récolte non comprise. Ce temps est attribué à divers travaux de maîtrise et d'équilibrage de la charge des souches. Cependant, entre les deux régions, la répartition des tâches n'est pas la même.
A Bordeaux, on considère que plus de la moitié du temps est accaparé par les vendanges en vert : 40 h/ha dans les vignes larges et 55 h/ha dans les vignes étroites. Il s'agit de moyennes issues d'enquêtes. Eric Chadourne reconnaît qu'en pratique, la durée de l'éclaircissage est très variable. ' Certains s'en sortent avec 20 h/ha, d'autres dépassent 120 h/ha ', signale-t-il. Ces différences tiennent à la fertilité des parcelles. Les millésimes sont également de générosité très variable. En cette année de forte coulure, il ne sera peut-être pas nécessaire d'éclaircir en Gironde.
Après la vendange en vert, l'ébourgeonnage est l'opération la plus longue : 25 à 30 h/ha. Il s'agit de supprimer toutes les pousses en surnombre parce qu'elles sont issues d'yeux doubles ou qu'elles sont trop rapprochées les unes des autres. Personne ne touche aux entre-coeurs. L'hiver suivant, le temps de taille s'en trouve diminué. Mais les techniciens de l'Urab ne sont pas en mesure de dire dans quelle proportion. A défaut, ils considèrent que la taille est aussi longue dans les deux itinéraires. Leur étude majore donc les difficultés. Pour savoir à quel point, des mesures seront faites cet hiver.

L'ébourgeonnage est aussi cher que l'application de deux antibotrytis haut de gamme. L'Urab a considéré qu'il fallait les intégrer dans un itinéraire qualitatif. D'autres techniciens estiment, au contraire, qu'ils n'ont rien à y faire. Selon leur point de vue optimiste, les mesures prophylactiques devraient à elles seules suffire à combattre la pourriture.
En Anjou, le GDDV considère que l'éclaircissage ne dure que 25 h/ha. Il chiffre l'ébourgeonnage entre 15 à 20 h/ha. En contrepartie, il estime que l'application d'un itinéraire qualitatif se ressent également en hiver. La taille est un peu plus longue et, surtout, il faut consacrer 15 h/ha à l'attachage des bois. Pour des raisons d'économie, les vignerons avaient cessé de le faire. Comme ils taillent leurs vignes en guyot double à deux baguettes très courtes, celles-ci se tiennent, même si elles ne sont pas attachées. L'ennui, c'est qu'elles ne suivent pas forcément le plan de palissage. Pour qu'elles y entrent, il faut les attacher.
Au-delà des différences de répartition, le supplément de travail est le même pour les rouges d'Anjou et du Bordelais. Le surcoût est cependant inférieur dans l'étude angevine, essentiellement du fait qu'elle n'intègre pas de traitement antibotrytis supplémentaire. Ce surcoût est de 16 %, les frais de production passant de 5 576 à 6 463 euros/ha pour des parcelles récoltées mécaniquement.

Dans les chenins blancs, il faut renoncer à la machine à vendanger. ' Pour faire des blancs secs de qualité, nous sommes obligés de ramasser en deux passages. Le chenin est un cépage hétérogène. Toutes les grappes ne sont pas mûres en même temps et lorsqu'elles le sont, elles ne restent pas saines longtemps ', détaille Clément Baraut, du GDDV. Pour les cueillir au bon moment, il n'y a que les vendangeurs. Leurs deux passages sont évalués à 1 638euros/ha. C'est le poste de dépense le plus important. Ajouté aux autres mesures destinées à contrôler la charge, il conduit à une hausse de 35 % du coût de production du raisin.
Cela n'effraie pas Clément Baraut. ' Nous travaillons avec le syndicat des anjous blancs et l'association Anjou Loire renaissance. Nous avons fait le pari qu'il existe un marché pour un anjou blanc haut de gamme. ' L'objectif serait de vendre ce vin autour de 7,5 euros/bouteille, au lieu de 0,75 euros/l en vrac. Pour y parvenir, l'amélioration de la culture du chenin n'est que la première étape. Au chai, elle est suivie d'une vinification et d'un élevage en barriques. Au bout du compte, ' le prix de revient du vin est multiplié par 2,5 '. Mais il n'y a pas d'autre issue que de sortir vers le haut. ' Faire du chenin de premier prix, c'est impossible. Dès qu'on limite les coûts de production, on arrive à des choses pas très bonnes, peu aromatiques et assez végétales, en face desquelles les vins étrangers sont mieux placés. ' A quelle région française cette stratégie d'économies mal calculées peut-elle encore réussir ?

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