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L'ébourgeonnage

La vigne - n°175 - avril 2006 - page 0

Dans le calendrier des travaux de la vigne, l'ébourgeonnage est la première des opérations en vert. Elle consiste à supprimer tous les contre-bourgeons, mais aussi un nombre conséquent de bourgeons primaires. On l'appelle aussi ébourgeonnage fructifère. Ce travail permet avant tout de diminuer la charge et d'améliorer la qualité des raisins. C'est ce que montre un essai de la Sicavac, à Sancerre, réalisé en 2002 sur du sauvignon. Les techniciens ont testé quatre modalités : témoin, ébourgeonnage sévère laissant 10 sarments par pied, ébourgeonnage normal laissant 14 sarments par pied, et éclaircissage au début de la véraison.
Le rendement s'est élevé à 85 hl (19 grappes/cep) pour le témoin. Avec 82 hl (15,8 grappes) dans l'ébourgeonnage normal, il était quasiment identique. Il est descendu à 48 hl dans l'ébourgeonnage sévère (10,2 grappes par cep) et l'éclaircissage (9,9 grappes). L'ébourgeonnage normal n'a pas eu d'effet sur le degré. Par contre, l'ébourgeonnage sévère a permis de gagner 1° et l'éclaircissage 1°3.

Lors des dégustations, c'est la modalité ébourgeonnage sévère qui a été préférée. ' Les vins étaient plus fins ', note François Dal, de la Sicavac à Sancerre. L'éclaircissage arrivait en deuxième position. ' Les vins étaient plus ronds et plus gras, mais plus lourds ', poursuit notre interlocuteur. Selon lui, ' pour que l'ébourgeonnage ait un impact pertinent, il doit être sévère. Mais le vigneron prend un risque : si la floraison se passe mal, il peut y avoir une perte de rendement significative. L'ébourgeonnage n'est envisageable que si le vigneron peut le valoriser au niveau des prix des bouteilles . ' François Langellier, du CIVC, confirme un gain qualitatif, ' mais l'effet sur le degré est très dépendant de l'année '.
Autre avantage, l'ébourgeonnage aère le feuillage et les grappes. Il améliore le microclimat de la plante, ce qui limite les attaques de parasites. ' C'est une bonne mesure prophylactique. Elle permet de diminuer, voire de supprimer les antibotrytis ', constate Arnaud Terrier, de la chambre d'agriculture de Dordogne. Dans l'essai de la Sicavac, l'ébourgeonnage sévère a réduit l'intensité de botrytis de 31 %. Par contre, l'effet de l'ébourgeonnage normal a été nul (+ 10 % d'intensité de botrytis). Quant à la modalité éclaircissage, elle était encore plus pourrie (+ 41 %). ' C'est certainement dû aux blessures occasionnées lors cette opération ', pense François Dal.
L'ébourgeonnage peut se pratiquer au moment de la taille. Sur les tailles longues, l'objectif est alors d'espacer les futurs rameaux pour aérer le pied, en enlevant un bourgeon sur deux. Sur les tailles courtes, le but est d'éviter le vieillissement des souches. ' L'inconvénient est qu'on peut laisser des bourgeons qui ne vont pas bien se développer ', expose Bruno Samie, de la chambre d'agriculture de Gironde. En plus, en cas de gel, on peut accuser une perte de récolte. L'autre alternative est de décaler l'opération et d'attendre que le risque de gel soit écarté.
Si l'opération est réalisée trop tôt, le risque est de laisser des bourgeons qui ne sont pas encore sortis et de devoir repasser. Si elle est trop tardive, les pousses peuvent être trop grandes. Si ces dernières commencent à se lignifier, le vigneron risque d'abîmer la baguette. Selon la chambre d'agriculture de Dordogne, tant que la pousse fait moins d'une dizaine de centimètres, elle se brise sans problème. Elle conseille donc de faire ' le test du pouce ' pour vérifier que le rameau saute facilement. Pour François Dal, le stade idéal pour ébourgeonner se situe entre quatre et huit feuilles étalées. Mais la fenêtre d'intervention est courte. ' Il faut beaucoup de main-d'oeuvre, ce qui alourdit la facture, alors que l'ébourgeonnage hivernal peut s'effectuer avec les effectifs habituels ', rapporte Bruno Samie.
La chambre d'agriculture de Dordogne a calculé qu'il fallait 20 h/ha pour des vignes plantées à 3 000 pieds/ha. Dans le vignoble de Sancerre, François Dal rappelle que les temps de travaux sont très variables selon les personnes et la sévérité de l'ébourgeonnage. ' Ils peuvent aller de 20 à plus de 100 h/ha. Mais, en moyenne, sur une vigne qui n'a pas d'excès de vigueur à 7 000 pieds/ha, pour un ébourgeonnage sérieux, il faut compter 40 h/ha . ' En Champagne où les densités sont très élevées, le CIVC a évalué le temps à 60 h/ha.

L'ébourgeonnage est pratiqué à une époque où il est plus facile de s'organiser qu'au moment de l'éclaircissage. Sans compter que psychologiquement, il est plus facile d'enlever des jeunes pousses fructifères que des grappes. ' Cela crève moins le coeur ', rapporte un technicien. De ce fait, ' l'ébourgeonnage se vulgarise, car c'est une manière de gérer la qualité par anticipation ', considère Bruno Samie. ' 50 à 70 % des vignerons le pratiquent ', affirme François Dal. Dans le vignoble de Sancerre, il est même quasiment systématique dans les parcelles de rouge et les jeunes vignes. Par contre, en Champagne, si la majorité des vignerons pratiquent l'ébourgeonnage classique, ils sont rares à réaliser du fructifère.
Mais, comme le signale la chambre d'agriculture de Dordogne, ' l'ébourgeonnage ne réduit pas le problème de fond qui est la maîtrise de la vigueur. Il augmente la vigueur potentielle de la vigne pour l'année suivante '. Dans les vignes très vigoureuses, il faut donc agir en amont en adaptant la fertilisation et en raisonnant la taille. L'implantation d'un enherbement peut également s'avérer nécessaire.

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