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Le retour du cheval de trait dans les vignes

La vigne - n°134 - juillet 2002 - page 0

Quelques vignerons retravaillent le sol avec un cheval de trait. Souvent passionnés par l'équitation, ces producteurs communiquent auprès de leurs clients leur vision de la viticulture, matérialisée entre autres par le retour du cheval. Certains vont jusqu'à commercialiser une cuvée particulière.

'Allez Biscotte, droit, à gauche, oh ! ' Dans une parcelle de Gevrey-Chambertin, en Côte-d'or, Eric Martin, entrepreneur viticole, travaille le sol avec sa jument. Retour en arrière de soixante-huitard déboussolé ? Pas vraiment : ' Les vignerons qui choisissent de travailler le sol avec des chevaux ont pour but principal de sauvegarder leur terroir , précise Abel Bizouard, formateur viticole au CFPPA de Beaune et éleveur de chevaux de trait. La réintroduction du cheval vise à lutter contre le tassement du sol provoqué par le passage répétitif des tracteurs, qui modifie la vie microbienne. L'autre intérêt tient dans l'image positive que véhiculent les chevaux. '
Après avoir travaillé à Tain-l'Hermitage (côtes du Rhône septentrionales), Eric Martin est installé depuis deux ans en Bourgogne. Il travaille de 5 h 30 à 11 h, puis de 17 h à 22 h. ' Au départ, mes clients travaillaient souvent en biodynamie. Maintenant, tous les profils de vignerons sont intéressés par le travail du cheval. ' Le prix de sa prestation varie de 3 800 euros à 5 400 euros/ha selon la nature de la parcelle, avec un minimum de huit passages par an (buttage, débuttage, décavaillonnage, mise à plat, décavaillonnage, binage, etc.), en gérant les rangs de traitement à part. Très motivé par l'intérêt agronomique de son travail, Eric Martin reste attentif à une éventuelle utilisation plus marketing par des vignerons qui feraient passer le cheval sur 10 ares, le temps de prendre une photographie et de l'envoyer aux journalistes : ' En général, les personnes qui font cela uniquement pour la publicité se lassent rapidement car c'est une communication qui coûte relativement cher. '
Même état d'esprit chez Benjamin Leroux, régisseur au domaine des Epeneaux, à Pommard, en Côte-d'or. ' La philosophie de cette démarche ne peut pas s'accompagner d'une grande opération de communication. Sur les 7,5 ha du domaine, 3 ha sont travaillés par un cheval depuis cet hiver. Notre motivation est avant tout technique, car les trente premiers centimètres du sol sont compactés. Nous avons communiqué sur cette méthode culturale dans le bulletin que nous adressons à nos clients, et il y aura bientôt une photo sur notre site internet. L'aspect communication s'arrête là. Nous allons étudier les effets sur trois ans, en vinifiant la récolte à part sans que cela soit visible commercialement. A terme, nous verrons si nous commercialiserons une cuvée particulière. '
Le cap des trois années, Marcel Pariaud, vigneron à Lancié, dans le Beaujolais, vient de l'atteindre. ' Je travaille 1,6 ha avec le cheval, sans être un producteur bio, mais uniquement parce que je trouve que nous sommes allés un peu trop loin avec les désherbants. Cette année, je vais commercialiser un vin issu de cette parcelle, la Cuvée du laboureur, dans une bouteille originale. Les gens s'arrêtent souvent pour voir le cheval travailler, et certains me demandent si je vends du vin issu de cette parcelle. Pour moi, le retour du cheval s'intègre dans une politique globale. Ainsi, j'utilise également des foudres en bois. '

Depuis dix ans, l'association Traits de génie promeut les animaux de trait. Elle s'est donnée pour mission de sauvegarder neuf races de chevaux et six races asines reconnues en France. La viticulture étant le seul secteur d'activité pour lequel le travail du cheval est rentable, l'idée d'une Confrérie de la vigne et du cheval de trait a vite émergé. Elle a organisé sa première démonstration en publique dans les vignes de Montmartre, au printemps dernier. Son but : mettre en valeur la particularité de ce travail et faciliter la communication avec la création d'une contre-étiquette comportant le logo de la confrérie et une petite explication sur le travail du cheval de trait dans les vignes.
Le vif intérêt perçu lors du lancement de la confrérie incite ses membres à réfléchir à l'organisation d'une journée annuelle, peut-être à Montmartre, avec la dégustation des vins de vignerons. Jean-François et Sylvie Delaleu, producteurs de Vouvray (Indre-et-Loire), commercialisent déjà des bouteilles avec la contre-étiquette. ' Mon mari avait la nostalgie du cheval de trait , explique Sylvie Delaleu. Il y a six ans, il a commencé à travailler avec un cheval sur 1 ha, dans une vieille vigne. Sur cette parcelle, nous organisons tous les ans des vendanges à l'ancienne, avec des costumes traditionnels. Nous publions aussi la photo des vendanges sur l'étiquette de la bouteille. Nous avons baptisé cette cuvée les Vendanges à l'ancienne. Le but premier n'était pas la communication. Mais comme c'est notre particularité, nous n'hésitons pas à en parler. ' Intérêt agronomique, plaisir et argument marketing, tel est le triptyque de ces vignerons précurseurs qui espèrent être rejoints par des producteurs animés du même esprit. L'intérêt publicitaire du cheval de trait pourrait en effet séduire des opportunistes de tout crin.


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