Avec les commissions de contrôle des rendements, il n'est plus question de tolérer les débordements conduisant à laisser de la vendange sur pied ou à négliger des parcelles. Pour convaincre les personnes concernées d'entrer dans le rang, les syndicats et l'Inao usent de persuasion.
On a attendu tout l'été, mais en vain. A la fin du mois d'août, le décret sur les conditions de production et les rendements dans les AOC n'était toujours pas paru au Journal officiel. Concrètement, le texte ne sera pas applicable pour ce millésime. Ne voyant rien venir, beaucoup de syndicats ont reporté à l'an prochain, la mise en place des commissions de contrôle. D'autres, au contraire, ont voulu anticiper. Leurs regards se sont portés, en priorité, en direction des parcelles négligées.
' Entre juin et juillet, nous avons visité 36 communes. L'accueil a été excellent ', affirme Pascal Autréau, vice-président du syndicat général des vignerons de Champagne. Les équipes étaient composées d'agents de l'Inao, de techniciens de l'interprofession (CIVC) et de vignerons. Elles ont repéré des parcelles mal tenues. ' Neuf ou dix courriers ont été envoyés. C'était des vignes mal faites, des parcelles éponge où il manquait des plants ou qui n'étaient pas bien traitées. Il n'y a eu aucune sanction, uniquement de la pédagogie. ' Ces courriers ne sont pas restés lettre morte. ' Il y a tout de suite eu quelque chose de fait. Dès le lendemain, les gens envoyaient du monde dans les vignes. '
En revanche, pour leur première année, les commissions se sont contentées de remarques orales au sujet des parcelles trop chargées. Si elles se sont senties à l'aise pour critiquer les négligents, elles n'ont pas eu la même assurance envers ceux qui taillent trop long ou qui fertilisent généreusement. ' Les personnes qui ont des vignes trop chargées sont souvent des vignerons qui travaillent très bien. On se voit mal leur taper sur les doigts . ' Comme de plus, les charges n'étaient pas excessives cette année, la partie a été remise. Dès l'an prochain, les commissions viendront inspecter les vignes au moment de la taille. Elles demanderont à ceux qui laissent trop de bois d'être plus sévères. Et cette année, elles feront la chasse aux parcelles qui n'auront pas été récoltées. ' On a dit partout qu'il fallait que toutes les vignes soient vendangées , poursuit Pascal Autréau. C'est mieux pour les touristes qui viennent nous voir. Ils comprennent mal qu'en novembre, il reste encore des grappes. '
Cette règle figure clairement dans le nouveau décret. ' Si les services de l'Inao constatent qu'une parcelle n'a pas été totalement vendangée, ils notifient au viticulteur qu'elle ne peut pas être prise en compte dans la déclaration de récolte ', indique le texte. La Savoie n'a pas attendu pour faire admettre ce principe. Elle l'applique depuis ' au moins 1998 , soutient Michel Bouche, directeur du syndicat de cette appellation. L'Inao a envoyé une lettre de mise en demeure, indiquant au viticulteur que son rendement serait diminué de la parcelle non vendangée, sauf s'il termine les vendanges. ' Le syndicat a soutenu son intervention car ' le raisin finit toujours par être vinifié quelque part '.
La première mise en demeure fut suivie d'effets immédiats et de réactions durables au sein de l'appel- lation. Les producteurs refusant totalement l'idée d'avoir à jeter des raisins mûrs, se sont mis à tailler plus court et à vendanger en vert. De toute façon, ils n'avaient pas d'autre choix car leur nouveau décret, entré en vigueur en mars 1998, instituait une commission de contrôle des vignes et du rendement. En contrepartie de sa mise en place, l'appellation avait été autorisée à relever ses rendements de base qui étaient très faibles.
Depuis 1998, la commission circule. En deux ou trois jours, elle fait le tour du vignoble. ' Nous envoyons une dizaine de courriers par an, demandant aux uns et aux autres d'intervenir. Hormis un cas où nous sommes allés jusqu'à prendre une sanction, tout se règle sans difficulté ', affirme Michel Gauthier. Le chef du centre Inao de Savoie fait référence à un vigneron qui avait refusé de couper des raisins alors qu'ils étaient encore verts. Au moment de la récolte, ' le degré était un peu juste. Nous ne lui avons pas accordé de PLC. Nous lui avons demandé de tout vendanger et de distiller ses excédents '. Dans une autre propriété, les rendements sont régulièrement inférieurs aux plafonds autorisés. La commission évalue la charge effective en présence du vigneron. Ce dernier n'est pas autorisé à déclarer davantage. Il lui est impossible de s'approvisionner auprès de ses voisins.
A Bergerac, une telle discipline se met en place. Une commission a réalisé une tournée informelle cette saison. ' Nous essayons de construire une méthode à appliquer en 2003 ', explique Pierre-Henri Cougnaud, directeur de la fédération des vins. Les contrô- leurs auront deux missions : traquer les vignes en mauvais état et, bien sûr, celles trop productives. Ce sont les deux revers d'une même médaille. ' Nous essayons de mettre en place un plan d'action sévère contre les vignes éponge. Le deuxième point consistera à lutter contre les rendements aberrants. ' Déjà des mesures ont été prises à l'encontre de vignes mal tenues. L'Inao a écrit quelques courriers ' appuyés par le syndicat pour exclure certaines parcelles des déclarations de récolte. Ce sont des gens qui jouent, quand ils perdent, ils ne font pas plus de remous que ça . '
Avec le nouvel arsenal réglementaire, ces joueurs n'auront plus de possibilité de contrer. Syndicats et Inao auront tous les atouts en main pour imposer plus de discipline dans la tenue des vignes. Et c'est leur volonté. Ils seront appuyés de moyens légaux supplémentaires. Ils pourront empêcher que des parcelles soient ouvertement négligées au point de ne pas être récoltées, taillées ou traitées.