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Clarifier une mention parfois équivoque

La vigne - n°135 - septembre 2002 - page 0

Un décret en Conseil d'Etat est en cours de préparation pour préciser les conditions d'utilisation de la mention ' mise en bouteille à la propriété '. L'analyse des pratiques actuelles montre un large usage de cette indication.

Lorsqu'un consommateur choisit un vin, il est perdu. La mention ' mise en bouteille à la propriété ' le rassure. Elle individualise le produit, sous-entend qu'il a été confié aux bons soins de son vigneron. A ce titre, elle assure un minimum de traçabilité... Bref, dans l'esprit du néophyte, elle est synonyme de qualité. La nouvelle réglementation communautaire sur l'étiquetage des vins (règlement CE n° 753/2002 du 29 avril 2002) classe cette indication parmi les mentions facultatives réglementées. C'est aux Etats membres de préciser les conditions dans lesquelles les opérateurs pourront utiliser les termes ' mise en bouteille à la propriété '. Un décret en Conseil d'Etat est en cours de rédaction. Il devra être pris avant le 1 er janvier 2003, date d'entrée en vigueur des nouvelles règles d'étiquetage. L'administration travaille sur le projet de texte, en collaboration avec les organisations du secteur viticole. De l'avis de la plupart des participants aux réunions préparatoires, le futur décret ne devrait pas révolutionner les pratiques en vigueur.
Outre l'hypothèse d'un domaine équipé de son propre matériel d'embouteillage, rentre dans la catégorie ' mise en bouteille à la propriété ', les mises effectuées à façon sur le lieu de l'exploitation via des chaînes mobiles.

Il est aussi d'usage que cette mention soit utilisée par les coopératives. ' Juridiquement, celles-ci sont le prolongement de l'exploitation. Par conséquent, le coopérateur qui met son vin en bouteilles à la coopérative est comme chez lui ', explique-t-on à la Confédération des coopératives vinicoles de France. Cette analyse traditionnelle est critiquée par la CNCP (Confédération nationale des caves particulières) : ' Cette fiction juridique abuse le consom- mateur '. Le conseil d'administration de la CNCP a voté, le 4 juillet dernier, une motion qui vise à ' redonner tout son sens à la mention ', en la réservant ' uniquement lorsque la mise en bouteille est effectivement faite sur la propriété du vigneron '. Outre un impact économique, le sujet a une forte incidence politique. ' On voit mal les pouvoirs publics mettre fin à cette possibilité offerte aux coopératives depuis des années ', note un proche du dossier. En revanche, l'administration est bien décidée à éviter toutes dérives dans l'utilisation de la mention, notamment via l'usage qui pourrait en être fait grâce aux contrats de location de cuverie proposés par des négociants.
Depuis quatre ans, la maison de négoce Marcel Sautejeau, à Le Pallet (Loire-Atlantique), propose un service de location de cuves aux vignerons. Les baux sont pluriannuels, avec une identification annuelle des cuves épalées et du volume de vin qui s'y trouve. ' Le vigneron est propriétaire du contenant et du contenu ', explique Pascal Guibal, directeur général de l'établissement.
Au total, une trentaine de domaines dispose d'un contrat de location. Les apports de moûts s'effectuent par camion citerne. Certains vinifient la quasi-totalité de leur production au Pallet, d'autres seulement une partie... Contractuellement, les locataires ont le choix de vinifier seuls, ou de faire appel aux conseils de l'oenologue maison, voire d'un intervenant extérieur.
Même chose pour la mise en bouteille. Le vigneron est libre de faire appel à un camion d'embouteillage extérieur plutôt que de louer un espace sur la chaîne d'embouteillage. En pratique et par souci de simplification, les locataires semblent opter pour les prestations maison.
' Depuis la création de ce service de location, nos contrats n'ont cessé d'évoluer pour tenir compte des remarques des fraudes. Par exemple, nous avons modifier certains points, comme l'accès aux horaires d'ouverture , poursuit le responsable. Certains juristes de l'administration avaient vu là une restriction incompatible avec le droit de propriété . Aujourd'hui, un vigneron peut venir dans son chai, quelle que soit l'heure. Il suffit de nous appeler au préalable . ' De la même manière, les mentions figurant sur les étiquettes des vins ont aussi évoluées : après ' mise en bouteille à la propriété ', il est indiqué la localisation des chais ' Le Pallet '.

Face à ses détracteurs, le négociant fait valoir que la liberté du vigneron prime aussi au stade de la commercialisation. Certains producteurs vendent leur vin en direct, d'autres à Sautejeau... A titre d'exemple, Théo Jelzinga, l'un des locataires, vinifie au Pallet 2 000 hl. Il commercialise lui-même un tiers du total. Convaincu par la démarche de Sautejeau, il témoigne : ' Je manquais de place sur mon exploitation car, ces dernières années, j'ai agrandi mon vignoble. Vinifier ici me permet d'avoir un matériel de qualité . En période de vendanges, je viens au Pallet tous les jours. Ici, je suis chez moi. D'ailleurs, je ne me prive pas d'amener mes acheteurs pour montrer les installations que j'utilise . ' En coulisses, certains responsables de l'administration craignent que ce type de contrats ne soit la porte ouverte vers des abus du type ' domaines en batterie '...

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