La dévitalisation permet de lutter préventivement contre le court-noué. Sa mise en oeuvre demande beaucoup de précautions.
La dévitalisation des ceps avant arrachage des parcelles est une pratique qui commence à rentrer dans les moeurs, mais elle a dû faire ses preuves. Dans le cadre de la production raisonnée, elle est obligatoire pour lutter contre le court-noué. Elle consiste à pulvériser sur le feuillage un herbicide systémique, type glyphosate ou triclopyr (Garlon Inov), afin de détruire les ceps de vigne jusqu'au système racinaire. Même les radicelles les plus profondes, difficiles à extraire mécaniquement, sont éliminées. C'est la première étape de la lutte nématicide. Les nématodes vecteurs du virus se nourrissant des racines, la dévitalisation les prive de leur garde-manger.
Dès 1991, les techniciens ont prôné l'intérêt de cette technique, mais faute de résultats chiffrés, ils ont souvent prêché dans le désert. Les essais menés par le CIVC (Comité interprofessionnel du vin de Champagne) et la Station fédérale de recherche agronomique de Changins (Suisse) ont clarifié les choses. De ces recherches ont découlé deux constats : la dévitalisation seule est insuffisante et doit être couplée à la désinfection ; les nématodes ont la vie dure et peuvent rester plusieurs années sans s'alimenter. En Suisse, deux ans après leur replantation, 72 % des ceps étaient recontaminés dans la parcelle témoin et 12 % dans la parcelle dévitalisée, alors que la parcelle dévitalisée, puis désinfectée, était indemne. La désinfection est un bon complément de la dévitalisation. En effet, dans les essais du CIVC implantés en 1988, le taux de recontamination était, en 1999, de 27 % dans la parcelle fumigée, contre 5 % dans la parcelle dévitalisée, puis fumigée.
Toutefois, dans les vignes exemptes de court-noué, la seule dévitalisation peut suffire. Une observation visuelle préalable des symptômes de court-noué et un test Elisa sont indispensables pour décider de la stratégie à adopter. ' Actuellement, en Bourgogne où le court-noué est largement présent, les vignes arrachées sans dévitalisation préalable sont marginales , explique Claude Magnien, de la Protection des végétaux de Beaune (Bourgogne). Mais il faut appliquer des règles très strictes. '
Il ne s'agit pas de s'attirer les foudres du voisin en détruisant une partie de sa vigne par les embruns. Un certain nombre de précautions sont à prendre. L'application doit être effectuée à l'automne, juste après les vendanges lorsque le feuillage est encore fonctionnel. L'augmentation de la concentration de la bouillie est déconseillée, car même si le résultat est spectaculaire, les feuilles risquent de brûler trop vite pour que le désherbant soit correctement acheminé vers les racines. Pour éviter toutes dérives, il est primordial de traiter en absence de vent. L'utilisation de panneaux récupérateurs peut être judicieuse. Dans les petites parcelles, il est possible d'appliquer l'herbicide avec un appareil à dos. Pour les rangs de bordures, la dévitalisation peut se faire en sectionnant la souche à 10-20 cm du sol et en badigeonnant la plaie avec du glyphosate non dilué ou du triclopyr. Cette technique est recommandée si les feuilles sont sénescentes, bien que d'après les firmes, elle soit moins efficace qu'une application en plein. ' Comme les plaies de taille cicatrisent vite, elles sont une voie d'entrée moins facile pour les produits. Souvent, on observe plus de bourgeons qui redémarrent et des repousses plus vigoureuses ', explique-t-on chez Monsanto et Dow Agro Sciences. Mais d'après un vigneron bourguignon, cette alternative peut donner de bons résultats.
Après la dévitalisation, il est indispensable de laisser agir le produit. L'arrachage se fera au printemps suivant (avril-mai) afin de s'assurer de la mortalité des souches. Il s'en suivra une extraction mécanique des racines et un repos du sol d'au moins une année, assortis d'une désinfection du sol.
Vu la date recommandée et les contraintes d'application, la dévitalisation peut paraître laborieuse et certains vignerons préfèrent opter pour un entrepreneur de travaux agricoles. Alain Keller, à Blienschwiller (Alsace), propose cette prestation depuis plusieurs années et utilise des panneaux récupérateurs. L'année suivante, il recommande de faire une désinfection. Comme dévitalisant, il utilise le Garlon Inov, un débroussaillant qui s'applique à la dose de 12 l/ha. ' Ce produit a une efficacité plus rapide qu'un glyphosate, car il migre plus vite dans les racines ', explique-t-il. Ces propos sont confirmés par Isabelle Rougerie, chez Dow Agro Sciences : ' Comparé à un Roundup, le Garlon Inov fonctione aussi bien, voire mieux. ' Mais à ce jour, il n'existe pas d'essais officiels comparant les efficacités du glyphosate ou du Garlon Inov. Formulé sous forme de sels, ce produit agit moins par tension de vapeur et est, par conséquent, non volatil.
Autres produits autorisés, ceux apportant 4 320 g de glyphosate à l'hectare, soit 12 à 18 l de produit suivant la spécialité dans 300 à 500 l d'eau. Depuis deux ans, trois spécialités ont reçu, dans le cadre de l'usage ' dévitalisation des broussailles ', l'autorisation de mentionner sur les étiquettes ' dévitalisation des ceps de vigne '. Il s'agit du Roundup, du Roundup Géoforce et du Roundup Bioforce, de la firme Monsanto. ' En raison de leurs adjuvants, ces produits sont moins sensibles à la dérive ', explique Gilles Deschomets, chez Monsanto.
Pourquoi certains produits ont-ils cette mention et pas d'autres ? Actuellement, la dévitalisation est autorisée dans le cadre de différents usages : les uns en traitements généraux ' dévitalisation des broussailles ' et/ou ' dévitalisation des souches ', un autre en traitement spécifique ' dévitalisation des ceps de vigne '. Consciente de l'ambiguïté occasionnée par ces différentes mentions, la Protection des végétaux travaille à la modification de ce système de classement afin de supprimer la catégorie ' traitements généraux '. A l'avenir, les choses devraient être plus claires.