Le comité national des interprofessions de vins d'appellation (Cniv) pointe du doigt les pertes de compétitivité liées aux contraintes réglementaires des AOC.
Dès son introduction, Ambition 2010, le livre blanc du Cniv, place les coûts de production au centre du débat. A propos du segment ' vins de marque au goût standard ', dans lequel se bat une partie des AOC et qui représente 56 % de la demande mondiale, on peut y lire : ' Les différences de coûts de revient entre les offres françaises et celle du Nouveau Monde, voire d'Europe du Sud, sont telles (de 25 % à 60 %) qu'il est illusoire de penser qu'une part importante des appellations pourra se développer durablement et de manière rentable sur le bas de ce segment . ' Et de poursuivre, sans appel : ' Sur la partie moyenne-basse de cette catégorie, c'est 0,3 à 0,8 euro d'économie de coûts de production au col qu'il faudra réaliser pour rester compétitif . ' Pour alléger les charges, le cabinet mandaté par le Cniv pour rédiger son livre blanc n'y va pas par quatre chemins : ' Conformément aux règles oenologiques acceptées pour les vins importés ou concurrents de la France à l'export, la possibilité d'assouplir des contraintes techniques devrait faire l'objet d'un débat . ' Et de citer : copeaux, osmose inverse, règle de 85 % pour le cépage et le millésime... L'énumération n'est pas limitative. Ces défenseurs estiment que ' dès lors que la typicité du produit est respectée, toute évolution technique autorisée doit être acceptée pour les AOC '. Surtout pour les appellations régionales, très chahutées dans la compétition internationale, précise-t-on en coulisses. La même analyse prévaut pour les règles d'étiquetage avec, en première ligne, la mention du cépage.
René Renou, actuel président du comité vin de l'Inao, n'a pas de mot assez dur pour condamner la proposition : ' Elle est contraire à la logique même des AOC ! ', s'emporte-t-il et de marteler : ' Faire de l'appellation, c'est rechercher la qualité avant tout. Même si, dans un premier temps, cela suppose une augmentation des coûts de production, c'est pour, au final, parvenir à une qualité supérieure et donc une meilleure valorisation . '
Jérôme Quiot, son prédécesseur à la tête de l'Institut et aujourd'hui président du Cniv plaide : ' Une AOC, c'est la rencontre entre trois éléments : le terroir, le ou les cépages et l'homme. Pour le reste, laissons la liberté aux opérateurs. Chacun doit faire ses choix d'entreprise. A l'intérieur d'une même AOC, certains vignerons enrichissent, d'autres s'y refusent. Mettre des copeaux n'est pas plus nocif qu'enrichir . '
' Il faut cesser d'être hypocrite, poursuit un autre pro-Cniv. Il y a un écart de plus en plus grand entre le discours de certains responsables d'AOC et la réalité des productions. Mieux vaut moins de règles, mais s'y tenir, qu'une multiplication de contraintes inapplicables . '
En coulisses, les critiques sur l'Inao fusent : ' Ses décisions ont un coût économique énorme, alors que cette instance sous-représente le négoce ', observe un Bordelais.
Ce vent de libéralisme ne souffle pas partout avec la même force. Plusieurs présidents d'interprofessions expriment leur réserve vis-à-vis des propositions les plus révolutionnaires du Cniv. C'est le cas en Champagne, en Languedoc et à Inter-Rhône. En revanche, Hubert Camus, en Bourgogne, fait valoir que ' le contexte économique, la difficulté de certains millésimes, légitiment un débat sur l'assouplissement des règles applicables aux AOC, surtout pour les régionales '. Même son de cloche à Bordeaux, où certains responsables de l'Inao parlent ' d'esprit de fronde '. Le départ précipité de Jean-Louis Roumage à la tête du syndicat de défense des bordeaux et bordeaux supérieurs, fin août, conforte cette analyse...