Exercer les fonctions de gérant unique d'une société civile viticole, sans limitation de pouvoir, suffit à caractériser l'activité professionnelle.
Nul n'ignore l'importance de l'in- cidence des plus-values professionnelles en cas de transmission de l'exploitation viticole. Reste à savoir ce que l'on entend par ' professionnelles '... L'affaire suivante concerne un important domaine d'appellation, dont l'exploitation est assurée par une société civile viticole (SCV) et la commercialisation par une société anonyme (SA). M. X. est gérant statutaire de la SCV, dont il détient la majorité des parts. Il cède à la SA les parts détenues dans la SCV pour une somme considérable. Il déclare les plus-values dans le cadre des plus-values des particuliers. L'administration fiscale réfute la déclaration, soutenant qu'il s'agit de plus-values professionnelles. La discussion repose sur l'interprétation de deux textes. Tout d'abord, l'article 93 du code général des impôts (CGI) prévoit que lorsqu'il s'agit de la détermination du bénéfice imposable, on tient compte des gains provenant de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession. Par ailleurs, selon l'article 151 noniès du CGI, lorsqu'un contribuable exerce une activité professionnelle dans le cadre d'une société soumise au réel, ses droits ou parts dans la société sont considérés comme des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession.
Le problème était de savoir si M. X. exerçait ou non son activité professionnelle dans le cadre de la SCV. En cas de réponse positive, les parts sont considérées comme faisant partie du patrimoine professionnel, même si elles ne sont pas inscrites au bilan (Conseil d'Etat, 11-10-78 et 10-06-83).
Une réponse ministérielle apporte un peu de lumière. Selon ce texte paru au JO du 28 janvier 1991, ' l'article 151 noniès CGI n'est applicable qu'aux contribuables qui participent directement, régulièrement et personnellement à l'exercice de l'activité professionnelle d'une société de personnes '.
Dans notre affaire, le Conseil d'Etat a estimé que M. X. avait bien une activité professionnelle au sens de l'article 151. Pour sa défense, M. X. a soutenu qu'il ne percevait aucun salaire pour ses fonctions de gérant. Cette argumentation était vouée à l'échec, car dans les SCV, c'est la participation aux bénéfices qui rémunère le gérant... Pour la haute juridiction, la preuve que M. X. exerçait son activité professionnelle au sein de la société résulte de ce qu'il était le gérant unique, qu'il avait donc le pouvoir de la diriger, de l'engager envers les tiers et de la représenter. En conséquence, ses parts sont reconnues comme faisant partie du patrimoine professionnel et leur cession est soumise à l'imposition des plus-values professionnelles.
Cette définition juridique sur le plan fiscal est à comparer avec la même situation en droit social. Selon l'article 722-10 du code rural, l'assurance maladie des non-salariés de l'agriculture s'applique aux membres non salariés de toute société, lorsque ces membres consacrent leur activité pour le compte de la société à une exploitation agricole.
En application de ce texte, il est jugé que quel que soit son temps de présence sur l'exploitation, le président d'une société civile d'exploitation agricole doit être considéré, en raison de la nature de ses fonctions, comme participant à l'exploitation, même s'il ne consacre qu'une heure par semaine à ses fonctions et n'exerce aucun travail réel dans l'exploitation, les tâches étant assurées par des salariés (Cour de cassation, 23-02-95 et du 28-11-91). Cette jurisprudence a toutefois été récemment contredite par un autre arrêt qui estime que le gérant doit exercer une activité proprement agricole (Cour de cassation, 4-07-01). Là encore, le problème est de définir l'activité professionnelle dans le cadre d'une société civile agricole. Faut-il semer, labourer, comme on l'exige dans les Gaec ? Ou bien simplement gérer administrativement cette société ? Une réponse est donnée en matière d'impôt de solidarité sur la fortune. Il a été jugé (Cour de cassation, 24-11-92) qu'exerce une activité agricole, le propriétaire d'un vignoble en Bordelais qui, bien que ne participant pas aux travaux et vivant à Paris, limitait son activité à la commercialisation. En l'espèce, le propriétaire a pu inscrire son exploitation comme instrument de travail et l'exclure de l'assiette de l'ISF !