Jean-Marc Garnier sillonne le Sud-Ouest, à la tête d'une chaîne de mise en bouteilles mobile de la société Partenaire. Quels que soient les aléas, il est dans l'obligation de rendre un résultat au goût de son client.
L'adaptation est le maître mot de Jean-Marc Garnier. Il doit intégrer les exigences particulières de chaque vigneron, tenir compte des matières sèches qu'on lui fournit, des lieux et des imprévus. Cela fait quinze ans qu'il sillonne le Sud-Ouest, d'Irouléguy à Bergerac, pour la société Partenaire de Gondrin (Gers). Mais, en ce 15 octobre 2002, c'est à Fronton qu'il est sollicité. ' C'est la première fois que je travaille pour le château Caze à Villaudric, explique Jean-Marc Garnier, alors les propriétaires sont stressés, et nous aussi. '
Bien qu'il ait effectué une visite préalable destinée à connaître le trajet, à identifier les lieux, à décider de l'emplacement du semi-remorque et de l'organisation générale du chantier, tout ne se déroule pas comme prévu. Le semi-remorque de 24 tonnes a été positionné ailleurs. Mais ce n'est pas trop gênant. Le problème, c'est qu'un intérimaire manque à l'appel. Il faut s'en faire une raison. Le camion est arrivé à 6 h45 sur la propriété. Les premières mises n'ont débuté que vers 9 h. ' Nous sommes en retard ', avoue Jean-Marc Garnier, s'empressant de peaufiner les réglages. Avant de commencer le tirage, il a fallu mettre le camion en position, effectuer le branchement d'eau, d'électricité et de vin. Ensuite, il a fallu préparer les palettes de bouteilles et de cartons, changer les épaules de la chaîne en fonction du diamètre des bouteilles, monter les seize becs de la tireuse, vérifier que la boucheuse fonctionne bien, contrôler le sertissage des capsules métalliques et mettre en place les postes d'étiquetages à colle pour les étiquettes et les contre-étiquettes...
Ce jour-là, il y avait aussi une coupure d'eau à Villaudric. ' Il y a toujours un petit quelque chose qui ne va pas et qui empêche de travailler vite. En toutes circonstances, je dois livrer le plus beau résultat. Je fais tout mon possible pour respecter le planning ', explique Jean-Marc Garnier, redevenu serein. Maintenant que les réglages sont terminés, la chaîne tourne à un rythme de 3 200 bouteilles à l'heure. Elle nécessite au minimum six personnes : une pour charger les bouteilles, deux qui mettent les bouteilles remplies et habillées dans les cartons, une pour la palettisation, un cariste qui apporte les bouteilles vides et qui évacue les palettes de cartons pleins, et le responsable de chaîne. Avec la participation de trois employés du château Caze, la chaîne fonctionne à sa vitesse optimale. En temps que responsable, Jean-Marc Garnier vérifie si le niveau de vin est constant, s'il n'y a pas de pli sur les bouchons, si les étiquettes et les contre-étiquettes sont bien droites. Il garde aussi un oeil sur les capsules et leur sertissage. ' Je ne dois pas en gaspiller, étant donné qu'elles sont fiscalisées ', fait-il remarquer.
' Je fais exactement ce que le vigneron veut. Je respecte son vin. Aujourd'hui, le client ne veut pas que l'heure de la mise figure sur le lot, alors je la supprime. Certains vignerons récupèrent le vin de la tireuse à la fin de la mise, d'autres non. Chacun ayant ses habitudes, il faut les intégrer dans notre façon de travailler. Le vigneron ne doit avoir absolument rien à redire sur ses bouteilles. '
Les chaînes d'embouteillage mobiles doivent être constamment réglées à cause de leurs perpétuels déplacements. En plus des réglages nécessaires entre deux clients, il y a aussi les réglages dus à un changement d'habillage pour un même client. ' Aujourd'hui, nous débutons avec 250 bouteilles de 1,5 l en tiré-bouché, pour poursuivre par 18 000 bouteilles de 75 cl habillées. Nous perdons du temps avec ces réglages supplémentaires ', indique Jean-Marc Garnier. Le chantier de mise pour le château Caze prévu sur deux journées, comprend quatre étiquetages différents et deux types de bouteilles. ' Nous préférons les journées entières sur un même lot, car cela débite plus ', observe le responsable de la chaîne. Les chantiers débitant le plus sont ceux des négociants. ' Malheureusement, les matières sèches fournies varient souvent, alors il faut sans cesse surveiller les machines. Je passe donc mon temps à tout régler. ' Il apprécie de travailler chez des vignerons en cave particulière pour la constance du travail, mais préfère les négociants chez lesquels le débit est plus important, car la facturation se fait au col. Dans tous les cas, il faut compter au moins une heure et demie pour la mise en route de la chaîne le matin, et au moins une heure de démontage et de lavage en fin de journée. ' Si l'on veut que la chaîne tourne de 8 h à 19 h, il faut faire des journées de travail d'au moins treize heures, auxquelles il faut ajouter les heures de déplacement... Je cherche donc toujours des astuces pour gagner du temps. Il n'y a pas d'autre école que le terrain pour apprendre ce genre de métier ', conclut Jean-Marc Garnier.