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Négociant, ' j'assure l'interface entre les vignerons et les clients '

La vigne - n°137 - novembre 2002 - page 0

En prise directe avec les attentes des acheteurs, le négociant vit au quotidien la réalité du marché. Rémi Mathelin assume ce rôle avec le sentiment d'appartenir, à part entière, à la filière viticole et la satisfaction d'avoir noué des relations de fidélité avec ses fournisseurs.

Dans les locaux de la maison Mathelin, à la mi-octobre 2002, les mises en bouteilles vont bon train. Le troisième jeudi de novembre approche, la fête du beaujolais nouveau se profile... La société Raymond Mathelin et fils, dirigée conjointement par trois frères et une soeur, figure parmi les rares négociants familiaux de petite taille qui perdurent. Les vins du Beaujolais représentent la moitié du chiffre d'affaires (2,6 Meuros pour 1,1 million de bouteilles vendues), le reste de l'offre étant composée de vins du Mâconnais, de la vallée du Rhône, et de vins de table et de pays.
Depuis peu, ce négociant, basé à Châtillon (Rhône) propose aussi des vins chiliens. Ce choix, qui pourrait être perçu comme une trahison, Rémi Mathelin, responsable des ventes, l'assume pleinement : ' Je préférerais vendre du vin d'ici, mais les beaujolais n'ont pas le vent en poupe. Alors, tout en oeuvrant pour ramener la croissance dans le Beaujolais, je vends 60 000 bouteilles de vin chilien à quelques clients étrangers qui souhaitaient que j'élargisse mon offre. '
Ce négociant travaille avec une cinquantaine de vignerons, chez lesquels il enlève une grande partie de la production, et avec une dizaine de caves coopératives. La plupart d'entre eux sont des partenaires de longue date qu'il ' rencontre avec plaisir, sinon, autant changer de métier. Nous achetons des vins de domaine, y compris auprès des coopératives, et nous les conditionnons tels quels. Nous refusons de faire des assemblages, car nous ne souhaitons pas avoir de 'goût Mathelin'. Il n'y a pas de demande pour l'uniformité ', dit-il.

Le prix d'achat des vins se négocie selon les cours officiels, avec une majoration pouvant aller jusqu'à 23 euros par pièce de 215 ou 216 l, bonus des noms de domaine. Les délais de paiement, dont la base réglementaire est de soi- xante-quinze jours, varient en fonction des enlèvements et de la négociation.
L'achat de raisins n'est pas à l'ordre du jour. ' En vinifiant nous-mêmes la production, la patte de l'oenologue transparaîtrait et les différences entre les douze AOC du Beaujolais se retrouveraient lissées . ' Chaque vin a son étiquette avec le nom du domaine, la gamme comprenant plus de quarante références. Une vision du métier qui dénote dans un environnement de plus en plus restreint. ' En 1984, le beaujolais comptait quarante négociants indépendants. Maintenant, même en se rassemblant avec le Mâconnais, il y en a moins de dix. '
Acteur indispensable de la filière, le négoce bénéficie d'une image plus ou moins bonne selon la santé économique de la région. Dans le contexte actuel, les critiques sont plus nourries. ' A chaque crise, nous sommes perçus comme des profiteurs , confirme Rémi Mathelin. Certains vignerons croient que nous gagnons plus d'argent quand les cours sont à la baisse, ce qui est faux. Je préfère gagner 10 % sur une base de 300 euros/hl que sur une base de 150 euros/hl. Nous sommes très liés économiquement, car les négociants sont à l'interface entre les vignerons et les acheteurs. Nous n'avons plus de clients pour les vins bon marché. Maintenant, nos acheteurs nous demandent de trouver une belle bouteille de beaujolais avec une médaille. '
Rémi Mathelin refuse d'intervenir sur les pratiques culturales de ses fournisseurs, ' car ce sont de bons professionnels '. Mais il regrette que la majorité des viticulteurs mise tout sur le beaujolais nouveau. ' Certes, nous n'avons pas de problème pour vendre le vin primeur. Mais le reste de l'année, les clients ne sont pas intéressés par le beaujolais car, dès le printemps, une partie des vins est fanée. Les vignerons devraient vinifier moins de primeur. '
En échange d'une participation au financement du retrait des 115 000 hl de beaujolais excédentaire en juillet 2002, les négociants ont réaffirmé leur souhait de renforcer l'agrément et le contrôle de la destruction des vins refusés. ' Le problème de la qualité des vins nous concerne en premier lieu, car nous sommes en contact permanent avec les acheteurs. Il revient aux viticulteurs de protéger leur AOC des mauvais vignerons. Cela passe par un agrément strict, dénué de considérations affectives. '

Après bientôt vingt années passées près des vignerons, Rémi Mathelin remarque qu'ils s'investissent davantage auprès des clients. ' Cette année, j'ai reçu des acheteurs anglais pendant les vendanges. Les vignerons chez lesquels nous sommes allés avaient préparé un buffet et nous ont très bien reçus. Il y a vingt ans, nous n'aurions jamais osé organiser une visite au cours de la récolte. '
Rémi Mathelin apprécie aussi le ' beau virage écologique ' amorçé il y a quelques années. ' Sous leurs allures parfois débonnaires, les vignerons savent se remettre en cause. Ils sont respectueux de leur terroir, passionnés, et tiennent leur parole. Le reproche que nous pourrions leur faire, c'est d'avoir parfois tendance à se sentir les meilleurs du monde. '
Rémi Mathelin regrette qu'il n'y ait pas plus de nouveaux venus, en raison du coût trop élevé du foncier. ' Si quelqu'un de l'extérieur souhaitait acheter 10 ha de vignes et une cuverie, le banquier ne le suivrait pas et il aurait raison, car cet achat ne serait pas rentable. Il ne faudrait pas que le métier de vigneron devienne un métier de riche. '



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