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DOSSIER - Bonnes nouvelles de nos régions

Beaujolais Une génération porteuse d'espoir

JULIETTE CASSAGNES - La vigne - n°282 - janvier 2016 - page 54

Chaque année, le Beaujolais attire de jeunes vignerons séduits par le potentiel de ses terroirs. Le négoce bourguignon, lui aussi, mise sur la région.
ANTOINE SUNIER, jeune vigneron récemment installé sur 3,9 ha en Régnié et Morgon. © A. AYSCOUGH

ANTOINE SUNIER, jeune vigneron récemment installé sur 3,9 ha en Régnié et Morgon. © A. AYSCOUGH

RAPHAËL SAINT-CYR, jeune vigneron basé à Anse (Rhône), sur 24 ha.

RAPHAËL SAINT-CYR, jeune vigneron basé à Anse (Rhône), sur 24 ha.

Le Beaujolais traverse une crise importante, avec, à la clé, une perte de ses surfaces et de ses exploitations. Si les chiffres sont sans appel (voir encadré « Ça pourrait aller mieux »), il n'en demeure pas moins que des signaux positifs émanent du vignoble. « Il y a toujours des installations, une vingtaine environ chaque année, observe avec satisfaction Jacques Montoloy, conseiller d'entreprises spécialisé dans les installations à la chambre d'agriculture du Rhône. Des jeunes qui ont un profil différent de par le passé. »

Dynamiques et enthousiastes, ces nouveaux arrivants croient au potentiel du Beaujolais.

Plusieurs de ces jeunes sont en bio, comme Antoine Sunier. À 33 ans, après quinze années dans la téléphonie mobile, il s'installe en 2013 sur 3,9 ha en Régnié et Morgon. Son frère aîné, qui l'a précédé de quatre ans, lui « a transmis le goût du métier ». « Ce qui m'a donné envie ? Tous ces viticulteurs qui s'installent en bio, s'entraident et restent simples : c'est super ! », se réjouit-il.

Pour ce jeune viticulteur, terroir rime avec « respect et travail de la terre ». Il valorise toute sa production en bouteilles, élabore ses vins avec le moins possible d'intrants et les élève « à la bourguignonne ». Il a déjà écoulé son millésime 2014, en grande partie à l'export. Il a décroché un article dans le célèbre magazine The Wine Advocate et fait référencer ses vins sur les cartes de restaurants étoilés de la région. « Il y a un gros potentiel pour les vins d'ici, à l'étranger mais aussi en France », assure Antoine Sunier.

Raphaël Saint-Cyr, né dans le pays et installé à Anse (Rhône), plus au sud, est un autre exemple de ces nouveaux vignerons enthousiastes. « Des atouts, il y en a plein ici, s'exclame-t-il. Nous avons les terroirs pour produire des vins exceptionnels. Un jour viendra où ils seront reconnus à leur juste valeur. »

Lors de son installation, en 2008, sur le domaine de ses parents, il « redirige » l'exploitation qui ne produisait que de l'AOP Beaujolais sur 40 ha. Il arrache ou abandonne les parcelles les moins rentables ou à faible potentiel. Au final, il ne conserve que 18 ha, qu'il complète par 6 ha dans les crus, « pour avoir une gamme ». Et il passe l'ensemble de la production en bio.

Raphaël Saint-Cyr souhaitait développer l'export. Avant de s'installer, il effectue un stage de six mois en Nouvelle-Zélande, pour perfectionner son anglais. Ainsi, outre les 100 000 bouteilles écoulées en France, il vend 30 000 cols de beaujolais « de garde » et de crus à l'export et ce, après seulement deux ans de prospection. Il produit également deux vins blancs, un beaujolais issu de chardonnay et un vin de cépage sauvignon. « Je vends tout et il m'en manque chaque année », précise-t-il.

Comme son homologue Antoine Sunier, Raphaël soigne les vinifications et l'élevage de ses vins rouges : pas de levurage, des vinifications longues et à froid, un élevage en barriques pendant huit mois. Exit la thermovinification, qui entraîne une « standardisation » des vins et des goûts. Un changement de style complet par rapport aux usages dans l'appellation.

Signe que le Beaujolais a du potentiel, il séduit aussi des négociants. Dernier en date, Michel Chapoutier a acquis la Maison Trénel en mars 2015. « Vu la nouvelle génération montante, nous sommes en confiance pour développer un négoce de haut de gamme axé sur du conseil et de la contractualisation », a-t-il déclaré lors de la reprise.

Quelques mois plus tôt, la Maison Joseph Drouhin, « convaincue du fort potentiel de son vignoble », a scellé un partenariat avec les Hospices de Belleville pour 14 ha de vignes en brouilly, fleurie et morgon. « La région est magnifique et offre une multitude de terroirs, dont certains sont remarquables et sous-valorisés », justifie Frédéric Drouhin.

« On n'a jamais fait d'aussi bons beaujolais depuis les deux dernières décennies », renchérit Albéric Bichot, directeur de la maison bourguignonne Albert Bichot, qui a acheté le domaine de Rochegrès - 4 ha de Moulin-à-Vent - en octobre 2014. Pour lui, le Beaujolais reste, avec le Mâconnais, les « deux grandes régions qui ont du potentiel », grâce à des « terroirs fantastiques dans les crus ». Il a tiré 16 000 cols du millésime 2014 au Domaine de Rochegrès. Les deux tiers ont été exportés, aux États-Unis et en Asie. « Nos clients sont emballés. Pour la plupart, ils découvrent nos vins », se réjouit le négociant.

Après le négoce, c'est au tour de vignerons bourguignons de s'intéresser au Beaujolais, à l'image de Thibault Liger-Belair, vigneron-négociant en Côte-d'Or, qui y a acquis des vignes. Celui-ci reçoit fréquemment « des coups de fil de ses collègues vignerons » qui veulent un avis sur une parcelle ou un domaine, en vue d'une acquisition. « Je rencontre aussi des investisseurs qui ont goûté de bons vins et voient le potentiel du vignoble. En Beaujolais, on peut avoir des projets intéressants ; c'est plus dur en Bourgogne. On peut réécrire l'histoire du vignoble, c'est passionnant ! »

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C'est le nombre de négociants qui ont investi dans le beaujolais depuis 2013 : Michel Chapoutier, négoce Trénel ; Joseph Drouhin, Hospices de Belleville ; Albert Bichot, domaine de Rochegrès ; et la Maison Louis-Bouillot (Boisset).

ÇA MARCHE AUSSI...

- Des vignerons diversifient leur production de vins avec succès. Ils se sont ainsi lancés dans le crémant de Bourgogne, le coteaux bourguignon, les bourgognes blancs et rouges, le beaujolais blanc ou encore des vins IGP ou sans IG issus de gamaret, viognier, syrah ou sauvignon. « Cette diversification est une bonne nouvelle, estime Patrice Dumas, vigneron et président de la section viticole de la FDSEA du Rhône. Le gamaret donne de beaux résultats et est très bien valorisé. L'avenir du beaujolais passe par d'autres vins que le beaujolais. »

ÇA POURRAIT ALLER MIEUX...

- En dix ans - de 2004 à 2014 - le nombre d'exploitations en beaujolais est passé de 3 475 à 1 992... soit environ cent cinquante exploitations qui disparaissent en moyenne chaque année. La surface, elle, est passée de 22 884 ha à 15 733 ha, soit une perte de 7 000 ha. « Des vignes se libèrent pour des passionnés du vin à la recherche de parcelles, positive Jacques Montoloy, conseiller en installation à la chambre d'agriculture du Rhône. Il y a de la place et des choses à faire pour les personnes fortes techniquement et commercialement. »

- Cette année, le marché du vrac en beaujolais nouveau s'est terminé sur un repli. Il a ainsi reculé de 7 % par rapport à 2014, avec 152 500 hl de beaujolais et de beaujolais-villages nouveaux échangés au 31 octobre. Le prix est également en baisse, à 201 €/hl de beaujolais nouveau contre 218 €/hl en 2014.

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :