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Successeur, 'je veux faire comme mon père'

La vigne - n°137 - novembre 2002 - page 0

Lorsque l'on reprend l'exploitation familiale, un choix s'impose : s'inscrire dans la continuité ou changer de direction. Laure Dozon, fière du vin de son père, souhaite travailler comme lui.

Dans la famille des successeurs, on distingue les continuateurs des réformateurs. Les premiers s'inscrivent dans la voie tracée par leur aînés, les seconds dans le changement. Question de tempérament, certes, mais aussi de tactique. Laure Dozon fait partie de ces successeurs qui se coulent dans la tradition familiale. Son objectif est clair : ' J'aime le vin de mon père. Mon ambition est de faire aussi bien que lui !' De quoi flatter les oreilles de bien des géniteurs...
Que ceux qui désespèrent de transmettre leur exploitation à leurs enfants se rassurent : c'est passé vingt-cinq ans que Laure Dozon a pris sa décision. Adolescente, elle préférait être dans la cuisine avec sa mère pour préparer le repas, plutôt que dans les vignes à cueillir le raisin. Reste que les vocations tardives sont peut-être les plus fermes. ' J'ai conscience que la décision de reprendre le domaine est un vrai choix de vie, et pas seulement un simple choix de métier , explique-t-elle. Cette décision a et aura des implications sur la vie familiale, sur ma vie privée, sur mon quotidien... ' La preuve : après une vie d'étudiante bien active à La Rochelle, puis à Arras où elle a obtenu un troisième cycle en industrie agroalimentaire, Laure a dû se réhabituer au doux train-train du hameau Le Rouilly (Indre-et-Loire) qui l'a vu grandir.

Lorsqu'elle a annoncé à son père sa volonté de travailler avec lui sur l'exploitation, Jean-Marie Dozon s'est trouvé devant le fait accompli. Loin des clichés habituels, il n'a jamais poussé à une telle succession, conscient que le fait de transmettre l'exploitation à sa progéniture engendre une implication particulière. ' Quand on cède à un étranger, on se déresponsabilise. Lorsque c'est votre enfant qui prend la suite, on ne peut pas se désintéresser du devenir de l'exploitation ', observe Jean-Marie.
Le propre du métier de vigneron est la polyvalence. La jeune fille va le découvrir peu à peu. A son arrivée, elle participe à tous les travaux en fonction des besoins quotidiens. Elle n'a pas de programme précis de prise de responsabilités. A la vigne, elle se rend compte rapidement de ses limites physiques. Savoir tailler est une chose, le faire sur plusieurs hectares durant des jours en est une autre... ' Plus tard, j'envisage de former un chef de culture pour l'aider sur cette partie ', explique son père. Au niveau commercial, en revanche, ' je me suis découvert un goût pour le contact avec les clients '. Laure prend rapidement les choses en main. C'est elle qui participe aux différentes expositions. Elle a même étendu le nombre de salons sur lesquels le domaine se rend. Son père l'a présentée à tous les clients. Elle vole déjà de ses propres ailes.
Pour les questions de gestion et de comptabilité, elle partage encore les responsabilités avec son père : à lui les bulletins de salaire, à elle les documents des douanes... Quant à la vinification, Laure s'estime tout juste en phase d'apprentissage. Lorsqu'il s'agit de déguster, père et fille sont sur la même longueur d'ondes, mais pas question de prendre des initiatives au chai... ' C'est à la cave que j'ai encore le plus de choses à apprendre . '
Bien qu'elle n'ait pas encore tout en main, elle est déjà indispensable au bon fonctionnement du domaine. ' Laure a rapidement pris sa place dans l'exploitation. Au bout de six mois, je ne pouvais plus me passer d'elle . ' Les choses sont allées plus vite que prévu. ' Au départ, j'envisageais de demander des aides à l'installation. Il me fallait obtenir un Brevet professionnel de responsable d'exploitation agricole. Il aurait fallu que je complète cette formation d'un stage de six mois sur une exploitation extérieure. En fait, je me suis trouvée si vite dans le bain, que je n'ai pas eu le temps de partir ', raconte Laure.

Pourtant, ce n'était pas évident de faire son trou dans une équipe qui tourne depuis plusieurs années. L'exploitation familiale compte cinq employés. Le secret de la bonne intégration de Laure : sa capacité d'écoute. ' J'ai tout à apprendre, alors j'essaie de profiter de l'expérience des autres . '
Son cursus universitaire de cinq ans aurait pu la rendre pédante. Au contraire, la jeune femme sait rester humble. Elle ose montrer sa méconnaissance et demander des explications. Comme dit le philosophe, mieux vaut avoir l'air bête cinq minutes en posant une question que de l'être toute sa vie en refusant d'en poser... ' Pour faciliter mon intégration, mon père m'a demandé de participer à toutes les réunions du syndicat et de la chambre d'agriculture... Non seulement cela m'a permis de nouer des liens mais, en plus, ces journées sont de vraies mines d'informations pour moi. Techniciens comme vignerons expérimentés ont toujours pris le temps de m'expliquer... ', raconte-t-elle.
Pour l'instant, Laure est salariée de l'exploitation. Cet hiver, elle devrait changer de statut et devenir exploitante en rachetant 51 % des parts de l'EARL. Pour éviter d'éventuels problèmes vis-à-vis de ses héritiers, notamment son fils, Jean-Marie Dozon a fait évaluer la société par les experts du centre de gestion. Une bonne succession, cela se prépare vis-à-vis des clients, des employés, bien sûr, mais surtout de la famille... La future chef d'exploitation aime l'idée d'une transmission progressive. ' Je ne me sens pas prête à assumer seule. On dit qu'il faut dix ans pour faire un bon cheval. C'est le temps que je me laisse... ', sourit-elle.


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