ImprimerLe 6 septembre, le domaine Foradori, situé dans le Trentin (Italie), recevait 150 spectateurs pour un récital de chant. C'était l'une des soirées du festival Vinum Bonum.
Un public en tenue de soirée se presse au portail de la propriété de Gabriela Foradori. Il ne fait pas encore sombre, la nuit italienne s'annonce douce. On vous accueille avec un verre de myrto et, tout en dégustant ce vin blanc, vous flânez dans une propriété vinicole transfigurée en salle de spectacles. Des fleurs flottent sur un bassin éclairé de grandes bougies à la mode japonaise, un piano à queue trône entre les cuves en Inox éclairées elles aussi de bleu et or.
Après une présentation impeccable en italien, anglais et allemand du spectacle qui vous attend, de l'exploitation et de ses propriétaires, les 150 spectateurs se divisent en deux groupes et, chacun à leur tour, visitent les caves éclairées aux chandelles ou dégustent le rouge vedette, le granato, issu du cépage local teroldego. Avec 14 ha de vigne, la propriété de Gabriela et Elisabeth Foradori est importante pour la région du Trentin. De plus, elles achètent et vinifient la production de 14 ha. Elles produisent 90 % de vin rouge qu'elles élèvent en fûts de chêne neufs. Les 40 000 bouteilles de granato se vendent 30 euros pièce, principalement à l'export.
La visite terminée, un fauteuil confortable vous attend. Le spectacle commence. Il est donné par une cantatrice qui n'oublie pas de goûter régulièrement au vin pour le mettre en valeur. Entre les différents morceaux de son récital éclectique, le pianiste - seul instrumentiste qui l'accompagne - cite les fruits, les poètes et les cépages du Trentin. Vous réalisez que l'acoustique du chai se prête bien à la mise en scène et en musique du vin. Que la sensation gustative et l'émotion artistique s'accordent. Applaudissements. Et ce n'est pas fini, on vous offre des cadeaux : un certificat enroulé comme un parchemin, lié d'un ruban - ce sont les fiches techniques de chaque vin, avec leur étiquette. On vous remet aussi une pomme, autre spécialité locale, présentée dans un joli cube de carton. Vous dînez ensuite d'un buffet de charcuteries des Alpes, suivi d'un plat typique, l'orzotto (rizotto confectionné, non avec du riz, mais avec de l'orge) et d'un dessert.
Gabriela Foradori et sa fille Elisabeth accueillent pour la troisième année ce spectacle. Il fait partie des douze concerts du festival Vinum Bonum. Tous sont donnés dans des chais. Plus de 1 800 spectateurs y ont assisté durant l'été 2002, sixième édition de Vinum Bonum. ' Nous sommes toujours disponibles pour parler du vin. Cela fait connaître notre exploitation et les spectateurs des deux années précédentes sont revenus acheter notre vin ', précise la maîtresse de maison. Ces concerts s'inscrivent dans une série d'animations proposées de juin à septembre dans les musées, en haute montagne et dans d'autres lieux inédits de l'agrotourisme régional. Pour les caves, l'objectif est d'intéresser un public de non-initiés qui trouve élitiste, voire rébarbative, l'ambiance traditionnelle du vin. ' Nous proposons une démystification courtoise des coutumes. Certains concerts sont franchement désopilants ', sourit Paola Pancher, du service marketing de l'office du tourisme du Trentin, ' en particulier celui d'un groupe espagnol dont les instruments sont réalisés avec des chambres à air. ' Roll over Beethoven, de Bach à Bacchus en passant par les Beatles, la musique tzigane et le jazz réconciliés avec l'accordéon : le programme n'engendre pas la morosité. Son prix non plus, l'entrée à un spectacle ne coûte que 10 euros, car l'office du tourisme prend à sa charge les deux tiers des coûts et les vignerons, le tiers restant. Les concerts reprendront l'été prochain. En Italie, le vin est un produit culturel que le goût de l'esthétique fait vendre.