Depuis dix-huit ans, Pascal Laplagne parcourt le vignoble de Bergerac pour vendre des produits phytosanitaires aux vignerons, mais aussi pour les conseiller sur la meilleure façon de soigner leurs vignes. Un métier où disponibilité, sens des relations et polyvalence sont les règles d'or.
L'image du commercial qui ' baratine ' pour vendre un maximum de produits est encore bien ancrée, mais elle ne correspond pas toujours à la réalité. Désormais, il ne suffit plus de vendre, il faut aussi offrir au vigneron le conseil le mieux adapté à sa situation. ' Un bon technico-commercial maîtrise à la fois la technique et la vente, estime Pascal Laplagne, qui exerce ce métier chez La Périgourdine, une coopérative basée à Bergerac . Mais celui qui excelle en technique n'aura quasiment pas à se servir de ses talents de commercial . ' La viticulture raisonnée est entrée dans ses prérogatives. ' Je suis partie prenante dans la réussite des exploitations que je suis et celle-ci passe par le respect de cahiers des charges élaborés par les acheteurs. Les vignerons mieux formés sont de plus en plus demandeurs de conseils. La pérennisation de mon activité passe par un suivi scrupuleux . '
Avec un portefeuille de 200 clients, Pascal Laplagne exerce un travail loin de tout repos. ' Je gère mon activité à l'instar d'une petite entreprise, mais je ne suis pas payé à la commission. Mon salaire est fixe. Cela évite de vouloir vendre à tout prix au détriment de la viticulture raisonnée . ' Avec voiture de fonction, téléphone portable, agenda, cahier de commande, cahier de référencement, bottes... il est équipé pour affronter qui a lieu de début décembre à fin mars. Là, il élabore avec chaque vigneron un programme de traitement en vue des achats de produits. ' Je prends rendez-vous avec quatre ou cinq clients dans la journée. L'entretien dure en moyenne 2 h 30 à 3 h 00 . Il faut anticiper leurs besoins. C'est la période la plus commerciale, mais je préfère largement faire un argumentaire technique plutôt que de discuter prix. Cette époque est la plus difficile : femme et enfant passent après les vignerons. ' Il faut dire que La Périgourdine, où Pascal Laplagne travaille depuis sept ans, n'est pas en situation de monopole. ' Heureusement, car cela met un peu de piquant dans notre activité et nous évite de rentrer dans un système routinier. Notre métier demande une perpétuelle remise en question . ' Il est devenu plus professionnel. Il y a quelques années, les commandes se prenaient encore sur le capot de la voiture. Aujourd'hui, ce n'est plus concevable. Il ne s'agit plus de vendre une liste immuable de remèdes de choc, mais d'établir une ' ordonnance ' adaptée à chaque situation. De début avril à fin août, vient le suivi en saison. Là encore, pas question de se tourner les pouces.
Rédaction d'avertissements une fois par semaine, de flashs spéciaux, quelques prospections en douceur et visites des clients constituent le quotidien. Lors d'années difficiles, comme ce fut le cas en 2000 à cause du mildiou, Pascal Laplagne reçoit en moyenne 40 à 60 coups de téléphone par jour. Ses clients, inquiets de l'état de santé de leur vignoble, exigent de la disponibilité. Du coup, afin de les satisfaire, à 23 h 00 il est encore sur le terrain pour essayer de trouver les traitements les plus adaptés. La réactivité est essentielle dans ce métier. Il est joignable même pendant les week-ends et les vacances. En cas de grêle, il faut être rapidement là pour épauler et conseiller les vignerons : ils réclament des soins immédiats pour leurs vignes blessées. Ils ne se soucient pas de savoir si l'accident s'est produit un dimanche !
Du fait de sa disponibilité, le technico-commercial instaure une relation privilégiée avec ses clients. ' Devenus des amis, ils me confient leurs préoccupations. Parfois, je leur remonte le moral, car la situation économique du Bergeracois est telle qu'ils en arrivent à des points de rupture : certains ne veulent plus faire d'efforts qualitatifs, ça ne paye pas. Là est le paradoxe ! J'ai un grand respect pour eux car ils ont une force de caractère qui leur permet de surmonter les épreuves . '
Ces dernières années, Pascal Laplagne a dû composer avec les autres techniciens de la filière. ' Au départ, les voyant arriver, je pensais devenir un pharmacien. Il n'en est rien. Je garde toujours autant d'importance à partir du moment où j'ai un discours homogène. Le vigneron m'appelle toujours en priorité. En cas de problème, je suis le premier à aller au feu. Je me considère comme un médecin de la vigne. J'établis un diagnostic phytosanitaire et je propose des solutions en retour. J'ai une obligation de résultats plus importante que les autres techniciens. Si je donne un mauvais conseil, je perds un client. Mieux vaut dire ' je ne sais pas ' et rechercher rapidement la réponse à la question plutôt que de dire une bêtise. Un vigneron ne doit jamais douter de mes compétences. '
Fort de dix-huit années d'expérience, il encadre désormais deux autres technico-commerciaux. En hiver, il organise une réunion sur un thème précis. Il met en place des expérimentations pour tester les nouvelles matières actives. Il participe à l'élaboration de cahiers de référencement et de préconisations avec les firmes et suit des formations. Tout ceci demande du temps et une grande polyvalence. ' Il faut avoir ce métier dans le sang pour supporter le rythme, mais une fois franchi le cap des deux premières années, cela devient intéressant . ' Et même s'il lui arrive parfois de vouloir tout laisser tomber après un entretien houleux, cela ne dure que quelques minutes.