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Fin d'une tolérance pour les AOC chaptalisées

La vigne - n°138 - décembre 2002 - page 0

En application d'un règlement communautaire de juillet 2000, l'administration met un terme à la pratique qui consistait à auto- riser la vente, en vins de table, des appellations chaptalisées et refusées à l'agrément.

Le droit est parfois si abscons qu'il faut attendre plusieurs mois, voire plusieurs années, pour prendre conscience de l'impact d'une nouvelle règle... C'est ce qui vient d'arriver, dans le Bordelais, à des recalés à l'agrément. Jusqu'à présent, les vignerons qui se voyaient refuser l'appellation pouvaient vendre leurs lots en vins de table, même s'ils avaient fait l'objet d'une chaptalisation, pratique interdite pour cette catégorie de vin. Désormais, cette possibilité leur est interdite, en vertu d'un texte communautaire de 24 juillet... 2000 (article 9 b du règlement CE n° 1 607-2000). En conséquence, les vins chaptalisés, refusés à l'agrément, n'ont d'autres issues que les destinations industrielles (distillation ou vinaigrerie) ou l'autoconsom- mation, s'il s'agit de petits lots.
De 2000 à 2002, on peut s'étonner qu'il ait fallu autant de temps pour faire passer le message ! D'autant que tous les vignobles ne se sont pas mis au pas avec la même diligence. En Alsace, le centre Inao remarque que dès la dernière campagne d'agrément, l'information a bien circulé. En revanche, Michel Goubard, représentant bourguignon, au Comité national de l'Institut, note que la nouvelle règle n'a pas encore été appliquée dans sa région. Elle sera effective pour les agréments de 2002-2003. A Bordeaux, la lettre de rappel à l'ordre, émanant de la Direction générale des douanes à ses services locaux, est intervenue fin août. A cette date, tous les agréments de la campagne 2001-2002 n'étaient pas terminés. Les vignerons recalés avant ce courrier ont pu sauver les meubles en vendant leurs lots en VDT. Les autres ne devraient pas avoir d'autres choix que la distillerie. Pour Hubert Bouteiller, membre du Comité national, ' Il y a une injustice dans le traitement des recalés '. C'est pourquoi la Fédération des grands vins de Bordeaux demande une dérogation pour la vingtaine de vignerons concernés.

Pour l'avenir, tout le monde s'accorde à dire qu'il faudra bien appliquer les nouvelles règles du jeu : ' Nous sommes devant le fait accompli. Il s'agit d'un texte communautaire d'application immédiate en droit français. Je vois mal les instances françaises demander une révision des dispositions pour un problème qui concerne, chaque année, une minorité ', explique un responsable syndical.
La fin de la tolérance risque d'avoir une incidence sur les décisions ultimes des commissions d'agrément. Seront-elles aussi inflexibles qu'elles ont prévu de l'être, sachant qu'en cas de refus, elles enverront les vins chaptalisés à la distillerie, leur faisant ainsi perdre toute valeur. ' Je crains un regain de laxisme ', note le Bourguignon Michel Goubard.

Sentiment partagé par son homologue bordelais, Hubert Bouteiller. En revanche, les Alsaciens n'ont pas ces craintes. Ils font valoir qu'entre la perte sèche résultant d'un apport en distillerie et la faible valorisation d'une vente en vin de table, la différence est minime, au regard des prix pratiqués sur le marché des appellations.
Conséquence de la nouvelle donne : le débat sur une assurance volontaire contre le refus d'agrément, comme celle mise en place en Beaujolais, est de moins en moins tabou. ' Une chose est sûre : le contexte est de plus en plus favorable pour aborder ce délicat problème du devenir des vins non agréés ', note un responsable, faisant également référence aux discussions en cours sur l'avenir de la filière.
Pour certains, la fin de la tolérance constitue un encouragement à l'utilisation des moûts concentrés rectifiés, car pour les vins ainsi enrichis, la vente en vin de table demeure possible. Sur le terrain, les professionnels affirment que les traditions ne changeront pas. Plus coûteux que le saccharose, les moûts concentrés rectifiés sont aussi plus difficiles d'emploi, techniquement et administrativement. Ce filet de sécurité ne devrait donc pas être employé...




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