Jean-Marc Balaran, installé à Sainte-Croix (Tarn), tient un rythme d'investissement régulier et soutenu. Novateur mais prudent, toutes ses décisions sont réfléchies en minimisant les risques.
'La régularité des vins, c'est la première demande d'un client. Nous nous efforçons de la lui fournir. ' En quelques mots, Jean-Marc Balaran, 44 ans, vigneron à la tête du domaine d'Escausses, en EARL avec sa femme Roselyne, à Sainte-Croix (Tarn), résume sa philosophie de travail. Adepte de l'assurance maximale, il joue la sécurité sur tous les plans : technique, humain et commercial. ' Je suis un angoissé de nature, j'ai besoin de me rassurer. ' De l'implantation du vignoble à l'étiquetage de ses bouteilles, toutes ses décisions obéissent à un seul leitmotiv : minimiser les risques. D'autant que sur son domaine de 62 ha, en marge de la vigne qui en couvre 35, Jean-Marc Balaran produit aussi du blé, du tournesol et des semences de luzerne.
Depuis son installation, en 1979, sur 10 ha de vigne, puis son association en Gaec avec son père Denis, en 1983, il n'a eu de cesse de développer et de rester maître de son réseau de commercialisation. La vente directe débute en 1983, les premières bouteilles en AOC Gaillac sont vendues en 1985. Aujourd'hui, il en expédie 150 000. Sa gamme est large (6 AOC Gaillac, 14 vins AOC et du vin de table).
Toutes ses cuvées AOC sont baptisées (La Vigne de l'oubli, La Vigne blanche, La Croix petite...), car ' un nom frappe les esprits '. Il évolue vers une étiquette par marché : cavistes, restaurants, exportation, grande distribution, particuliers. Ainsi, Le Privilège du domaine d'Escausses est destiné à Leclerc depuis 1997, La Vigne mythique (100 % braucol élevé un an en fût) pour un restaurateur sommelier.
Jean-Marc Balaran conserve une production de vin de table (6,6 ha). Encore une manière d'assurer ses arrières, avec l'opportunité de déclasser ses autres vins lorsqu'il les trouve mauvais.
Tous les ans, il vinifie 12 000 bouteilles de gaillac primeur à base de gamay, ' le prétexte à une opération de communication, l'avant-dernier week-end de novembre, avec deux jours portes ouvertes ', confesse-t-il. Pour un coût d'environ 4 000 euros, il voit défiler 1 500 personnes. Il propose des animations (promenades à cheval, magiciens, peintres, produits locaux) et une soirée à thème, avec orchestre et repas pour 130 personnes. Un moyen pour fidéliser ses clients et en connaître d'autres.
Adepte d'un développement sans à-coup, Jean-Marc Balaran essaie de tenir un rythme d'investissement régulier et soutenu d'environ 77 000 euros par an. En vingt ans, il a planté ou replanté 20 ha de vigne. Un tiers de la surface est planté de cépages locaux (duras, len-de-l'el, mauzac, braucol, ondenc), ' l'avenir du vignoble ', relève-t-il. Avant plantation, toutes les parcelles sont drainées (4 500 euros/ha). Il s'est équipé pour traiter rapidement en cas de pluie : deux tracteurs interlignes, deux appareils de traitement, une machine à vendanger polyvalente, elle aussi pourvue d'un pulvérisateur. Il reconnaît que ce dernier investissement, réalisé en 2001, n'est pas la panacée. S'il avait le choix, il ne le referait pas. La machine est lourde (8-9 t). Elle a tendance à compacter les sols. Sa conduite est délicate et il met une heure pour gagner l'îlot de 7 ha, situé à Cahuzac-sur-Vère à 15 km, exploité en fermage depuis trois ans.
Du côté de la cave, Jean-Marc Balaran levure systématiquement ' avec des souches neutres, K1 et KD ', pour sécuriser la vinification.
Depuis 1990, il a acquis un groupe mobile de froid Frica (30 000 frigories) complété, depuis deux ans, par un groupe industriel d'eau glacée. Il s'est équipé d'un pressoir pneumatique Bucher, de remorques à sorties directes, d'une table de tri, d'un égrappoir et, depuis 2002, d'une table vibrante Demoisy ' pour fignoler le travail de l'égrappoir '. Verdict : ' Ce n'est pas évident ! '
Bien qu'il soit prudent, Jean-Marc Balaran n'hésite pas à essayer de nouvelles techniques. En 2001, il tente la micro-oxygénation sous marc sur 80 hl. Séduit, il traite les deux tiers de sa production en 2002.
La même année, il teste la macération préfermentaire à froid sur ses syrahs, à 5-6°C pendant dix jours. ' Le résultat me plaît. Cela fait ressortir le côté aromatique et le fruit du vin. Je vais persévérer . '
Il délègue sa production de gaillac méthode champenoise à la coopérative de l'abbaye Saint-Michel.
Depuis 1985, il fait appel à la Cuma oenologique du Gaillacois pour les filtrations (0,9 à 4 euros/hl), les mises en bouteilles en tiré-bouché avec filtration (0,04 euros/col) et l'étiquetage (0,05 euros/col). Il dispose ainsi d'un matériel récent et d'employés spécialisés. ' C'est mieux que de travailler tout seul, car on ne peut pas être bon partout . ' Encore un moyen ' d'assurer '. Même objectif avec l'embauche de cinq personnes depuis le décès de son père, en 1996 : il fait peu appel à la main-d'oeuvre saisonnière. Il réfléchit même à une formule attractive pour fidéliser ses employés.
A court terme, il veut terminer la construction d'un chai de 450 m² (152 000 euros), le climatiser, installer une chaudière (la micro-oxygénation est impossible à des températures inférieures à 12°C), et restructurer 3 ha de jurançon avant juillet 2004, afin de bénéficier de cette AOC. A moyen terme, il aimerait créer un vignoble à haute densité dans le Gaillacois. Mais seul, il a ' la trouille '. Peut-être le réalisera-t-il avec d'autres vignerons.
L'exploitation en dates
1979 installation sur 10 ha de vigne
1983 création d'un Gaec avec son père
1985 1 eres bouteilles en AOC
1988 1 er PAM
1995 création d'une EARL avec sa femme
2000 2 eme PAM
2001 signature d'un CTE. Site internet.