Les vins de 1555 étaient tellement acides qu'on les a dénommé guinguets, du verbe ginguer qui veut dire danser. Plus tard, on désigna des cabarets du même nom.
Ces cabarets ont pris le nom donné aux vins si acides qu'on tressautait en les buvant L'année 1554 avait été normale dans la moitié nord de la France, avec des vendanges commencées, en moyenne, vers le 22 septembre. Il est vrai qu'on vendangeait tôt jadis, le plus souvent avant parfaite maturité. 1555 fut, au contraire, l'année de la pluie. Pourtant, tout avait bien commencé. Les blés semés à l'automne 1554 étaient magnifiques au mois de mars suivant. La vigne aussi se présentait bien mais, dès le mois de mai, les pluies tombèrent abondamment. Ce qui fit dire à Claude Haton, curé de Provins (Brie) et auteur de précieux Mémoires sur la seconde moitié du XVIe siècle, que le temps commença ' à se débaucher par longues pluies et se continua quasi un an tout entier, au moyen de quoi les moissons et vendanges se portèrent mal '.
Résultat, les grains germèrent sur pied, les seigles principalement qui doivent se moissonner en premier, et on eut beaucoup de mal à rentrer la moisson. Quant aux raisins, ils ne mûrirent pas. On commença les vendanges vers la mi-octobre par un temps froid, et à la Saint-Martin, on n'avait pas encore fini de pressurer ; les rouges n'avaient pas de couleur et, dit notre auteur, on les nomma guinguets dans toute la France.
Or, que veut dire guinguet, qui n'apparaît dans les textes qu'en 1549. Il vient sûrement du verbe ginguer, qui veut dire sauter (une danse s'appelle la gigue). Parce que le vin acide qu'on boit fait sursauter comme dansent les chèvres. On a toujours dit que les vins de la Brie, province peu douée pour la production de cette boisson, faisaient danser les chèvres. D'ailleurs, giguer, ou ginguer, a donné le verbe regimber (ruer) et l'idée de sautillement se retrouve dans le mot guingois (de travers). Puis est venu le verbe gingler, qui a donné son nom aux mauvais vins de la région parisienne, connus encore au XX e siècle sous le nom de ginglard, reginglard, vins aigrelets, acides, même s'ils peuvent paraître frais dans leur jeunesse.
Enfin, le mot guinguet a donné son nom aux guinguettes, ces cabarets populaires qui ont fleuri au XVIII e siècle, car avant 1789, les vins de la région parisienne s'y débitaient à bon marché, exemptés de droits, droits par contre très lourds à l'intérieur de Paris. Ainsi un vin imbuvable de 1555 a donné son nom à des cafés.