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Nouvel agrément : un problème de mise au point

La vigne - n°140 - février 2003 - page 0

Selon la nouvelle procédure d'agrément, tous les vins d'une même catégorie doivent être prélevés en même temps. Il s'agit de faire une photo analytique de la cave pour éviter les fraudes. Ce principe s'avère inapplicable dans bien des cas.

L'agrément nouvelle formule essuie ses premiers plâtres. Adopté en mai 2001 par le Comité national de l'Inao, puis révisé dans la chaleur estivale du mois d'août dernier, sous la pression de certaines régions viticoles, il est actuellement appliqué sur l'ensemble du territoire. Il a fait l'objet d'un décret et d'un arrêté parus au Journal officiel du 7 décembre 2001. Puis ces textes ont été suivis d'arrêtés modificatifs pour répondre aux objections.
Sur le terrain, la nouvelle procédure d'agrément ne fait pas l'unanimité, loin s'en faut. ' L'Inao a cédé à la pression médiatique , affirme un professionnel proche du dossier. Avant la mise en place du chantier lié à cette réforme, plusieurs articles parus dans la presse destinée au grand public avaient pointé du doigt l'agrément, dénonçant le très faible pourcentage de vins refusés. Pour mettre un terme à ces critiques, la Commission d'agrément a pris, dès le départ, des mesures drastiques. Mais ces dernières n'ont absolument pas été expérimentées sur le terrain, comme c'est le cas habituellement au sein de l'organisme. '

L'une des principales dispositions du nouveau texte est difficilement applicable. Elle représente une modification radicale par rapport à l'ancienne version de l'agrément. Elle concerne la méthode de prélèvement des échantillons. L'arrêté, paru en décembre 2001, stipule que les prélèvements doivent être effectués en une seule fois et porter sur la totalité des vins de même catégorie et de même couleur. ' Il n'a pas été envisagé qu'un vigneron puisse avoir, dans sa cave, sept ou huit appellations différentes, dont certaines nécessitent un temps d'élevage , souligne Cyril de Héricourt, directeur de la Fédération viticole des vins d'Anjou-Saumur. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé une dérogation au principe de prélèvement simultané pour nos liquoreux et pour nos vins rouges d'élevage . '
Cette dérogation a été obtenue. Inscrite dans un arrêté modificatif paru en décembre dernier, elle est valable pour l'ensemble du territoire, mais uniquement sur la campagne 2002, le temps d'approfondir la réflexion. ' Les prélèvements (...) peuvent ne pas être réalisés simultanément lorsqu'ils portent sur des appellations revendiquées différentes ', lit-on dans le Journal officiel du 4 décembre 2002.

D'autres régions que le Val de Loire bénéficient de cet aménagement, notamment la Vallée du Rhône, la Provence, le Sud-Ouest et l'Alsace. Dans cette dernière, la dérogation porte sur l'AOC Alsace grand cru. ' Ce vin bénéficie d'un temps d'élevage plus long que l'appellation régionale , commente Frédéric Bach, responsable du centre Inao de Colmar. Les contraintes administratives ne doivent pas primer sur les conditions d'élaboration visant la qualité des vins. Dans ce contexte, une dérogation s'imposait. '
Un autre argument a permis à des vignobles de surseoir au dispositif initial : les différentes appellations, présentes au sein d'un même chai, ne relèvent pas forcément de la compétence d'un seul et même organisme préleveur. Par exemple, dans la Vallée du Rhône, les unités de vinification produisent des AOC Côtes du Rhône, mais également Côtes du Ventoux et Coteaux du Tricastin. Là, l'organisme agréé pour prélever les Côtes du Rhône n'a aucune compétence à l'égard des autres appellations. Ce n'est pas à lui de les prélever. Dans ces conditions, le prélèvement en une seule fois s'avère difficilement applicable. Il faut une organisation très complexe.
Une seconde disposition pose un problème. En principe, les vins doivent être présentés à l'agrément au plus près de leur commercialisation. Dans les caves où l'on élève certaines cuves d'une appellation alors que l'on vend rapidement les autres, cela suppose une présentation fractionnée des vins. Or, cette présentation doit être précédée d'un prélèvement destiné à faire la photo analytique de la cave. Le blocage se situe à ce niveau.
' Ce dispositif peut difficilement remplir l'objectif de traçabilité. Il est impossible de suivre un vin non fini. Entre temps, il peut aussi y avoir des assemblages ', indique Guillaume Wilette, délégué général de la Confédération des associations viticoles de Bourgogne. Admettons qu'au moment du prélèvement, un vin est encore en cours de fermentation malolactique. On aura beau l'analyser, ce n'est pas par ce moyen qu'on en obtiendra une carte d'identité fiable, puisque ses caractéristiques analytiques continueront d'évoluer tant qu'il ne sera pas stabilisé. Le principe du prélèvement simultané d'échantillons, destiné à empêcher les fraudes, bute sur ce genre d'obstacles très concrets et très tenaces.
Dans le même temps, la mesure augmente le nombre d'analyses à la charge des unités de vinification. Dans les Côtes du Rhône, le surcoût du fractionnement a été estimé à 153 000 euros pour l'appellation. Du coup, les responsables professionnels de cette région ont proposé une alternative au Comité national de l'Inao. Celle-ci est double : les caves optant pour le fractionnement fournissent des analyses de leurs cuvées datant de moins d'un mois ; en outre, ces dernières font l'objet d'un contrôle par sondage. Le Comité a refusé.

Le Syndicat général des Côtes du Rhône est toutefois parvenu à un accord avec les services de l'Inao et des fraudes pour appliquer sa contre-proposition à titre expérimental sur la campagne 2002. Sur les quelque 150 caves qui procèdent au fractionnement, au moins 5 % d'entre elles seront contrôlées par les agents de l'Inao et de l'organisme préleveur. Les appellations voisines (Côtes du Luberon et Côtes du Ventoux) ont également décidé de mettre en place ce dispositif.
Dans la vallée de la Loire, on reconnaît que la réalisation de la photo analytique, pour les unités qui fractionnent, est appliquée ' tant bien que mal '. L'agrément n'a donc pas fini de faire parler de lui. Si la réforme crée des tensions dans les vignobles, elle a eu toutefois le mérite de mettre les problèmes à plat. N'oublions pas qu'elle a rappelé que le respect des conditions de production faisait partie de l'agrément. Par ce biais, elle a ouvert la voie aux initiatives en cours sur le renforcement des contrôles à la parcelle. Or, c'est surtout à la vigne que l'on fait du bon vin.

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