Seuls trois mélanges ont reçu une autorisation provisoire en viticulture. Pour tous, c'est l'incompréhension face à cette nouvelle réglementation.
Le constat est là : 45 % des passages avec des herbicides, 55 % des fongicides et 3 % des insecticides se font en mélange, d'après une enquête de l'UIPP (Union des industries de protection des plantes), au cours de la campagne 2000-2001. Jusqu'à cette année, les vignerons travaillaient ainsi sans se poser d'autre question que de savoir si les produits étaient compatibles. Maintenant, ils doivent se demander si le mélange souhaité est autorisé. Remettre en cause une habitude si courante n'est pas une mince affaire. ' Il s'agit de sécuriser une pratique ', justifie Benoît Herlemont, rapporteur vigne à la Protection des végétaux. ' Si on homologue certains mélanges et qu'on en interdit d'autres, avant que cela ne rentre dans les moeurs, beaucoup d'eau aura coulé sous les ponts ', explique un distributeur du Bordelais.
Il est vrai que certains mélanges sont à proscrire par rapport aux auxiliaires et aux risques de phytotoxicité sur la vigne, mais de là à tout remettre en cause, pour les vignerons et les techniciens, c'est l'incompréhension. ' Ce n'était pas le moment de remettre une couche de réglementation, car nous devons déjà gérer la disparition des molécules et les difficultés économiques de la région ', tempête un technicien du Gard. ' Si le vigneron doit multiplier le nombre de traitements, il risque de mettre en péril la survie de son exploitation sur les plans économique et écologique ', rajoute un distributeur de Gascogne.
Notre technicien du Gard soulève un autre problème, celui des contrôles. ' Je vois mal les contrôleurs courrir derrière les tracteurs pour vérifier ce qu'il y a dans la cuve. Selon moi, ce sont les vignerons qui s'investissent dans une démarche de traçabilité, qui notent tous leurs traitements, en bref ceux qui font le plus d'efforts, qui risquent d'être contrôlés et pénalisés . '
Toujours est-il que la réglementation est en marche et qu'aucun retour en arrière n'est possible. Mais à ce jour, seuls trois mélanges ont été autorisés. Ce fut au cours du dernier Comité d'homologation, le 14 mars. D'autres devraient l'être le 25 avril. Mais est-ce que les pratiques vont réellement changer ? De nombreux techniciens et distributeurs restent sceptiques. Mais l'administration ne l'entend pas de cette oreille, puisqu'un distributeur de Champagne s'est fait reprocher, par la Protection des végétaux, le conseil d'un mélange d'herbicides foliaire et racinaire dans un bulletin.