Les vignerons qui ouvrent des gîtes ruraux ou des chambres d'hôtes ont des motivations variées. Les uns recherchent des contacts, les autres, un moyen de valoriser un patrimoine ou de se faire connaître afin de gagner des clients.
'Merci pour l'investissement humain et le délicieux champagne. ' ' Magnifique repas . ' Le livre d'or de Guy et Simone Charbaut, vignerons retraités à Mareuil-sur-Ay, au coeur du vignoble champenois, regorge de compliments. Brigitte, leur fille, dirige les six chambres d'hôtes. Chaque soir, hormis le dimanche, elle revêt avec enthousiasme sa toque de chef pour le plus grand plaisir des papilles de ses visiteurs. Quant à Xavier, le fils, il gère le domaine de 37 ha.
Depuis l'ouverture en 1998, motivée par la valorisation d'anciens bâtiments, l'adresse a été référencée dans Bed & Breakfast in France, Le Guide vert, Chambres et tables d'hôtes et, dernièrement, dans Les 1 000 coups de coeur du Guide Michelin. Ce succès, Simone et Brigitte l'imputent à leur vraie table d'hôtes - ils mangent avec les clients - et aux repas accompagnés des cinq champagnes de la maison. Grâce à cette activité, 6 000 bouteilles supplémentaires sont vendues par an.
Tous les vignerons qui ont franchi le pas de la vente directe ont réfléchi aux moyens d'attirer de nouveaux clients. Les possibilités ne sont pas légion. L'accueil d'hôtes à la propriété en est une. Dans ce cas, mieux vaut mettre à leur disposition des chambres : la rotation est plus importante que dans un gîte. Mais il faut une grande disponibilité. ' On est cloué chez soi ', confirme Hélène Derats, à Auxey-Duresses (Côte-d'Or), qui a repris en 2000, avec son mari Arnaud, le domaine familial Paul Dumay (23 ha en propriété, 12 AOC). Ouvertes depuis deux saisons, les chambres (75 à 92 euros pour deux) accueillent surtout une clientèle étrangère. Belges, Suisses, Hollandais repartent avec 3 à 60 bouteilles (4 à 15 euros). Américains et Australiens n'achètent pas, mais découvrent.
Françoise et Philippe Gourdon tiennent deux chambres familiales pouvant accueillir huit personnes (50 euros pour deux personnes) dans leur château La Tour Grise, au Puy-Notre-Dame près de Saumur : ' La clientèle de passage, pressée, n'est pas très intéressante ', avouent-ils. Mais, en moyenne, leurs visiteurs restent trois nuits. Beaucoup de Parisiens s'offrent un séjour combinant tourisme culturel, détente familiale et achat de vins. Ici, ils ont le choix entre neuf vins, vendus entre 5,80 et 18 euros.
Françoise, aux petits soins pour ses hôtes (yaourts faits maison, jus d'orange frais, petit déjeuner soigné), n'hésite pas à leur faire découvrir le vignoble, la cave, le village. ' Nous établissons un contact direct avec les gens, qui construit une relation amicale , affirme-t-elle. Après leur départ, nos hôtes passent peu de commandes en raison du coût du transport, mais ils reviennent en week-end et rachètent du vin. '
' Quasiment toutes les personnes repartent avec du vin, en moyenne 12 bouteilles par chambre , confirment Olivier et Catherine de Cénival, installés depuis 1998 au domaine des Chesnaies (17 ha en Anjou, Coteaux du Layon et Chaumes ; bouteilles commercialisées entre 3,80 et 11 euros). Si vos prix restent raisonnables, les visiteurs achètent . ' Olivier et Catherine produisent environ 50 000 bouteilles. Ils ont investi 140 000 euros (aide, emprunt et autofinancement pour un tiers chacun) pour aménager leurs quatre chambres d'hôtes. ' Nous avons privilégié le haut de gamme, qui correspond à la qualité du vin et à l'image que l'on souhaitait donner , explique Catherine. C'est une activité tout à fait complémentaire, extrêmement positive. Il est important de le faire à deux, car c'est très prenant et vous n'avez pas le droit d'être désagréable. '
Isabelle Coustal, propriétaire récoltante à La Livinière (Hérault), au château Sainte-Eulalie (35 ha en AOC), a ouvert un gîte pour six personnes en 1999. Il fonctionne par le bouche à oreille. ' C'est un enrichissement pour la famille et un moyen de montrer que dans notre belle région, il n'y a pas que Palavas-les-Flots. ' Les hôtes découvrent les travaux viticoles. Parfois, ils y participent et posent des questions. ' Non ! le rosé n'est pas un mélange de blanc et de rouge ', s'entendent-ils répondre. Une prise directe avec les consommateurs !
Michel, Marie-France Favard et leur fille Nathalie, à Saint-Emilion (Gironde) au château Meylet (2 ha en grand cru), ont trouvé un complément de revenu indispensable étant donné la petite surface du domaine. ' Grâce aux chambres, on respire. J'ai pu faire des investissements pour le vin, comme des cuves en bois, un égrappoir , souligne Michel. J'ai également pu constituer un stock tampon. '
A Pierrefeu-du-Var, chez Alain et Simone Casal, coopérateurs sur 25 ha, la réflexion est partie de la nécessité d'améliorer leur retraite agricole. Les chambres la financeront, une fois les emprunts arrivés à échéance.
A la tête de quatre chambres ouvertes depuis deux saisons, Alain et Simone vous offrent leur rosé (celui de la cave), accompagné de tapenade ou d'une bonne anchoïade, proposent une sélection de lieux de visite, s'emploient à faire connaître le terroir et la région. ' Nous sommes avant tout des viticulteurs qui reçoivent chez eux, c'est essentiel ', conclut Simone.