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La vente au caveau, rentable sous conditions

La vigne - n°174 - mars 2006 - page 0

La vente à la propriété affiche une rentabilité supérieure aux autres circuits de distribution. Mais il faut bien veiller à employer utilement le personnel lorsque les clients se font attendre.

'Le coût et la rentabilité de la vente au caveau varient d'un vignoble et d'une exploitation à une autre , lance Pierre Folliet, responsable du cabinet Protourism, à Chambéry (Savoie). Tout dépend de l'investissement matériel et humain engagé par l'exploitation. Mais de façon générale, ce mode de vente dégage une rentabilité assez importante. '
A Puyricard (Bouches-du-Rhône), James de Roanny, propriétaire du Château des Gavelles, a fait ses comptes. Il a calculé en fonction du prix de vente et du prix de revient de ses coteaux-d'aix, la marge dégagée sur chaque circuit. Le résultat est sans appel. Il vend ses bouteilles 3,75 euros HT, en moyenne au caveau et en restauration. Au caveau, sa marge s'élève à 1,62 euros/bouteille, contre 0,64 euros en restauration. Elle est de 0,88 euros chez le caviste et de 0,28 euros dans les magasins de grande distribution.
' Le rapport entre la marge en grande distribution et celle réalisée au caveau est de 1 à 6 , résume-t-il. La vente au caveau est incontestablement la plus rémunératrice. Je pratique des prix plus élevés. Les frais de livraison et de référencement sont inexistants. De même que les chèques impayés. Les délais de paiement sont aussi beaucoup plus courts. '

Mais cette ' poule aux oeufs d'or ' a ses limites. ' C'est une stratégie qui peut vite devenir coûteuse ', souligne James de Roanny. L'amortissement d'un caveau et le coût d'une personne à temps complet peuvent atteindre jusqu'à 45 % du prix de vente de la bouteille. A cela s'ajoutent d'autres charges : les frais d'embouteillage et de dégustation, l'achat d'emballage, les charges externes (eau, électricité...). Il est ainsi courant de distinguer les coûts indirects (bâtiments) des coûts directs liés à la vente (personnel, fonctionnement...). Le poste main-d'oeuvre arrive en tête de la dépense. Pour amoindrir ce coût, James de Roanny a trouvé une solution. ' La personne, en charge de la vente, occupe déjà un autre poste au sein de l'entreprise. Il s'agit de la secrétaire commerciale et administrative qui effectue 35 heures par semaine. Son salaire est couvert par sa tâche administrative. ' Le week-end, il fait appel à des étudiants rémunérés au Smig. ' Ils réalisent d'autres travaux, par exemple, l'entretien des abords de la cave, lorsqu'il n'y a pas de client. '
Jean-Christian Mayordome, au Domaine du Pourra, à Sablet (Vaucluse), a opté pour une gestion du personnel quasiment similaire. ' La secrétaire et le commercial du domaine se relaient au caveau. De mon côté, j'y suis pendant les week-ends. ' Jean-Christian Mayordome a calculé qu'un salarié à plein temps, lui coûterait 45 % du chiffre d'affaires qu'il réalise dans ce local !
D'autres assument eux-mêmes la tâche. ' C'est mon épouse qui est chargée de l'accueil de la clientèle, indique Joël Herissé, propriétaire du Moulin de la Touche, à Bourgneuf-en-Retz (Loire-Atlantique). Le caveau est ouvert de 10 h à 12 h et de 15 h à 18 h tous les jours, sauf les dimanches et les jours fériés. ' Ce poste est pris en considération dans le calcul de rentabilité du caveau, à valeur d'un ' gros Smig '. ' Très souvent, en viticulture, la main-d'oeuvre familiale n'est pas comptabilisée, c'est une erreur car cela fausse les résultats ', insiste Joël Herissé.

Pour recevoir le chaland, il a investi dans la construction d'un espace de vente de 100 m 2, il y a dix ans. L'amortissement a été réalisé au bout de sept à huit ans. Pour autant, les frais liés à ce lieu ne s'arrêtent pas là. ' Il faut sans cesse apporter des petites améliorations, effectuer de la rénovation et puis il y a aussi les coûts d'entretien, d'électricité, d'eau... '
Pour d'autres, l'investissement dans la création d'un bâtiment est inexistant. ' Les exploitations familiales possèdent souvent des caveaux et n'ont pas de dépense à engager à ce niveau ', indique Pierre Folliet. D'après des estimations, une rénovation revient de 10 000 à 12 000 euros, La construction d'un bâtiment neuf classique 40 000 à 50 000 euros.
Malgré tout, Joël Herissé ne regrette pas d'avoir investi sur la vente directe, qui représente aujourd'hui 90 % du chiffre d'affaires global de son entreprise. ' La vente dans des salons représente un coût non négligeable. Elle suppose des frais de déplacement. Le montant de la location d'un emplacement est élevé. Enfin, la vente vers d'autres circuits est moins avantageuse. Ainsi, au lieu de vendre nos vins 1 euros HT au négoce par exemple, nous les vendons, en moyenne, au caveau 2,50 euros HT. '
Jean-Alain Lavie, directeur de la cave coopérative de Saint-Pantaléon-les-Vignes (Drôme) dresse le même constat. Elle vend sa côtes-du-rhône 109 euros/hl au négoce. ' Au caveau, nous dégageons une marge supérieure de 20 euros/hl, charges comprises. '

Bien qu'elle puisse être très rentable, ' la vente au caveau ne constitue plus une rente de situation ', dit James de Roanny. Ces dernières années, les ouvertures de caveau se sont multipliées. En face, le nombre de consommateurs n'augmente pas. Bref, la part de gâteau se rétrécit. ' Pourtant très bien situé, en bordure du littoral méditerranéen à La Londe-les-Maures (Var), Château Vert a ainsi vu son chiffre d'affaires lié à la vente au caveau, fondre de 20 % en deux ans. Pour enrayer la baisse, Emmanuel Salat, le directeur, a dû faire des efforts pour rendre l'endroit plus accueillant. ' Nous avons engagé un programme de rénovation qui devrait être amorti sur cinq ans. Par ailleurs, nous allons héberger un producteur de fruits, de légumes et de fleurs. '
D'autres organisent des journées portes ouvertes, des expositions... Récemment installés, Franck et Laeticia Toquereau, du Château La Roncheraie, à Belves-de-Castillon (Gironde), reconnaissent avoir du mal à ' faire venir le particulier à la cave '. L'an dernier, ils ont adressé leur plaquette à l'ensemble des gîtes de Dordogne et de Gironde. ' Nous avons eu quelques visites. Depuis, nous démarchons les clients par l'envoi de mailing. Mais c'est un coût qui commence à devenir élevé. ' Vu le contexte, la part consacrée à la promotion du caveau, voire aux produits de diversification (tables, chambres d'hôtes...) a de grandes chances d'augmenter dans les années à venir.

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