1. Partez de votre prix de revient
« Quand j'arrive dans une propriété viticole, j'effectue un calcul précis du coût de revient des bouteilles par millésime, par étiquette et par circuit de distribution, en me basant sur les chiffres de l'expert-comptable », détaille Olivier Antoine-Geny.
James de Roany conseille lui aussi de partir de cette base. « Il faut prendre le prix de revient d'une bouteille sur le marché français, enlever les droits de circulation et ajouter les surcoûts en matières sèches, explique-t-il. Les surcoûts sont la contre-étiquette rédigée dans la langue du pays destinataire et les cartons de douze bouteilles à doubles cannelures. Il faut également penser au coût des palettes, qui doivent parfois être traitées, et que le transporteur ne remplace pas. »
Ensuite, il faut intégrer votre marge et les coûts commerciaux ou la commission de l'agent vous représentant sur place. James de Roany estime que, au départ, lorsqu'on vend en direct à des importateurs, les coûts commerciaux peuvent s'élever jusqu'à 30 % du prix de revient. Puis ces coûts sont susceptibles de baisser à 10 % lorsque les marchés sont bien établis. Ce sont les frais engagés lors des voyages d'affaires ou lorsqu'on reçoit un importateur, par exemple. Un vin dont le prix de revient est à 2 euros, dont les coûts de commercialisation sont estimés à 10 % et sur lequel on veut réaliser 20 % de marge opérationnelle doit donc être vendu 2,65 euros prix départ.
Olivier Antoine-Geny parle de « frais de dynamique de vente qui peuvent être évalués à 15 % du coût de revient, indique-t-il. Cela peut financer les envois d'échantillons ou les cadeaux comme les tire-bouchons ».
Ce prix départ cave (ex-Cellar price) est celui qui est proposé aux importateurs dans la majorité des cas. « Quand on travaille avec les États-Unis, les agents demandent un prix départ cave et s'occupent de tout le reste. C'est vrai aussi dans de nombreux autres pays », précise Georges Tessier.
2. Comparez-le aux prix pratiqués sur votre marché cible
« On peut aussi faire la démarche inverse et déterminer le tarif idéal de son vin dans un endroit donné, complète James de Roany. On part alors du prix moyen constaté pour les vins équivalents dans le pays visé et on retranche la marge du détaillant (33 %), celle de l'importateur, le prix du transport et les taxes. »
Pour une bouteille vendue 9,99 dollars (soit 8,90 euros) aux États-Unis en 2011, James de Roany a calculé que le prix départ France était de 2,50 euros. Ensuite, il faut vérifier si les deux façons de calculer le prix convergent.
Si le prix départ calculé d'après le coût de revient dépasse celui évalué en partant du prix de vente visé dans le pays cible, vous aurez un problème. Vous pouvez décider de partir de votre coût de revient, mais vous aurez alors du mal à vendre votre vin car il sera plus cher que ceux de vos concurrents, sauf à bénéficier d'une belle notoriété. À l'inverse, si vous baissez vos prix, vous ne rentrerez pas dans vos frais. Il faut aussi veiller à ne pas faire fluctuer vos tarifs de manière importante, même en cas de petites récoltes.
3. Ne vendez pas à perte
« Les vignerons français arrivent souvent à l'export avec des prix trop bas, regrette Olivier Antoine-Geny. C'est une spécialité de notre pays de vendre à perte ! Il faut savoir dire stop, sans dire non. Par exemple, en orientant un client attiré par un tarif bas vers votre cuvée d'entrée de gamme. Toute la difficulté est d'être compétitif tout en se préservant une marge. »
James de Roany estime lui aussi que les primo exportateurs ont tendance à sous-évaluer leurs dépenses et qu'ils ne gardent aucune marge de manoeuvre pour intégrer des dépenses imprévues. Repositionner son prix de vente à la hausse étant une mission pratiquement impossible, il faut veiller à être rigoureux lors de la première négociation. Tout en restant dans le marché.
« La vente à l'export n'est pas forcément une stratégie de valorisation, rappelle Georges Tessier. C'est avant tout un moyen de diversifier ses débouchés. Sans vendre à perte bien sûr. En anticipant, on peut minimiser les coûts. C'est une erreur récurrente de ne pas anticiper. »
4. Patientez pour mieux valoriser
« Il faut compter deux ans pour mûrir un projet d'exportation et ajouter cinq ans pour que ce marché devienne intéressant », calcule Georges Tessier. Les consultants observent que certains de leurs clients abandonnent l'export au bout de deux à trois ans, lassés de passer du temps sans contracter de marché. Ils conseillent d'aller à l'export de manière progressive. « Mieux vaut viser les pays limitrophes que le grand export, préconise Olivier Antoine-Geny. De même, il est préférable de débuter par de petits volumes. Cela permet de s'approprier l'export et de se rendre compte de tous les coûts et du travail que cela implique sans prendre trop de risques financiers. »
Les profits peuvent venir plus tard. « Un viticulteur peut commencer à mieux valoriser ses vins à l'export une fois qu'il a travaillé sa notoriété et qu'il a obtenu des récompenses dans les concours prestigieux ou de bonnes critiques dans les revues qui comptent, assure Georges Tessier. Les médailles et les articles sont importants pour un importateur, lequel est rassuré de voir que son choix est conforté par d'autres. »
Le Point de vue de
FRANÇOISE DULON, COGÉRANTE DES VIGNOBLES DULON, À SOULIGNAC, EN GIRONDE
« Démarcher à l'export coûte très cher »
« Nous produisons entre 750 000 et 900 000 bouteilles et 80 à 100 % de notre production part à l'export. Nous travaillons avec la Chine, le Canada, le Japon, la Russie, etc. Pour fixer mes tarifs, je pars du prix de revient auquel j'ajoute tous mes frais, et ils sont nombreux, car cela coûte cher d'aller voir son importateur en Chine ou au Brésil. Nos prix de vente export (départ cave) vont de 2,60 euros pour le bordeaux rouge à 5,20 euros le côtes-de-bordeaux. Nous sommes en concurrence avec les négociants qui ont acheté le vin en vrac à un coût très bas. Nos importateurs nous demandent surtout un prix. Il n'est pas simple de parvenir à couvrir tous nos frais et de dégager une petite marge dans ce contexte. Étant présents à l'export depuis 1994, nous avons observé à quel point le commerce devient de plus en plus difficile. En 1994, lors de notre premier salon à Bruxelles, les importateurs venaient nous rencontrer pour acheter. Maintenant, quand nous allons à ProWein, ils nous disent qu'ils viendront peut-être. L'export permet de vendre, mais pas nécessairement de valoriser. Il faut intégrer que démarcher à l'étranger coûte très cher. »