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Enzymes FCE, une précaution contre les goûts phénolés

La vigne - n°144 - juin 2003 - page 0

Depuis peu, la mention ' FCE ' (faible activité cinnamyl-estérase) est apparue sur le marché des enzymes pour vins rouges. Elle garantit de moindres risques de développement de goûts phénolés en présence de ' Brettanomyces '.

En 2002, l'ITV de Beaune (Côte-d'Or) montrait que les enzymes de macération et de clarification des vins rouges pouvaient considérablement augmenter les risques de goûts phénolés. En effet, certaines d'entre elles possèdent une activité cinnamyl-estérase, contrairement à la plupart des enzymes destinées aux vins blancs. Or, la cinnamyl-estérase libère les acides phénols estérifiés par l'acide tartrique, et les rend disponibles pour la transformation en éthyl-phénol par les Brettanomyces . Ces dernières substances sont responsables des goûts phénolés.
L'activité cinnamyl-estérase est une activité secondaire, produite par Aspergillus niger en même temps que les enzymes d'intérêt oenologique. Si elle n'est pas recherchée, on pensait jusqu'ici qu'elle n'était pas préjudiciable aux vins rouges. On supposait en effet que le reste du métabolisme conduisant à la production d'éthyl-phénols était inhibé par les tanins. Chez les levures du genre Brettanomyces, il n'en est rien.

En conséquence, en présence de ces levures de contamination (qui n'est pas si rare), l'emploi d'enzymes dotées d'une activité cinnamyl-estérase notable est un facteur de risque supplémentaire d'apparition de notes animales. Le risque est d'autant plus élevé que l'on ajoute d'autres techniques d'extraction poussée, comme la macération finale à chaud.
Il faut donc veiller à employer des enzymes présentant une faible activité cinnamyl-estérase, que ce soit en macération ou en clarification après pressurage.
Cette deuxième étape serait la plus critique. A ce stade, les populations microbiennes (levures, bactéries lactiques) sont faibles et le vin n'est pas sulfité. Les Brettanomyces sont susceptibles de se développer de façon importante et de contaminer les vins en éthyl-phénols. Par ailleurs, d'après les travaux de Vincent Gerbaux (ITV de Beaune), l'élimination de l'activité cinnamyl-estérase ne nuit pas à l'extraction des polyphénols.
L'obtention de préparations enzymatiques de faible activité peut se faire de plusieurs façons : soit par purification, soit par orientation du métabolisme d' Aspergillus niger de façon à ce qu'il synthétise peu de cinnamyl-estérase, soit par sélection d'une souche faiblement productrice. Dans le premier cas, on filtre la préparation, en jouant sur le fait que la cinnamyl-estérase est beaucoup plus grosse que les enzymes recherchées, et donc qu'elle est éliminée à un seuil de coupure très haut.

DSM Food specialities, qui produit les enzymes du Laboratoire oenotechnique et de Littorale oenologie, a choisi la sélection d'une souche faiblement productrice. Cela leur a permis de toujours proposer sur le marché des enzymes à faible activité cinnamyl-estérase. Presque toutes les enzymes de DSM sont ainsi FCE. Une seule ne répond pas à ces critères de pureté, l'AR 2000 destinée à la clarification des blancs après fermentation. Elle s'emploie sur vins mutés ou sulfités. Les risques de contamination par Brettanomyces sont alors minimes.
De même, OEnofrance commercialisait des enzymes FCE bien avant la publication des travaux bourguignons, sans purification. Depuis, ses produits sont étiquetés FCE, notamment l'Enzym'colour plus pour l'extraction.
De son côté, Begerow a toujours purifié les enzymes sur cette activité, même si cette information ne semble pas essentielle dans sa communication vis-à-vis de ses clients. La plupart des autres distributeurs d'enzymes se sont tournés vers la purification, à la suite de la publication des travaux de l'ITV bourguignon. Cette méthode, jugée plus simple, est aussi plus coûteuse.

Laffort et Lamothe Abiet ont ainsi opté pour une double gamme : l'une purifiée (Lafase HE Grand Cru pour Laffort, Vinozym vintage FCE pour Lamothe Abiet), l'autre comprenant les enzymes classiques utilisées précédemment. Ce choix repose sur un critère de prix : ' La purification a un coût assez élevé, souligne Alain Martinez, de la société Laffort, que nous ne pouvons répercuter systématiquement à nos clients : nous devons leur laisser le choix . ' D'autant que les enzymes non purifiées ne représentent un risque qu'en présence de Brettanomyces.
Pour l'instant, ces deux distributeurs ne se sont intéressés qu'aux enzymes d'extraction. Ce sont en effet les principales enzymes utilisées sur vins rouges. D'ailleurs, elles participent à la clarification ultérieure du vin. Les enzymes de clarification pour les vins rouges feront partie d'un prochain programme de Novozymes, le producteur d'enzymes de ces deux revendeurs. Il faudra alors raisonner les enzymes à purifier, car seules celles intervenant tôt dans la phase d'élevage doivent être con- cernées. Avant la filtration, il est trop tard pour se préoccuper des substrats pour les Brettanomyces.
Martin Vialatte oenologie a aussi choisi la purification des enzymes. Depuis 2002, il commercialise deux enzymes FCE pour les rouges : la Depectil extragarde FCE pour l'extraction, et la Depectil clarification FCE pour les trois couleurs de vins. Les autres enzymes de la gamme sont conservées.
L'Institut oenologique de Champagne (IOC), de son côté, ne s'est pas alarmé des résultats publiés par Vincent Gerbaux et y a vu un effet d'annonce sans réelle conséquence. Il n'a pas engagé de travaux sur le sujet, considérant la demande faible pour ces produits, du moins concernant sa clientèle.
D'ailleurs, si les enzymes FCE réduisent les risques d'apparition des goûts phénolés, elles n'empêchent pas leur apparition. En effet, les acides phénols sont naturellement présents dans les vins à l'état libre, mais en quantité moindre que sous forme d'ester d'acide tartrique. L'utilisation de telles enzymes est surtout une précaution quand on craint une contamination par Brettanomyces. Mais elle ne dispense pas pour autant d'une hygiène rigoureuse.

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