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Je suis fière de la réputation de mon domaine

La vigne - n°145 - juillet 2003 - page 0

En quelques années, le clos Ornasca s'est fait une place au soleil, sous la houlette de Laetitia Tola, son jeune chef d'exploitation.

A 29 ans, Laetitia Tola, à la tête du clos Ornasca, près d'Ajaccio, est fière d'avoir repris le domaine créé de toutes pièces par son père, Vincent, en 1990. Car Laetitia n'est pas née ' dans la vigne '. Elle n'appartient pas à une famille de vignerons. Elle n'a pas ' baigné ' dans le métier depuis toute petite. Enfant, elle n'a pas vécu en Corse. Son père avait un autre métier, à Marseille. Mais par amour de la terre, de son pays, il a racheté, en 1989, un premier lopin de 5 ha près d'Ajaccio, sur la commune de Cauro, en Corse-du-Sud. Jusqu'en 1994, Vincent Tola livre la cave coopérative d'Ajaccio, aujourd'hui disparue.
Vincent voit les choses en grand. Il paie rubis sur l'ongle tous les investissements nécessaires à la création du vignoble et de la cave. Il commence par ' démaquiser ', allant jusqu'à raser une petite colline au bull et au tractopelle. Entre 1990 et 1999, il plante 9,6 ha, faisant la part belle aux cépages locaux. Il attribue 4,73 ha au sciacarellu, ' le cépage roi, le maître, pour les rosés ', précise Laetitia. Il accorde 1,6 ha au nielluccio et 2,2 ha au vermentino. Il plante aussi de la syrah et du muscat qui seront commercialisés en vin de pays de l'île de Beauté. ' Mon père était persuadé qu'en petite proportion, la syrah peut améliorer la couleur et qu'un jour, des essais seraient possibles pour l'intégrer dans l'appellation Ajaccio ', affirme Laetitia.

Vincent Tola est un visionnaire. Par souci d'anticipation, il construit un chai d'une capacité de 1 700 hl, soit largement plus que ses besoins. Il effectue la première mise en bouteille du clos Ornasca en 1995.
En 1997, Laetitia réalise son stage d'installation en tant que jeune agricultrice en Australie et en Bourgogne, à Puligny-Montrachet. Ces deux expériences achèvent de la convaincre : elle sera vigneronne. En 1998, elle revient sur le domaine, aux côtés de son père. La situation est saine, il n'y a pas d'emprunt à rembourser. Elle réalise sa première vinification, couronnée par une médaille de bronze pour son rosé au concours général agricole de 1999. Jusqu'en 2001, un technicien viti-oeno indépendant conseille régulièrement le domaine. Aujourd'hui encore, elle compte sur lui pour les coups durs... Son compagnon, berger, donne également un sacré coup de main pour les travaux dans la vigne. En 1999, elle vinifie une cuvée prestige, Stella, un rouge élevé un à deux ans, dont six mois en barriques neuves, commercialisé au tarif de 10 euros.
Malgré sa charge de travail, Laetitia réussit à mettre l'accent sur la commercialisation. 90 % des 400 hl produits par le domaine sont vendus en Corse. Les ventes sur le continent représentent à peine 10 %, car le prix de départ doit être majoré de 50 % pour tenir compte du coût du transport et de la TVA (les ventes locales sont exemptées de TVA). Un rouge, vendu localement à 4,80 euros, passe ainsi à 7,30 euros. ' Sans compter les déboires, comme les délais de livraison et les bouteilles cassées ', ajoute-t-elle.
20 % des volumes sont écoulés en vente directe, 30 % par le réseau CHR (cafés, hôtels, restaurants) local et la moitié via la grande distribution. Au début, ' ça m'ennuyait beaucoup de vendre en grande surface, se souvient-elle, car à mes yeux, cela donnait une image négative '. Finalement, elle réalise que c'est un moyen pour se faire connaître et pour mieux maîtriser le marché local.

Un temps référencée dans tous les Géants Casino de Corse, Laetitia n'approvisionne plus que celui de Mezzavia, à quelques kilomètres d'Ajaccio, car elle ne voulait pas s'acquitter des remises de fin d'année rebaptisées, par elle, racket de fin d'année. Sur l'île, le rosé est le point fort des ventes de vins corses en restauration. Laetitia livre aussi bien les grandes tables que les pizzerias installées seulement pour l'été. Pour les fidéliser, elle se décide d'embouteiller dans une bouteille de 50 cl, un flacon qui a la même hauteur qu'une bouteille de 75 cl, un vrai demi-litre, ' idéal pour les consommateurs au restaurant ', commente-t-elle. Il est vendu 3,3 euros au domaine. Elle soigne l'habillage de la bouteille et tient compte des remarques de chacun : famille, clients, restaurateurs.
La saison touristique est une manne incroyable pour les vignerons corses, et Laetitia Tola ne fait pas exception. Son caveau est ouvert tous les jours, sauf le dimanche et les jours fériés.

Depuis quatre ans, le clos Ornasca a fait sa place au soleil parmi les domaines de l'appellation Ajaccio. ' Il plaisait au public de découvrir une nouvelle cave . ' En 2000, une première citation dans le Guide Hachette pour le rosé, donne un coup d'accélérateur à la notoriété.
Depuis 2001, Laetitia Tola a délégué, en partie, la commercialisation de ses vins sur la Corse-du-Sud, à la Société de diffusion des vins fins qui émane du domaine du Comte Peraldi, à Ajaccio. La société livre. Laetitia facture. ' J'ai ma réputation chez moi ', affirme-t-elle, extrêmement fière de ' la qualité montante ' de son domaine, acquise en peu d'années. ' Sur mon marché local, je suis tranquille. ' Elle envisage de développer ses ventes sur le continent, notamment en Provence. ' En Corse, nous n'avons pas d'historique comme en Bourgogne ou en Bordelais, affirme-t-elle. Nous avons tout à faire pour nous mettre en avant. ' Nul ne doute que son vin ne rejoigne la panoplie des charmes de l'île de Beauté.


L'EXPLOITATION EN DATES
1990 Création du domaine, premières plantations par Vincent Tola
1995 Première mise en bouteilles du clos Ornasca
1998 Retour sur le domaine. 1 ere vinification
1999 Installation officielle, fin des plantations
2000 Première citation au guide Hachette
2001 Délègue la commercialisation
2002 Constitution de l'EARL






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