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Le levurage à forte dose se joue des difficultés

La vigne - n°145 - juillet 2003 - page 0

Lallemand et l'Inra, d'une part, et l'ITV, d'autre part, testent différentes doses de levurage. Seules des conditions de vinification très particulières justifient d'ensemencer les moûts à 20 ou 25 g/hl de levures sèches actives (LSA).

Lallemand a mené des essais à l'Inra de Montpellier, l'année dernière, avec l'équipe de Jean-Marie Sablayrolles. Le fabricant et l'institut ont testé une même souche de levure à deux doses : 10 et 25 g/hl. Ils les ont apportées à un moût blanc très riche en sucres (260 g/l, soit 15,8 % vol. d'alcool probable), carencé en azote (180 mg/l d'azote assimilable, dose insuffisante compte tenu de la richesse en sucres) et excessivement débourbé (15 NTU). Ils l'ont vinifié à 14° C, dans des cuves de 1,1 l, sans aucun apport d'oxygène ni de nutriments. Dans ces conditions extrêmes, les moûts levurés à 25 g/hl entraient en fermentation douze heures avant les autres. Leur fermentation s'est achevée sans souci. Celle des moûts à 10 g/hl de LSA s'est arrêtée alors qu'il restait encore 6,5 g/l de sucres résiduels.
Lallemand et l'Inra ont ensuite modifié leur expérience. Ils ont fermenté, à 28°C, le même moût blanc, mais moins débourbé (220 NTU et 270 mg/l d'azote assimilable). Lors de cet essai, le lot à 25 g/hl de LSA est entré en fermentation quatre heures avant celui à 10 g/hl. Le premier s'est arrêté à 6 g/l de sucres, le second à 15 g/l. ' La combinaison de l'alcool et des hautes températures dans ces moûts privés d'oxygène explique ces résultats ', commente Anne Julien, au service recherche et développement de Lallemand.

Ces essais ont pu être poursuivis à l'Inra de Pech Rouge (Narbonne) sur des cuves de 1 hl. Les mêmes modalités ont été testées (moût carencé à 14°C, puis normal à 28°C). A la dose de 25 g/hl, la fermentation atteint une vitesse maximale plus élevée et aboutit à un meilleur épuisement des sucres : selon les modalités, il n'en reste que 3 et 2 g/l, contre 18 et 17 g/l dans les moûts ayant reçu 10 g/hl de LSA. Lallemand va poursuivre ses essais, mais dans des conditions plus proches de celles d'une cave. La société prévoit l'ajout d'un activateur levurien et l'apport d'oxygène durant la fermentation. Elle expérimentera aussi ses deux doses sur des rouges. Contrairement aux précédents, ces essais seront dégustés. Lallemand a aussi travaillé avec des caves en Bourgogne, en Muscadet, en Languedoc et dans le Bordelais. Comme c'est souvent le cas en Bourgogne, la maison Champy (Beaune) ne levure pas. En 2002, elle a pourtant testé trois souches habituelles de la région à 10 et 20 g/hl sur un blanc vinifié en pièces. Les analyses montrent qu'à 10 g/hl, les LSA ne supplantent pas toujours les levures indigènes. Elles indiquent une meilleure fin des sucres à 20 g/hl qu'à 10 g/hl ou après une fermentation spontanée.
Les responsables de la maison Champy et deux oenologues ont dégusté les vins. Après un test triangulaire, ils n'ont pas pu distinguer le témoin, non levuré, de l'essai à 20 g/hl. Cependant, l'analyse descriptive des vins a placé le témoin en première position, devant des vins fermentés avec Uvaferm CM et Levuline BRG à 20 g/hl.

Dimitri Bazas, responsable technique, reste attaché aux levures indigènes. ' Tant qu'il n'y pas de problème, que les moûts sont assez turbides, je préfère ne pas levurer et surveiller mes pièces. En cas de difficultés, j'ajoute des Bayanus pour bien terminer la fermentation. '
De son côté, l'ITV a conduit des essais en 2002 dans plusieurs caves du pays Nantais sur des cuves de 35 l. L'institut a employé la CHP, ' un standard du pays Nantais, peu exigeante en nutriments ', précise Alain Poulard de la station de Nantes. Il a testé cinq doses (2, 5, 10, 20 et 40 g/hl) sur trois moûts blancs différents : l'un carencé en azote assimilable (moins de 80 mg/l), l'autre moyennement fermentescible (environ 150 mg/l) et le troisième riche en azote. La vinification s'est faite avec des remontages aérés. Le suivi des cinétiques fermentaires n'indique pas de différence sur les deux moûts les plus riches en azote. En revanche, avec le moût carencé, les modalités à 2 et 5 g/hl fermentent huit jours de plus que celles ensemencées à des taux plus élevés.

Enfin, les tests triangulaires, comparant les taux de levurage d'un même moût, n'ont jamais permis de les distinguer. Partant de là, l'ITV a jugé inutile de faire des tests descriptifs. ' La dose de 10 g/hl semble tout à fait convenable ', conclut Alain Poulard. Pourtant, dans la région, les préconisations habituelles sont de 20 g/hl et on aurait même tendance à forcer jusqu'à 30 g/hl.
Emmanuel Vinsonneau, à l'ITV de Bordeaux, a abouti à la même conclusion après ses comparaisons menées en 1996 et 1997 sur des rosés de saignée peu fermentescibles (220 g/l de sucres, 65 NTU, 170 mg/l d'azote assimilable). 20 g/hl comparés à 5 et 10 g/hl ont juste permis de réduire la durée de fermentation de trois jours. ' Dans nos essais, aucune autre différence ne permet de justifier ce taux ', estime Emmanuel Vinsonneau, qui emploie toujours 10 g/hl pour les rosés et les blancs qu'il vinifie.
Sur rouges, les doses sont, en général, plus basses, mais dans certaines situations, on préfère jouer la carte de la sécurité. Olivier Richaud, directeur adjoint du château Beychevelle (Gironde), encuve entre 16 et 18°C, puis pratique des remontages en phase aqueuse, sans aération, pendant deux jours, pour extraire des arômes et de la couleur.
' Je n'ensemence qu'à J+2, je veux donc être sûr que les levures s'implantent bien ', explique-t-il. Il emploie la 522 Davis à 20 g/hl, ' une levure assez neutre, qui travaille bien, sans production d'acidité volatile '. Il l'a comparée, lors d'essais menés avec Lallemand, à la BM 45 à 10 et 25 g/hl. Il en ressort que la 522 s'implante et fermente plus vite que la BM 45, surtout en début de campagne. Selon Olivier Richaud, la 522 Davis a aussi assuré une malo plus précoce et plus rapide. Les dégustations de ces essais, coordonnées par la chambre d'agriculture de la Gironde, n'ont pas fait ressortir de différences, ni du fait de la souche, ni de celui de la dose de levure. A la lumière de ces résultats, un taux de levurage élevé peut se justifier, sur des moûts blancs et rosés peu fermentescibles et vinifiés dans des conditions délicates. En dehors de ces circonstances, on peut se contenter de 10 g/hl.

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