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VIN - PAGES SPÉCIALES LEVURES

Avec In-Line Ready plus besoin de réhydrater

GRÉGORY PASQUIER - La vigne - n°255 - juillet 2013 - page 36

LA grosse innovation de cette année est bien l'ensemencement direct sans réhydratation proposé par Œnobrands et Silverson. S'il confirme ses promesses, In-Line Ready va modifier la pratique du levurage.
LE MÉLANGEUR À HAUT CISAILLEMENT mis au point par la société Silverson permet d'ensemencer les moûts sans réhydrater les levures. © P. ROY

LE MÉLANGEUR À HAUT CISAILLEMENT mis au point par la société Silverson permet d'ensemencer les moûts sans réhydrater les levures. © P. ROY

LES LEVURES IN-LINE READY de l'entreprise Œnobrands sont placées dans la trémie du mélangeur avant d'être inoculées directement au moût. © ŒNOBRANDS

LES LEVURES IN-LINE READY de l'entreprise Œnobrands sont placées dans la trémie du mélangeur avant d'être inoculées directement au moût. © ŒNOBRANDS

« Simplifier la vie des vinificateurs. » Voilà le maître mot des sociétés Œnobrands et Silverson. Ces deux entreprises, qui n'avaient au départ rien en commun, ont allié leurs compétences pour développer un outil qui risque de changer les pratiques œnologiques dans les années à venir. Leur système In-Line Ready, présenté pour la première fois au salon Vinitech, à Bordeaux (Gironde), en novembre 2012 et disponible pour les vendanges 2013, permet d'inoculer les levures au moût sans passer par l'étape de la réhydratation.

L'idée de départ est partie d'une constatation simple : la réhydratation des levures est une corvée. De plus, les recommandations sur les doses d'ajout des levures, la température de l'eau de réhydratation ou les temps de réacclimatation ne sont pas toujours respectés. Il fallait trouver une solution pour « simplifier la vie des praticiens », insiste Patrice Pellerin, directeur application et développement chez Œnobrands. « Le projet In-Line Ready a démarré en mai 2010 à la création de la société Œnobrands (une joint venture entre DMS et Anchor Yeast, NDLR), se souvient Patrice Pellerin. Alan Mac Donald, le président de la société, nous a fait part des essais qu'il avait menés en Afrique du Sud sur l'inoculation directe des levures dans le moût. Il nous a alors proposé de poursuivre et d'améliorer ses travaux. »

Lors de ses essais, Alan Mac Donald s'était rendu compte que l'inoculation directe ne fonctionnait pas avec tous les types de mélangeurs. Œnobrands s'est donc associée à la société Silverson, leader mondial de la fabrication de mélangeur à haut cisaillement, des machines qui permettent de disperser des poudres dans un liquide bien plus énergiquement qu'un simple mélangeur.

« Nous avons contacté l'Inra de Pech Rouge avec qui nous avons mené plusieurs essais », explique Patrice Pellerin. Les premières expérimentations menées sur des petits volumes de moûts pasteurisés n'ont pas été concluantes. Mais petit à petit, la machine a été améliorée. Un brevet sur « l'utilisation d'un mélangeur en ligne pour l'incorporation des levures au moût » a d'ailleurs été déposé le 7 octobre 2011. « Fin août 2012, une fois la machine fonctionnelle, nous avons fait des essais à l'échelle industrielle avec une quinzaine de caves possédant des cuves de 500 à plus de 12 000 hl en Afrique du Sud, en France, en Italie et en Espagne », poursuit Patrice Pellerin.

À l'occasion de ces tests, « nous avons vinifié des blancs fruités et des rouges classiques ou de thermovinification. Il nous est arrivé de travailler à des températures très basses, avec des moûts très débourbés et des moûts carencés », continue Patrice Pellerin. Sur la trentaine de vinifications réalisées, « une seule fermentation a été longue et difficile », assure-t-il. « Les résultats obtenus, tant au niveau microbiologique (implantation des levures et vitesse de fermentation) qu'œnologiques (consommation de sucres et acidité volatile) et organoleptiques, restent identiques à ceux obtenus avec un levurage réalisé dans des conditions optimales de réhydratation », se réjouit Céline Sparrow, responsable de marché chez Œnobrands.

Alexandre Maffre, directeur technique de la cave de Puilacher (Hérault), a testé le système In-Line Ready lors des vinifications 2012. « Nous avons ensemencé des cuves de chardonnay, de cinsault et de cabernet, raconte-t-il. Le départ en fermentation est un peu plus long, de quelques heures, mais la cinétique est plus rapide. » Au final, les fermentations alcooliques ont duré environ une semaine. Le point négatif est qu'il a dû utiliser une dose de levure de 30 g/hl alors qu'il a pour habitude d'ensemencer ses cuves à 10 g/hl.

Cette technique permet de gagner du temps et de faire une économie de main-d'œuvre puisqu'il est possible d'inoculer jusqu'à 30 kg de levures en 30 secondes, soit la dose pour 1 000 hl de moût. De plus, le levurage est plus reproductible puisqu'on s'affranchit des erreurs d'opérateurs et des chocs thermiques. Les premiers utilisateurs qui peuvent déjà acheter le mélangeur auront le choix entre neuf souches de levures pour la campagne 2013. Mais, pour le moment, ce système s'adresse plutôt « aux caves qui produisent plus de 50 000 hl par an », conclut Patrice Pellerin.

Un mélangeur très particulier

Le mélangeur In-Line Ready ressemble à une pompe surmontée d'une trémie. Mais il est plus complexe qu'une simple pompe. L'appareil aspire le moût et y introduit les levures sèches préalablement versées dans la trémie en inox. Tout se passe dans la partie rotor-stator, c'est-à-dire entre les pales et le carter de la pompe. Ce module a fait l'objet d'un développement approfondi. « Il a fallu travailler sur la taille du rotor, sa vitesse de rotation et sur l'espacement entre le rotor et le stator », détaille Patrice Pellerin. Car il faut des forces de cisaillement précises pour disperser les levures et les activer sans perte de viabilité.

En effet, l'espacement entre le rotor et le stator a été ajusté à quelques dizaines de micromètres. Lorsque les granules de levures, qui mesurent de 2 à 6 mm de diamètre, passent entre le rotor et le stator, ils sont éclatés et forment alors des amas cellulaires qui vont se réactiver rapidement dans le moût. En pratique, il suffit de brancher un tuyau en bas de la cuve à ensemencer jusqu'au mélangeur et un tuyau à la sortie du mélangeur jusqu'en haut de la cuve. Dès l'enclenchement de la pompe, le moût est aspiré à un débit nominal de 150 hl/h, les levures placées dans la trémie sont aspirées et le tour est joué. Pour le moment, un seul modèle de mélangeur est disponible à un prix d'environ 25 000 euros.

Des levures spécifiques

Œnobrands a produit des levures selon un procédé spécifique, et secret, pour permettre leur addition directe au moût grâce au mélangeur à haut cisaillement. Elles résistent aux stress mécanique et osmotique qu'elles subissent au moment du passage dans le mélangeur et lors de leur arrivée dans le moût. Pour la campagne 2013, Œnobrands a décliné neuf des souches de sa gamme pour le système In-Line Ready : Anchor VIN 13, NT116, NT50 et NT202, Fermicru VR5, AR2 et LVCB, Fermivin PDM et Enolevure K34. Les levures Anchor seront disponibles en paquet de 5 kg, les Fermicru, Fermivin et Enolevure en paquet de 10 kg. Pour obtenir de bons résultats, la firme préconise une dose d'ajout de 30 g/ hl. Cette dose est supérieure aux Saccharomyces « classiques » car il faut compenser les pertes de viabilité occasionnées par les chocs dans le mélangeur. Œnobrands ne communique pas de prix pour ses nouvelles levures. « Le coût supplémentaire n'excédera pas quelques euros par kilo par rapport aux versions classiques », se contente d'indiquer Cécile Sparrow, responsable de marché.

Est-il possible d'utiliser des LSA classiques avec le mélangeur haut cisaillement ? « Nous avons fait des essais avec l'Inra de Montpellier (Hérault). En inoculant des levures classiques après réhydratation, le temps de latence est d'environ 20 heures, alors qu'inoculées directement avec notre mélangeur, le temps de latence atteint 40 à 70 heures », commente Patrice Pellerin, directeur application et développement chez Œnobrands. Dans ce cas, le risque de développement d'une microflore d'altération est possible et peut entraîner des déviations organoleptiques.

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