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archiveXML - 2003

Vignes franches de pied

La vigne - n°145 - juillet 2003 - page 0

Certains domaines ont conservé des plants datant d'avant le phylloxéra, ou reproduits depuis par marcottage. D'autres ont replanté des vignes franches de pied pour élaborer des cuvées spéciales.

C'est un vrai mystère : pourquoi certaines souches de vigne ont-elles résisté au phylloxéra qui a décimé le vignoble à la fin du XIX e siècle ? Nul ne sait. De rares vignerons possèdent encore quelques ares de ces vignes, dites franches de pied, puis- qu'elles n'étaient pas greffées sur les porte-greffes qui ont sauvé le vignoble. Ces pieds sont-ils d'origine ou seulement les fruits de marcottages successifs ? Là encore, c'est le mystère. Car les vignes anciennes se creusent de l'intérieur, et il est impossible d'employer des méthodes de datation fiables. Un proverbe patois du madiranais n'affirme-t-il pas que ' par un fil, 100 ans une vigne vit ' ?
Seule certitude : la culture en foule, elle, a quasiment disparu. Bien souvent, un ou deux rangs sur trois ont été arrachés pour laisser passer le tracteur, comme chez Martine et Joseph Hillau, du domaine Etxegaraya, à Saint-Etienne-de-Baïgorry (Pyrénées-Atlantiques), qui exploitent quelques ares de tannat ' d'avant le phylloxéra ', conduits comme le reste du domaine. Simplement, ils entrent dans leur cuvée haut de gamme Lehengoa.
Les vieux ceps sont souvent tordus, abîmés, contorsionnés ou enroulés, comme au domaine Labranche Laffont, à Maumusson-Laguian (Gers), chez Christine Dupuy. Elle s'avoue incapable de leur donner un âge, mais elle relève les différences : les vignes sont hautes - les piquets sont à 2,50 m - les pieds sont côte à côte, et non tout seuls, les rendements sont faibles, les grappes lâches, mais elles portent beaucoup de baies. Christine Dupuy les rogne à la main et les intègre dans sa cuvée vieilles vignes haut de gamme, 100 % tannat, élevée en barriques.

Denis Capmartin, du château Barréjat, également à Maumusson-Laguian, affirme que ' seule la taille est plus délicate et que ces vignes sont aussi productives que les autres malgré leur âge '. Leur âge, parlons-en ! Croix de bois, croix de fer, Maurice Capmartin, son père, est prêt à le jurer : ni son père, ni son grand-père, ni son arrière-grand-père n'ont planté la parcelle franche de pied de 50 ares qui jouxte la maison. Les plus vieux plants dateraient de 1794. En aurait témoigné une tante qui aurait indiqué, dans les années 1865, que les vignes avaient été plantées par son grand-père. Cette affirmation colportée est évidemment invérifiable, même si la chambre d'agriculture de Pau a confirmé que les pieds devaient dater d'avant le phylloxéra.

Chez Henry Marionnet, du domaine de La Charmoise, à Soings-en-Sologne (Loir-et-Cher), un laboratoire ampélogra- phique aurait confirmé les 150 ans d'une parcelle de 32 ares de vignes non greffées d'un cépage blanc, le romorantin. Par ailleurs, depuis 1990, Henry Marionnet a planté des vignes franches de pied de gamay, de sauvignon, de chenin et de côt, de manière à créer une gamme Vinifera.
De même, la maison de champagne Bollinger a replanté, en 1972, une parcelle de 50 ares de pinot noir franc de pied. Depuis 1994, 3 000 bouteilles de vieilles vignes françaises sont millésimées tous les ans et vendues au tarif de 152 euros. La densité de plantation, de 20 000 pieds/ha selon M. Bouzy, directeur du vignoble, entraîne des coûts à l'hectare très importants, liés à la main-d'oeuvre (2 600 h de travail manuel, contre 450 h pour une parcelle normale), avec un rendement beaucoup plus faible (trois à quatre grappes par pied, contre quinze à dix-huit normalement). Une cuvée de luxe.

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