Créer une société avec un associé non exploitant, ou séparer les activités de production et de commercialisation sont les deux solutions les plus pertinentes pour réduire les prélèvements fiscaux et sociaux.
L'évolution de la réglementation fiscale devrait susciter de nouvelles créations de sociétés. L'article 22, de la loi Agir pour l'initiative économique, relève le seuil d'exonération des plus-values professionnelles de 152 600 euros à 250 000 euros de chiffre d'affaires, et installe un régime dégressif d'exonération entre 250 000 euros et 350 000 euros. Ces deux mesures devraient prendre effet au 1 er janvier 2004.
' Elles vont ouvrir de nouvelles possibilités aux exploitants qui se situent en dessous de 250 000 euros de chiffre d'affaires, car ils n'auront pas à intégrer les plus-values réalisées lors du passage en société ', souligne Ludovic Potiron, du Centre de gestion et de comptabilité agricole de Gironde.
A partir d'un cas type, le Centre de gestion agréé et d'économie rurale du Gard a réalisé des simulations avec sept formules juridiques différentes.
Deux d'entre elles présentent un intérêt. ' La création d'une société avec un associé non exploitant et la séparation des activités de production et de commercialisation permettent d'améliorer la marge disponible après prélèvements. Les cinq autres formules que nous avons envisagées sont moins intéressantes, mais elles peuvent apporter d'autres éléments positifs en matière de statut du conjoint, de retraite ou de succession, par exemple. Le court terme ne doit pas être sacrifié au long terme ', estime Luc Poussielgues, conseiller juridique.
Dans une société détenue à 51 % par l'exploitant et à 49 % par son conjoint non exploitant - l'exploitant doit rester majoritaire - le revenu professionnel soumis à cotisation est presque divisé par deux. Cette forte diminution résulte de l'application de la règle suivante : sur la part attribuée à l'associé non exploitant, la MSA prélève uniquement une cotisation de solidarité, qui se monte pour l'instant à 3,5 %. En contrepartie, l'imposition est plus élevée, puisqu'il y a moins de charges à déduire. Dans cette formule, le conjoint ne doit pas prendre part à l'activité agricole. La MSA a déjà réalisé des contrôles dans plusieurs départements sur ce point. Lorsque le conjoint signe des chèques professionnels, elle considère qu'il participe à la gestion du domaine et qu'il doit cotiser en tant qu'exploitant. ' Salarier son conjoint à temps complet ou partiel peut être une bonne solution lorsqu'il participe effectivement aux travaux de l'exploitation. Il a ainsi un statut professionnel et peut se constituer une retraite ', souligne Luc Poussielgues.
La séparation des activités de production et de commercialisation, gérées par deux sociétés de type différent, permet aussi de diminuer les prélèvements. La société commerciale n'a pas à verser de cotisations sociales à la MSA. Lorsque les bénéfices ne sont pas distribués tout de suite, le taux d'imposition s'établit, dans un premier temps, à 15 % s'ils sont inférieurs à 38 000 euros, et à 33,3 % au-delà. ' C'est une bonne formule pour les exploitants en période d'investissement, qui peuvent améliorer leur capacité d'autofinancement ou se constituer un fonds de roulement. ' Le délai pour distribuer les bénéfices est de cinq ans au maximum. Ils sont soumis à l'impôt sur le revenu, les sommes déjà versées étant considérées comme des avoirs. ' Mieux vaut alors profiter d'une année pour réaliser cette opération, afin d'éviter de se retrouver dans les tranches supérieures du barème . ' Pour créer une société commerciale qui achètera les vins de l'exploitation pour les revendre, il faut prendre le statut de négociant.
' Pour certains vignerons, devenir négociant correspond à un choix stratégique de développement. D'autres refusent cette option par crainte de se laisser absorber par l'activité commerciale et de perdre leur identité de propriétaire récoltant. Mais rien ne les oblige à vendre d'autres vins que les leurs ', explique Luc Poussielgues.
' Séparer les activités de production et de commercialisation n'est pas artificiel, cela correspond à deux fonctions très différentes exercées par le vigneron. En les plaçant chacune dans le cadre réglementaire le mieux adapté, c'est l'efficacité économique de l'entreprise qui s'améliore ', souligne Bernard Anthérieu, du Centre d'économie rurale du Gard.
Pour les exploitations dégageant des résultats supérieurs à 120 000 euros, d'autres formules peuvent devenir intéressantes. ' U ne exploitation agricole peut opter pour l'impôt sur les sociétés, y compris pour la partie production. Elle perd le bénéfice des dispositions fiscales propres à l'agriculture, mais elle voit son taux d'imposition plafonné à 33,3 % avant distribution. Le choix doit être bien réfléchi, car c'est une option irréversible ', souligne Ludovic Potiron.
Des montages existent aussi avec une ou plusieurs sociétés, coiffées par une holding. Mais ces formules sont dans le collimateur de la caisse centrale de la MSA. Pour éviter les ' fuites ' de cotisations, elle voudrait pouvoir prélever des cotisations sur les revenus commerciaux, les revenus des entreprises ayant opté pour l'impôt sur les sociétés, et les revenus des holdings. Elle envisage également de porter la cotisation de solidarité prélevée sur les revenus des associés non exploitants à 10 %.