Le dépistage d'alcoolémie ne peut pas s'effectuer sur une personne qui n'est plus au volant depuis ' au moins une heure et quart '.
Cette chronique organisée autour d'un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, a pour finalité de rassurer les professionnels de la viticulture amenés à absorber une certaine quantité de vin. ..
Les faits sont les suivants : Joseph X., courtier en vins de Côtes du Rhône, est attablé avec un producteur autour d'un bon repas, dans un restaurant de bon niveau. Tout à coup, un personnage, inconnu de tous, pénètre dans la salle et interpelle violemment le personnel et la clientèle. Le producteur, confiant dans sa taille et sa musculature, intervient pour chasser l'importun. Au cours de cette altercation, l'inconnu le frappe d'un coup de couteau. Les clients et le patron s'efforcent de maîtriser l'agresseur. On téléphone à la gendarmerie, tandis que Joseph installe la victime dans sa voiture pour la conduire aux urgences. Une fois arrivé à l'hôpital, le blessé est pris en charge par le personnel soignant, et Joseph, installé dans la salle de réception du public, attend l'issue de l'intervention chirurgicale pour ramener l'homme courageux chez lui.
C'est alors que se présente le maréchal des logis, chef de la brigade de gendarmerie du lieu, qui se fait préciser par Joseph les circonstances de l'agression. En toute simplicité, celui-ci ne fait aucune difficulté pour détailler les événements, ajoutant que s'il a amené le blessé, il compte le ramener chez lui.
L'officier de police judiciaire décide alors de soumettre Joseph à un contrôle d'alcoolémie. Après avoir ' soufflé dans le ballon ', il apparaît 0,73 mg d'alcool par litre de sang. Il n'en faut pas davantage pour que notre gendarme dresse un procès-verbal d'infraction. Rappelons que selon l'article L 234-9 du code de la route, le contrôle d'alcoolémie peut s'effectuer en l'absence d'infraction préalable ou d'accident.
Le dépistage s'étant révélé positif, des poursuites sont engagées devant la juridiction pénale pour ' conduite d'un véhicule sous l'emprise d'un état alcoolique '. La cour d'appel avait déclaré l'intéressé coupable, au motif qu'il ne contestait pas le fait d'avoir conduit son véhicule pour transporter son ami et qu'il devait nécessairement repartir pour le reconduire chez lui.
Joseph a contesté cette condamnation devant la Cour de cassation. Lui qui s'était vu privé de sa voiture - un drame pour un courtier ! - a obtenu l'annulation de l'arrêt de la cour d'appel. Pourtant, ni le degré d'alcoolémie, ni le fait que Joseph avait conduit dans cet état n'ont été niés. Comment, dès lors, critiquer l'arrêt de la cour d'appel ? Grâce aux précisions obtenues auprès du service des urgences, il était établi que Joseph X se trouvait dans la salle d'attente depuis une heure et quart lorsque le test pratiqué par la gendarmerie a eu lieu. C'est à partir de cette précision que va pouvoir se développer l'argumentation qui convaincra la Cour suprême et amènera l'annulation des poursuites pour conduite d'un véhicule sous l'emprise de l'état alcoolique.
Il s'agissait de reprendre la lecture de l'article L 234-9 du code de la route : la personne, qu'un officier de police judiciaire peut soumettre au dépistage de l'alcoolémie, est nécessairement le conducteur du véhicule. Or, en l'espèce, au moment du test d'alcoolémie, Joseph X avait cessé de conduire au moins depuis une heure et quart. Sauf ivresse manifeste, il ne pouvait donc être ni poursuivi, ni condamné.
Une question demeure : depuis combien de temps la personne contrôlée ne doit-elle plus être au volant de son véhicule ? En l'espèce, il était établi que Joseph X était à l'hôpital depuis une heure et quart. Pour le reste, la loi est muette. Certes, quelques minutes d'arrêt sur une aire de repos ne devraient pas correspondre au principe admis par la Cour de cassation. En revanche, un arrêt d'environ une heure pour rencontrer un client ou un service administratif devrait suffire.
Attention toutefois, l'infraction sera établie si la personne contrôlée est en état d'ivresse manifeste. Heureusement, ce n'est pas le cas des professionnels auxquels nous pensons...