L'acidification était possible pour tous, cette année, mais elle a été pratiquée de manière inégale. De plus, les vins se sont enrichis en acide au cours de la vinification.
Le millésime 2003 se caractérise par des acidités très basses : la canicule d'août a brûlé une bonne partie de l'acide malique. Conséquence : tous les vignobles français pouvaient, cette année, acidifier. ' On ne peut que se féliciter de l'excellent travail mené très tôt, au niveau régional, entre toutes les instances professionnelles et administratives pour obtenir la dérogation d'acidification ', applaudit Jean-Luc Chaigneau, du laboratoire Val-OEno, en région nantaise. Les dérogations officielles n'ont été publiées au Joce que le 26 septembre, mais l'autorisation officieuse avait été délivrée bien avant.
Il vaut toujours mieux acidifier sur moût, ou en cours de fermentation, afin d'éviter de durcir les vins, même si on maîtrise moins bien la correction réalisée. D'autant que cette année, dans de nombreuses régions, l'acidité a augmenté en cours de vinification ! Dans les Côtes du Rhône, dans le Beaujolais, en Bourgogne, dans le Gers, ou encore en Bergeracois, des oenologues relatent ce phénomène. La première explication de cette bizarrerie réside certainement dans la grande hétérogénéité des raisins sur souche, qui pouvait fausser les contrôles de maturité, en incitant à prélever les grains les plus mûrs.
Jacques Rousseau, de l'Institut coopératif du vin, complète : ' Les raisins ne se délitaient pas toujours très bien. En cours de cuvaison, les composés de la pellicule ont finalement été extraits . ' Les acidités totales naturelles n'étaient donc pas toujours aussi basses que prévu.
Dans le Médoc, Antoine Médeville, oenologue au laboratoire OEnoconseil, a constaté ce phénomène, mais il nuance : ' Cela se produit tous les ans. D'habitude, on s'intéresse peu au pH et à l'acidité totale pour la vinification. Cette année, on y a prêté une attention particulière parce qu'il était question d'acidifier. ' Il admet que le phénomène a peut-être pris plus d'ampleur : les vins ont pu gagner jusqu'à 1,5 g d'acidité, contre un peu moins de 1 g normalement.
Tous les vignobles pouvaient acidifier les moûts. Pour autant, tous ne l'ont pas pratiqué. Dans le Médoc, malgré des pH inhabituels (3,70 sur moût), les viticulteurs n'ont pas utilisé l'acide tartrique, car ils manquaient d'expérience. En Provence, le tartricage n'a pas été réalisé, par peur de durcir des vins déjà riches en acide tartrique.
Le déficit était parfois tel qu'il n'a pu être que partiellement compensé. Dans le Beaujolais, les acidités totales atteignent 3 à 3,5 gH 2SO4/l, pour des pH de 3,5 à 3,7 après malo. En Bergeracois, ' on a réussi à gagner un demi-point d'acidité totale grâce à l'acidification , constate Pierre Guérin, à l'interprofession. Les blancs ont notamment très bien réagi en développant davantage d'arômes . ' En Côtes du Rhône, l'acidité des vins finis dépasse les 3 gH2SO4/l, niveau normal. En Anjou, les acidités totales avant fermentation malolactique avoisinent 3 g/l (contre 3,5 à 4 g normalement). En Cognacais, les pH dépassent les 3,5 après malo. Non sulfités, ces vins sont très sensibles, d'autant que leur acidité volatile atteint 0,3 g/l.