Gérard Marreau, vigneron à Cabrières-d'Avignon (Vaucluse), a démarré les vendanges le 22 août, sur les 25 ha que compte son exploitation. Il a dû revoir toute son organisation et modifier l'ordre de récolte de ses parcelles, du fait de la sécheresse et de la précocité.
Sur son exploitation de 25 ha, en appellation Côtes du Ventoux, Gérard Marreau vendange à la main depuis plus de dix ans. Habituellement, les récoltes débutent début septembre pour les blancs, et vers le 10 septembre pour les rouges. Cette année, le coup d'envoi a été donné le 22 août. Et encore, ' il aurait fallu démarrer plus tôt, car les degrés étaient élevés, mais pour cela, il fallait du personnel ', déplore-t-il. Malheureusement, la moitié de ses vendangeurs était engagée ailleurs, tout le mois d'août, et ne pouvait pas se libérer. ' Nous nous sommes débrouillés en interne en faisant appel à la famille, car je ne voulais pas vendanger les blancs à la machine ', rapporte-il. Et comble de malchance, ' je m'étais engagé du 16 au 23 août à faire la promotion des vins, avec le Syndicat des Côtes du Ventoux, au salon du 4 × 4 à Val-d'Isère '. Il a donc suivi le début des vendanges à distance. Au niveau de la préparation de la cuverie, il n'a pas eu de problèmes, ' tous les appareils avaient été revus début août '. Par contre, ' on devait me livrer trois cuves de vinification pour les rouges vers le 15 août. A cette date, j'aurais eu le temps de tout installer. Avec la précocité, les fournisseurs se sont aussi retrouvés coincés. Du coup, ils ne m'ont livré que le 5 septembre '.
Mais le plus délicat fut la détermination de la date de vendange. ' Ce qui était vrai les années précédentes ne l'était pas en 2003. Il fallait aller dans les parcelles tous les deux à trois jours, faire des mesures au réfractomètre, mais aussi déguster les raisins. Depuis longtemps, nos degrés étaient corrects. Par exemple, le 8 août, les chardonnays titraient déjà 13°2, mais ils n'avaient pas une bonne maturité pelliculaire. Les jus étaient herbacés. Même si les degrés étaient corrects, les raisins n'étaient pas prêts à être cueillis. Cette année, il fallait trouver un compromis : nous devions attendre que les jus aient des arômes intéressants, mais pas trop pour ne pas avoir plus de 15°. Là, nous avons obtenu des blancs à 14°5 et des acidités totales de 3 à 3,2 g/l. Nous avons dû acidifier un peu. Sur les grenaches, il y avait un déficit en anthocyanes de 30 % la dernière semaine d'août, par rapport à la même période en 2002. Même si les degrés étaient hauts, il ne fallait pas se presser. Nous avons bien fait d'attendre, car les nuits fraîches et les journées chaudes de début septembre ont comblé le déficit. Nous ne pouvons pas faire de vins rouges s'il n'y a pas de couleur, ni de tanins fondus . '
Autre difficulté : beaucoup de grappes étaient brûlées par le soleil, de viognier notamment. ' Les vendangeurs ont coupé et mis par terre les grappes entièrement desséchées, et récolté celles partiellement grillées .'
Certaines parcelles ont souffert de la sécheresse. ' Or, ce sont celles qui font les cuvées haut de gamme . ' Au sein d'une même parcelle, la qualité des raisins était hétérogène. ' Tout dépendait du sol et du sous-sol. Au sein d'un même rang, sur 10 m, c'était super et sur 50 m, c'était foutu. Cela se voyait à l'oeil nu. Il a fallu trier . '
Gérard Marreau a fait récolter ses parcelles en deux temps. Lors du premier passage, ses vendangeurs ont coupé les raisins en blocage de maturité. Ils ont laissé au sol les grappes vraiment desséchées et récolté celles partiellement atteintes pour faire ' soit du rosé, soit du vin qui sera vendu à la tireuse. Le souci a été de disposer les caisses de vendanges dans les bonnes zones, afin d'indiquer aux vendangeurs où il fallait couper et trier, surtout pour les grenaches . ' En dehors de ces zones, comme il faisait beau, les raisins bien alimentés sont restés sur pied plus longtemps, afin qu'ils acquièrent plus de couleur. Ils ont été récoltés dans la semaine du 22 septembre. Mais ce tri a fait perdre du temps. Pour compenser, Gérard Marreau a vendangé environ 20 % de sa surface à la machine.
Autre adaptation : ' Habituellement, nous ne lavons les caisses à vendange qu'une fois par jour. Cette année, il a fallu le faire matin et soir . ' L'hygiène était capitale.
Finalement, ' malgré le tri, nous avons été aussi rapide que d'habitude, car le temps a été magnifique. Nous n'avons pas été gênés par la pluie et les apports ont été réguliers. Les vinifications ont été bien gérées. Avec le tri et les vignes peu chargées, les vins sont satisfaisants ', observe, avec soulagement, Gérard Marreau.