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Des coopérateurs vinifient leur propre cuvée

La vigne - n°147 - octobre 2003 - page 0

Des coopératives proposent à leurs adhérents de participer à la vinification de leurs raisins, voire de les vinifier eux-mêmes. Ils peuvent ainsi utiliser pleinement leurs compétences. La cave élargit son offre avec des cuvées personnalisées. La formule incite les adhérents à se comparer.

Etre vigneron en coopérative n'interdit pas d'aller au-delà du quai d'apport, bien au contraire. Depuis une dizaine d'années, des caves invitent leurs adhérents à venir déguster les différentes cuvées. L'objectif est avant tout de les amener à prendre conscience de l'influence du travail à la vigne sur le vin. Certaines vont plus loin et leur proposent de participer à la vinification de leurs raisins. Il s'agit à la fois d'élaborer des cuvées de domaine pour répondre à une demande commerciale, et d'offrir des ouvertures à ceux qui ont envie de s'impliquer dans l'élaboration d'un vin personnalisé.
' J'ai fait un BTS viti-oeno et j'ai été responsable d'une cave particulière, avant de reprendre les vignes familiales en coopérative. Si je n'avais pas pu participer aux vinifications, j'aurais eu l'impression de n'exercer qu'une partie de mon métier ', affirme Gilles Chinieu, coopérateur à Chusclan (Gard).
Cette cave vinifiait déjà des vins de domaine, mais sans associer les producteurs aux choix techniques. En 2003, elle a investi 450 000 euros dans une batterie de cuves de 100 à 150 hl, alimentées par une ligne d'apport spécifique.

Douze cuvées de domaine ont été élaborées, dont celles de Gilles Chinieu et de Grégory Brunel, deux adhérents qui ont vinifié eux-mêmes l'une de leurs cuves. ' J'ai soigné ma sélection et pris des risques en poussant la maturité. J'ai cherché à tirer le meilleur parti des raisins, en vinifiant comme je le sens. Lorsque je ferai visiter la cave, je pourrai faire goûter mon vin et raconter son élaboration ', explique Gilles Chinieu. Les autres propriétaires ont simplement participé aux décisions de vinification avec les trois oenologues de la coopérative. Et les douze producteurs concernés ont choisi les parcelles qu'ils souhaitaient utiliser pour leur cuvée et fixé la date d'apport. ' Le soir, nous nous retrouvons pour déguster et comparer nos vins. Cela crée une émulation ', estime Grégory Brunel. Comme Gilles Chinieu, il sera payé 10 % de plus que la grille de la cave, la rémunération de son travail au chai.
' Certains jeunes adhérents viennent chercher les clefs de la cave le week-end pour faire déguster leurs cuvées à des amis. C'est un résultat positif que nous n'avions pas prévu lorsque nous avons commencé à élaborer des vins de domaine il y a dix ans. Notre démarche était surtout commerciale. Les producteurs se sont pris au jeu et impliqués fortement ', raconte le directeur d'une petite coopérative septentrionale, équipée de pressoirs et de cuves adaptées à de petits volumes. Ici aussi, quelques vignerons discutent des options de vinification avec l'oenologue de la cave. ' Les jeunes savent qu'il est plus facile d'amortir du matériel en commun. Mais ils apprécient aussi de pouvoir signer leur produit. Ils comprennent mieux l'importance de la qualité de leurs raisins quand ils sont vinifiés à part, car le résultat peut être dégusté et comparé à celui du voisin. Cela crée des remises en cause et des échanges constructifs ', ajoute-t-il.

La multiplication des cuvées rend l'organisation du travail à la cave plus complexe. Le personnel se doit d'être à la hauteur sur chaque cuve. ' Nous nous imposons des contraintes supplémentaires, qui engendrent des progrès. Depuis quelques années, nous commençons à avoir un retour financier de nos efforts, et cela nous permet d'envisager l'avenir . '
Avoir une possibilité d'expression personnelle au sein du groupe ne conduit pas à s'en désolidariser, mais crée plutôt de nouvelles exigences. ' J'ai la satisfaction de voir ce que donnent mon terroir et ma façon de travailler, mais je suis payé en fonction des mêmes critères que les autres coopérateurs. Le but de la démarche reste de servir l'intérêt collectif en élaborant une gamme de vins typés. Ce n'est pas facile tous les jours. Quand le vin est réussi, cela se voit tout de suite, mais quand il y a un problème aussi ! ', affirme Jacky Bernard, un adhérent de la coopérative de Vacqueyras (Vaucluse).

Cette cave a investi, il y a cinq ans, 6 Meuros dans un chai destiné à la vinification d'une dizaine de domaines. Jacky Bernard y porte les trois quarts des raisins récoltés sur ses 28 ha en appellation Vacqueyras. Il choisit les parcelles, oriente les apports et donne des indications au personnel de la cave sur le profil de vin qu'il souhaite. ' Je viens déguster régulièrement les cuves, et je suis ce qui se passe. J'ai noté ce que je faisais dans mes parcelles et, aujourd'hui, je les travaille différemment, car je les connais mieux. J'aurais évolué, grâce aux démarches de qualité déjà mises en place au sein de la coopérative, mais sûrement plus lentement. '
La formule convient bien aux caves qui ont choisi de segmenter leur offre en élaborant des vins de domaine. Elles ne cherchent pas forcément à obtenir une cuvée avec chaque coopérateur. Les choix se font en fonction des besoins commerciaux et des surfaces des domaines potentiels, afin de disposer du volume nécessaire au suivi des clients. Certaines caves s'appuient sur les terroirs pour segmenter leur offre, en regroupant des parcelles appartenant à plusieurs adhérents. D'autres développent des marques fortes avec des volumes importants. Ces stratégies ne les empêchent pas de chercher aussi à mobiliser leurs adhérents. ' Pour un coopérateur, il y a différentes façons de s'impliquer dans la vie de sa cave. Pour construire l'avenir, nous avons besoin de la participation du plus grand nombre, et pas seulement de quelques uns ', affirme Jacky Bernard.


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