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La renaissance du chatus

La vigne - n°148 - novembre 2003 - page 0

En Ardèche, une coopérative sauve le chatus de l'oubli. Autochtone, tannique, puissant et coloré, ce cépage donne un vin de garde qui remporte un franc succès.

'On ne prononce pas le 's' de chatus, prévient Hervé Thoulouze, vigneron et responsable de la communication à la cave coopérative de Rosières (Ardèche). C'est un nom ancien : parmi les trente-huit variétés citées par Olivier de Serres, en 1599, dans son Théâtre d'agriculture et mesnage des champs, deux seulement ont traversé les âges : le pinot et le chatus. C'est un cépage original, car on ne le trouve que chez nous, contrairement au gamay, à la syrah et au viognier. Il donne le seul vin de garde de notre terroir. '
Au XIX e siècle, le chatus domine l'encépagement de la bordure cévenole du Bas-Vivarais. Mais le phylloxéra détruit la quasi-totalité du vignoble et les vignerons replantent des variétés adaptées au vin de table. ' Le chatus est difficile à cultiver, car il demande trois à quatre fois plus de main-d'oeuvre que n'importe quelle autre vigne ', rappelle Maxime Serret, président de la cave coopérative de Rosières et du Syndicat des producteurs de chatus. Les bourgeons de base n'étant pas fructifères, il faut tailler en fouet ou en arcure. Vinifié à l'ancienne, le chatus donnait un vin rude, utilisé toujours en assemblage. Oublié par les vignerons, il disparaît même des registres officiels.

Des Ardéchois au coeur fidèle en conservent quelques parcelles. En 1989, Frédéric Allamel, gérant de la coopérative de Rosières, propose d'en fêter les cinquante ans en élaborant une cuvée 100 % chatus : par désir de retrouver le vin de ses ancêtres, de sauver un patrimoine génétique et par curiosité. Hervé Thoulouze raconte : ' Les papets disaient qu'il fallait mettre du chatus dans les cuves pour faire du bon vin. Et les années pluvieuses, quand les acheteurs venaient goûter à la cave, ils cherchaient toujours les cuves de syrah assemblées avec du chatus. '
Ce cépage ne craint pas la pourriture. Sa couleur se conserve bien, car il est plutôt acide. Aujourd'hui, les méthodes modernes de vinification permettent de vendre le vin après une année en fût de chêne et l'année suivante en bouteilles.
Grâce à la motivation des vignerons, le chatus réintègre, en 1997, la liste des cépages autorisés pour les vins de pays des coteaux d'Ardèche. ' On multipliait la vigne sans y être autorisé, sourit Hervé Thoulouze. On a aujourd'hui des vignes de dix ans d'âge pour les cuvées Chatus monnaie d'or ! '

En 2000, les producteurs de chatus créent leur syndicat, qui rassemble cinq coopératives et une centaine de vignerons. Ils ont demandé l'AOVDQS, puis l'AOC pour la Côte de Joyeuse, une appellation 100 % chatus. ' Les vignes sont proches du village de Joyeuse, le seul à porter ce nom en France. C'est jovial ! s'enflamme Hervé Thoulouze. Partie de 2 ha centenaires il y a dix ans, la surface atteint maintenant 40 ha et le rythme de plantation dépasse 15 ha/an. '
La règle limite la production à 50 hl/ha. Vendue en 2002, la vendange 2000 a donné 11 000 cols. Les 19 000 cols du millésime 2001 seront disponibles le second samedi de décembre, entre 7 et 9 euros. ' Mais dépêchez-vous, sourit un vigneron, l'an dernier, le second dimanche de décembre, il n'y en avait déjà plus ! '

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