Nouveaux ' packagings ', segmentation de la gamme, argumentaire sur l'image et le chiffre d'affaires : depuis son arrivée, il y a deux ans, dans l'entreprise familiale, Jérôme Delord a mis en place une vraie stratégie commerciale.
'Avant, la maison vendait de l'armagnac. Maintenant, nous vendons de l'armagnac Delord ', déclare Jérôme Delord, responsable commercial. Il y a deux ans, il a pris en main l'activité commerciale d'Armagnac Delord, société créée par son grand-père en 1925, à Lannepax (Gers). L'entreprise possède un vignoble de 12 ha, une distillerie avec quatre alambics et un chai de vieillissement. En 2002, elle a produit 436 hl d'alcool pur, dont un quart provient de ses vignes. Le reste est issu d'achats de vin. Elle a également acheté 40 hl d'eau-de-vie, qu'elle fait vieillir. L'essentiel du chiffre d'affaires est réalisé avec l'armagnac, mais la société vend aussi un peu de floc-de-gascogne (10 000 bouteilles en 2002) et quelques produits dérivés. 250 hl d'alcool pur sont nécessaires pour assurer les ventes en bouteilles sur un an. Jérôme Delord vend le reste en vrac, selon les opportunités du marché.
En 2003, d'après les tendances, 57 % du chiffre d'affaires seront réalisés en France. Sur ce créneau, les circuits sont les suivants : 25 % auprès des particuliers, 35 % auprès des cavistes à enseignes nationales, 20 % auprès des caves indépendantes et 20 % en grande distribution locale, avec la marque Marie Duffau. Le reste du chiffre d'affaires est réalisé à l'exportation, dont 20 % hors Union. Le marché le plus important à l'export, en volume et en chiffre d'affaires, est l'Espagne, mais Armagnac Delord réalise des expéditions dans d'autres pays.
' Avant mon arrivée, mon père Jacques et mon oncle Pierre faisaient tout. Il n'y avait pas de vraie stratégie commerciale. Le marché de l'armagnac a subi de profonds bouleversements. Aujourd'hui, ce produit, qui reste l'un des plus beaux fleurons français, ne peut plus se vendre sans appliquer les principes du marketing . ' Il a remédié à cette faiblesse. Fort de son expérience chez Schweppes, il a commencé par aller davantage vers le client. Il a mis en avant les atouts de l'entreprise. Première force : ' Dans mon discours auprès des clients, je lie la famille à l'armagnac. La spécialisation est un choix. Nous pourrions vendre du vin, qui augmenterait notre chiffre d'affaires. Mais nous ne le faisons pas afin de garder une cohérence . '
Restait à transmettre cette authenticité sur l'étiquette et l'emballage. Avec l'aide de son frère Sylvain et la vigilance de la famille, Jérôme Delord a modifié le packaging : Armagnac Delord en plus gros caractères sur l'étiquette, logo remis au goût du jour, nouvel emballage pour Vinexpo 2003. Autre atout de l'entreprise : une gamme d'assemblages jeunes (fine, VSOP, hors d'âge), vieux (15 ans, 20 ans, 25 ans) et une gamme millésime. ' Il existe trois types de marché : cuisine, consommation-dégustation, cadeaux. Nous avons des produits qui peuvent surfer sur les différents créneaux et intéresser différents acheteurs . ' Pour jouer sur l'effet gamme, Armagnac Delord utilise onze couleurs de cires différentes.
Du coup, son argumentaire auprès des acheteurs est structuré. ' Premièrement, je 'case' que j'ai travaillé chez Schweppes, afin de montrer que je connais le business. Ensuite, j'explique qu'il s'agit d'une entreprise familiale, où se sont succédé plusieurs générations. Puis, je fais un petit historique sur la fabrication en expliquant que tout est fait main. J'insiste sur l'implication de ma famille. C'est seulement après que je présente mes produits, prévient Jérôme Delors. Comme je connais la gamme du client, je sais ce qu'il recherche. Je lui vends une image ou un chiffre d'affaires. Je lui démontre tout ce que mes produits peuvent lui apporter en plus. Je lui présente les chiffres de mes ventes, ceux de mes concurrents, des statistiques de ventes en grande distribution. Il faut rassurer le client. Bref, je suis capable de vendre un produit sans le faire déguster . ' Tout cela implique une parfaite connaissance de l'acheteur.
Mais tout n'irait pas aussi bien s'il n'y avait pas, à côté, une parfaite gestion de l'entreprise avec une bonne répartition des tâches. Chaque matin, Jérôme Delord consulte ses comptes. De plus, ' en arrivant à mon poste, j'ai calculé la quantité d'alcool pur nécessaire pour assurer les ventes en bouteilles sur un an. Car, actuellement, il est impossible de gérer une situation de manque '. Enfin, chaque investissement est mûrement réfléchi. ' Si je vais dans un pays, c'est que j'ai un contact, que je sens prêt. Je me rends à Vinexpo et Vinisud. A l'export, je cible les pays et j'adhère à une assurance prospection, qui prend en charge 65 % des frais si l'affaire n'est pas conclue . '
Avec l'appui de son frère, responsable de l'amont, c'est-à-dire d'élaborer un produit de qualité, il a démarré des concours. ' Coller une médaille sur une bouteille, c'est vendeur. '
Pour améliorer le tout, des investissements sont prévus, comme la construction d'un bureau pour l'accueil des clients, avec un bar à dégustation et une partie consacrée à la vente directe.
' Je me suis axé sur le commerce, car j'ai des personnes avec moi pour s'occuper du reste. Des personnes en qui j'ai confiance ', conclut Jérôme Delord.