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Nous avons voulu profiter de la vie

La vigne - n°149 - décembre 2003 - page 0

Après vingt années passées à développer leur vignoble et leur chai, Bernard Pelletier, 52 ans, et Yves Raffin, 47 ans, ont cessé de vinifier pour devenir coopérateurs en 2000. Un choix économique et de vie.

Bernard Pelletier et Yves Raffin, son beau-frère, exploitent un vignoble de 65,5 ha, sur la petite commune de Daubèze, dans l'Entre-deux-Mers (Gironde). ' J'ai commencé comme aide familial, en 1975 avec mon père. Il possédait quelques vaches laitières, 30 ha environ de céréales et de prairies, 25 ha de vignes, majoritairement des blancs, explique Bernard. Nous avons arrêté l'élevage dans les années soixante-dix et nous avons planté du rouge, comme tout le monde ici. Les vignes étaient plantées à 3,50 m × 1 m. Nous les avons replantées à 3 m × 1 m '.
En 1980, Bernard Pelletier crée le Gaec De Lage, avec ses parents et Yves Raffin. Sa mère apporte 10 ha environ de vignes qu'elle possède sur la commune voisine. ' Tout était commercialisé en vrac et nous nous en sortions très bien. Tous les ans, nous plantions, achetions du matériel et de la cuverie. Nous avons beaucoup évolué. '
En dix ans, le vignoble passe de 35 à 59 ha. ' Nous avons acquis tout l'équipement de froid en 1985 et 1986. Les vins se vendaient bien, c'était la belle époque. Cela nous a permis de moderniser nos installations. ' Le plus gros investissement a lieu en 1991, au plus mauvais moment, car c'est une année de gel sévère. ' Nous avons acheté six cuves en Inox de 250 hl. Heureusement, les prix ont compensé la petite récolte. '

Quand les parents prennent leur retraite, Bernard et son beau-frère, qui a reçu du partage 8 ha de vignoble, transforment le Gaec en SCA qu'ils cogèrent. Ils font un maximum de travaux eux-mêmes. Bernard, titulaire d'un BTA viti-oeno, vinifie ; Yves, avec une formation mécanique, s'occupe du matériel. ' Tout ce qui est délicat, nous le faisons, dit-il. Nous vendangeons nous-mêmes. Nous avons acheté notre première machine en 1980, une Braud automotrice que nous avons gardée onze ans. Elle a été remplacée cette année. ' Plutôt que d'embaucher du personnel, ils font appel à une entreprise qui taille la moitié du vignoble et fait tomber les trois quarts des bois. ' C'est plus cher, mais c'est rapide. '
Depuis 1985, toute la récolte partait chez un seul négociant bordelais. Ils avaient l'assurance de l'écouler : ' Ce que nous ramassions était déjà vendu. ' Mais les relations se sont dégradées : ' Le directeur des achats était devenu un ami. Il nous conseillait pour la vinification. Quand il est parti, de jeunes oenologues l'ont remplacé. Avec eux, nous n'avions plus aucune liberté et n'étions plus patrons chez nous. Nous avons arrêté ', résument-ils.
Que faire ? Continuer à vinifier en vendant à d'autres négociants ? ' Le marché commençait à décliner sérieu- sement. Nous aurions dû investir au moins 1,5 million de francs (0,23 Meuros) pour réaliser une station d'épuration et mettre le chai aux normes. Nous n'étions pas sûrs de pouvoir les amortir, vu le contexte économique . ' Autre solution : se lancer dans la vente en bouteilles. ' Nous ne savons pas faire. Il aurait fallu aller sur la route, avoir l'âme du vendeur. '
Bernard et Yves décident de passer en cave coopérative ' avec un petit pincement de coeur '. ' Ce choix, il fallait le faire rapidement, ajoute Yves Raffin. Nous étions à un carrefour : soit investir énormément, soit profiter un peu de la vie. ' Leurs enfants n'ayant pas l'intention de prendre leur succession, ils ont choisi la voie épicurienne.

Depuis 2000, ils livrent leur récolte à deux coopératives, Sauveterre et Romagne. Le vignoble est séparé en deux îlots : l'un de 50 ha, à 4 km de la première cave, l'autre de 24 ha, plus proche de la seconde. La SCA a revendu sa cuverie et du gros matériel. Puis elle a acheté trois grosses bennes pour transporter le raisin vers les caves. ' Autrefois, jusqu'en décembre, nous étions dans le chai de 6 h à 22 h , se souvient Bernard. Aujourd'hui, nous avons moins de soucis. C'est un choix financier et de vie. '
Financièrement, ' nous ne sommes pas dans une période facile, le bordeaux a chuté de 30 % , rappelle Yves. Mais avec la suppression des charges de vinification, la rémunération sera la même. Les coopératives ont moins de frais à l'hectolitre que les particuliers, et elles valorisent mieux les vins. Les coopérateurs s'y retrouvent. '
En 2001, les rentrées de trésorerie ont été faibles, car les caves étalent le paiement d'une récolte sur deux ans. La SCA n'a donc touché qu'une demi-récolte. ' Pour compenser, nous avons vendu du matériel et du stock. '
Même s'il est moins bousculé, Bernard ne cache pas les pincements au coeur qu'il a eus lors de la première vendange, et même après : ' Le soir, après avoir lavé les bennes et qu'il n'y a plus rien à faire, nous avons l'impression d'avoir oublié quelque chose ! La vie dans le chai me manque. Alors je vais dans les caves. Nous faisons des dégustations et parlons de vinification. ' Il s'implique également dans la commission Vignoble et vendange de la cave de Romagne. Histoire de ne pas être simplement livreur de raisins.


L'EXPLOITATION EN DATES
1980 Création du Gaec De Lage. Cuvier en béton de 1 500 hl. Première machine à vendanger
1988 Appel à une entreprise pour les travaux de la vigne
1991 Six cuves en Inox (total 5 500 hl)
1992 Transformation du Gaec en SCA DeLage
1995 Nouvelles cuves en Inox (total 6 500 hl)
2000 Rupture du contrat avec le négoce. Entrée dans deux caves coopératives
2003 65,5 ha de vignes. Achat d'une nouvelle machine à vendanger.




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