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Le Roussillon déterminé à se battre

La vigne - n°150 - janvier 2004 - page 0

Groupements de producteurs et interprofession ont chargé un cabinet d'études de bâtir une nouvelle stratégie pour la région. Il a communiqué son travail le 23 décembre, devant une assemblée résolue à réagir pour éviter la disparition du vignoble.

Une importante réflexion stratégique a été initiée en juillet 2003, par le cabinet Adrien Stratégie à la demande de cinq groupements de producteurs : les Vignerons de Baixas, l'Union des vignobles du Rivesaltais, les Vignerons catalans et le Groupement interproducteurs Collioure Banyuls (GICB). Le Comité interprofessionnel des vins du Roussillon (CIVR) a voulu élargir cette démarche à l'ensemble de la filière. ' Les groupements de producteurs qui sont à l'origine du projet représentent une part importante de la production roussillonnaise. Mais c'est l'ensemble de la filière qui doit se mobiliser ', explique Pierre Brunetti, président du CIVR.

La première étape s'est achevée le 23 décembre 2003. Ce jour-là, le cabinet Adrien Stratégie a présenté son audit à l'ensemble des acteurs de la viticulture roussillonnaise. Pour donner toute la mesure des enjeux, il n'a pas hésité à projeter la question : ' La viticulture du Roussillon va-t-elle disparaître ? ', en toile de fond de sa présentation. Les constats dressés étaient aussi percutants. Premier point : le Roussillon est peu connu des jeunes, son offre mal positionnée et illisible. La profusion des AOC ne fait qu'accentuer le trouble du consommateur. Il est encore associé à la région du ' gros rouge ' dans l'esprit des anciens. Ses vins secs sont marqués par leur faible prix moyen de vente, inférieur à 2,5 euros/col. ' Ils sont dans une spirale infernale de baisse des prix, imposée par la distribution moderne ', a expliqué Roger Couffin, directeur du cabinet Adrien Stratégie.
Le vin doux naturel, quant à lui, est devenu un apéritif vieillot. Pour beaucoup, c'est un ' produit mort '. Il est enfermé dans le ' ghetto de l'apéro pas cher ', a déclaré Jean-Marc Meunier, d'Adrien Stratégie.
' La viticulture roussillonnaise est dans une impasse stratégique. Si on ne fait rien, elle est appelée à une mort très lente, a annoncé, sur un ton dramatique, Roger Couffin. Mais, il existe un autre scénario, celui du courage et de l'engagement. ' Pourtant, le Roussillon a de nombreux atouts et bénéficie d'une image positive. ' Le terroir est fabuleux, et le climat, je n'en parle même pas ', rapporte un sommelier. Sans compter qu'il existe un ' courant porteur ', notamment chez les consommateurs les plus jeunes. Pour ' surfer sur ce courant ', le cabinet Adrien Stratégie propose de scinder en deux l'offre en vins secs. Un vin fruité ' élevé au vent et au soleil ', et décliné dans les trois couleurs, serait l'offre générique. Il permettrait de fédérer les coopératives pour constituer un acteur de poids face à la grande distribution. Il devrait répondre aux attentes des jeunes urbains : facilité de consommation, naturel, fruité, légèreté et simplicité d'identification. Il se situerait dans une tranche de prix allant de 2,5 à 3,5 euros/col.

Le second vin serait un vin de terroir, qui permettrait de renforcer l'identité des villages. ' Collioure pourrait être l'une des locomotives ', précise Pierre Brunetti. Le consommateur trouverait de très bons vins dans un conditionnement traditionnel, entre 4 à 8 euros/col pour le coeur de gamme, et plus pour le haut de gamme. Ces vins viseraient le marché français. Pour aborder les marchés internationaux, il est question de se ranger sous l'appellation régionale des vins du Languedoc.
Pour les vins doux naturels, Adrien Stratégie propose de maintenir les volumes commercialisés en continuant les actions engagées autour de la marque Croix Milhas. Ensuite, il faudrait développer un vin d'apéritif fruité, destiné principalement aux jeunes. Il faudrait aussi quitter les linéaires de la grande distribution, développer des produits haut de gamme et renforcer la vente directe. ' Si l'ensemble de la filière réinvente ces produits, nous l'accompagnerons pour peser auprès de la grande distribution ', a déclaré Pierre Coppéré, PDG du groupe Pernod, gros producteur de VDN sous les marques Bartissol et Vabé.
Bref, c'est une véritable rupture qu'Adrien Stratégie propose aux Catalans. La profession n'écarte pas le fait de revoir les délimitations des aires d'AOC. ' Les propositions qui ont été faites peuvent très bien s'inscrire dans l'AOC, mais aussi en dehors. L'AOC ne conditionnera pas la réussite du projet. C'est un point de départ et une protection juridique, mais en aucun cas une garantie ', a précisé René Renou, président de l'Inao, lors de la présentation. Les Catalans doivent oublier leurs ' querelles de clocher ' et adopter ' une discipline de fer ', pour se fédérer derrière un projet collectif. Les propositions d'Adrien Stratégie ont été validées par les groupements de producteurs et le CIVR. ' Si un tiers de la filière s'engage sur ce scénario, cela suffira ', précise Roger Couffin.

La volonté des groupements et du CIVR est forte : ' Nous refusons la mort lente, il va falloir prendre des décisions ' , a déclaré Georges Comte, président de l'Union les vignobles du Rivesaltais.
La profession se donne deux mois pour discuter de propositions qui viennent de lui être faites et arrêter un projet définitif. Elle espère définir le plan d'action et les moyens de sa mise en oeuvre avant la fin juin. ' Il faudra dix à quinze ans pour tout mettre en place ' , prévient Louis Malet, président de la Fédération des caves coopératives. Conscients du travail qu'il reste à accomplir, la profession est optimiste et décidée à agir : ' Nous avons envie de nous battre. '

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