ImprimerLe vignoble bordelais travaille sur divers projets pour enrayer la baisse de ses ventes. Mise en réserve qualitative, intensification de la promotion et adaptation de l'offre à la demande sont au programme.
'Bordeaux doit faire le point et rebondir ', annonce Jean-Louis Trocard, président du CIVB (Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux). Chose dite, chose faite. Le 8 décembre 2003, la filière a voté la mise en place d'une réserve qualitative de grande ampleur.
Seuls 35 hl/ha de l'appellation Bordeaux pourront être commercialisés, et 30 hl/ha de Haut-Médoc, Médoc et Côtes. Par exemple, pour un rendement de 58 hl/ha en Bordeaux rouge, 23 hl/ha devront être mis en réserve. Ce qui est une grande première dans le monde viticole !
Cette mesure sera appliquée sur la récolte 2003. Des transactions pourront être effectuées sur les volumes bloqués, mais ils ne pourront pas être mis en circulation. ' Cela devrait nous permettre de restreindre les disponibilités immédiates, et d'alimenter le marché au fur et à mesure des besoins ', précise Xavier Carreau, président de la Fédération des syndicats des grands vins de Bordeaux.
Cela est nécessaire puisque les ventes de la région bordelaise ont chuté de 300 000 hl en trois ans ! L'interprofession effectuera ensuite un suivi mensuel des ventes et débloquera les volumes suivant les besoins du marché. Néanmoins, ' cette mesure ne servira pas à grand-chose s'il n'y a pas une reprise des ventes ', estime Christian Delpeuch, président de l'Union des maisons de Bordeaux.
Mais surtout, le problème du devenir de la réserve risque de se poser si la vendange 2004 s'avère abondante. Selon un opérateur, ' la filière improvisera à ce moment-là ' !
Le CIVB réalisera, en plus, des prélèvements tout au long de l'année, afin d'établir un suivi des volumes bloqués. Cela devrait garantir des produits de meilleure qualité. Toujours dans le but de réguler les volumes, la profession a décidé d'arrêter les plantations.
Parallèlement à ces mesures, l'interprofession essaie de créer un panel représentatif des prix des vins de Bordeaux en bouteilles. Ces cotations seraient une grande nouveauté et, surtout, ' intéressantes pour Bordeaux et les Côtes ', indique Christian Delpeuch. Des groupes de réflexion planchent aussi sur l'organisation de la filière. Ils feront le point en février 2004, lors des assises du vin de Bordeaux.
Un autre gros chantier est de concurrencer les pays du Nouveau Monde et les pays montants (Espagne), et de répondre à la demande actuelle. ' Nos vins sont faits pour être consommés lors des repas, analyse Jean-Louis Trocard. Or, de nombreuses personnes boivent en dehors des repas. En outre, les consommateurs sont de plus en plus exigeants. Ils veulent des vins fruités, ronds et colorés. A nous de nous adapter ! '
Idée reprise par Christian Delpeuch, qui considère qu'il faut ' remonter la qualité de base des bordeaux pour se maintenir sur le marché d'AOC, et réorienter une partie de l'offre vers des vins de cépages d'AOC en jouant, entre autres, sur les nouvelles réglementations de l'étiquetage. ' Il veut inciter les négociants, qui ne le font pas encore, à effectuer un suivi des conditions de production dans les vignes de leurs fournisseurs, afin d'obtenir des raisins mûrs et de qualité.
Par ailleurs, Bordeaux veut enrayer la chute de sa consommation en France, notamment dans les CHR (cafés, hôtels restaurants). ' Pour compenser la chute de la consommation des bordeaux dans ce secteur, nous devrions augmenter notre marché à l'exportation de 8 % ! ', souligne Jean-Louis Trocard. Ce qui est quasiment impossible vu la conjoncture actuelle.
Du coup, le CIVB lance plusieurs opérations auprès des CHR. Il soutient le concept de la bouteille à emporter, en distribuant des sacs pour l'emmener chez soi si elle n'est pas vide. De même, il fournit des affiches promotionnelles aux restaurateurs, afin de développer la vente au verre. De manière plus classique, il envoie des ambassadeurs pour former les sommeliers au bordeaux, et pour les inviter à décliner toute la gamme des bordeaux sur leurs cartes.
Au niveau international, le CIVB va intensifier ses campagnes de publicité sur ses marchés traditionnels, car ' le but est de commercialiser plus de 40 % des vins à l'étranger, contre 37 % à l'heure actuelle ', confie Xavier Carreau. Les visuels resteront les mêmes, mais avec de nouveaux slogans. Dans tous les pays, l'accent sera mis sur les CHR. Le budget communication est de 23 Meuros, soit une hausse 2 Meuros par rapport à 2003, obtenue grâce à l'augmentation des CVO de 25 %.
Enfin, la chambre d'agriculture de la Gironde a mis en place une opération d'audits des exploitations fragilisées. Ce service est gratuit ; Son objectif est de fournir aux viticulteurs une étude globale de leur situation, et des pistes pour réaliser des économies. Cela ne sera pas du luxe : on compte actuellement 600 à 700 domaines dans le ' rouge ' dans le Bordelais. Il est temps que la filière commence à se secouer !