Les vins des pays d'Oc continuent de miser sur les grands cépages. Les vins de table comptent sur le partenariat. Les appellations veulent étendre l'aire des Coteaux du Languedoc pour en faire l'AOC régionale.
Après une première année expérimentale, la reconversion qualitative différée va être pérennisée. Cette mesure permet d'attendre trois à cinq ans entre l'arrachage et la replantation d'une parcelle, tout en bénéficiant des aides européennes. Elle devrait permettre d'achever le réencépagement du vignoble, sans perdre un seul hectare, l'objectif premier de tous les responsables professionnels. Après les arrachages des années 80, il n'est plus question de reculer. La surface de la région s'est stabilisée à 300 000 ha, mais il y a encore des cépages à éliminer. Par quoi les remplacer ?
Pour Jacques Gravegeal, la réponse est claire : les vins de pays d'Oc, qu'il préside, doivent continuer sur leur lancée. ' Avec la syrah, le cabernet-sauvignon, le chardonnay, le merlot ou le sauvignon blanc, il y a encore des parts de marché à conquérir, à l'export comme en France, où les consommateurs commencent à rechercher les vins de cépage. ' Cette stratégie, proche de celle des pays du Nouveau Monde, n'est-elle pas déjà usée ? Jacques Gravegeal ne le pense pas. ' Nos concurrents ont beaucoup planté. Mais ils commencent à souffrir. Ils sont soutenus par des fonds de pension qui n'auront pas d'états d'âme, si la rentabilité n'est plus suffisante. Laissons-les arracher. En Languedoc, nous avons déjà supprimé 100 000 ha, cela suffit. '
Au niveau des vins de table et des vins de pays de département, la situation est différente. Sur ce segment, le Languedoc a perdu 2,3 Mhl entre 1995 et 2000. Après quatre petites récoltes en cinq ans, les cours ont grimpé brutalement en 2003. ' L'embellie est bienvenue, mais conjoncturelle. Sur les vins basiques, nous ne sommes pas compétitifs. Par contre, nous pouvons développer des volumes dans un créneau entre 1 et 3 euros/col, avec des vins identifiés par des marques et élaborés dans le cadre d'un vrai partenariat ', affirme Jean Huillet, président de la Fédération des caves coopératives de l'Hérault.
En ce qui concerne les appellations du Languedoc, l'heure n'est pas à la croissance des volumes, mais à la structuration de l'offre. Après plusieurs années de gestation, l'appellation régionale devrait voir le jour pour le millésime 2004 ou 2005. Le dossier, porté par la Fédération sud des AOC, a été confié à une commission qui propose d'étendre l'aire des Coteaux du Languedoc, pour qu'elle englobe l'ensemble des appellations du Languedoc et du Roussillon qui le souhaitent. L'Inao a nommé une commission d'enquête nationale. Elle rendra bientôt son avis. Si aucun imprévu ne surgit, le dossier pourrait être examiné lors du comité national de l'Inao du mois de mai 2004.
' Nous avons besoin d'une appellation de dimension régionale qui fasse référence, et sur laquelle les metteurs en marché puissent s'appuyer ', souligne Bernard Devic, directeur du CIVL. L'objectif est de fédérer sous un seul nom des vins génériques ayant déjà un profil gustatif proche. Le décret des Coteaux du Languedoc, avec un rendement de 50 hl/ha, un maximum de 40 % de carignan et un minimum de 20 % de syrah et de mourvèdre, fixe des conditions plus restrictives que la plupart des autres appellations du Languedoc, ce qui devrait éviter toute tentation de repli et pousser vers le haut toutes les AOC. Les Corbières se préparent à franchir le pas. ' Pour nous positionner en appellation sous-régionale, nous envisageons de diminuer notre rendement de 50 hl/ha à 45 et nous poursuivons notre hiérarchisation ', affirme Jean-Marie Sanchis, président du Syndicat de l'AOC Corbières.
Ces grandes orientations se conjuguent avec une politique de soutien aux entreprises ayant des projets de développement. Mise en place au cours des 10 et 11 e plans, elle a encore été renforcée dans le 12e contrat de plan Etat-Région, qui va s'achever en 2006. Un avenant vient d'être signé. Il porte à 30 % le taux maximal de subventions aux investissements matériels. De plus, il ouvre de nouvelles possibilités de financement des investissements en ressources humaines. Les entreprises sélectionnées doivent avoir un rôle structurant dans leur zone, l'objectif étant d'inciter à la formation de pôles forts pilotant conjointement l'amont et l'aval. Hors contrat de plan, le conseil régional soutient également la formation, la communication et l'installation.
En matière de concertation économique, une idée est dans l'air : créer une organisation interprofessionnelle qui regrouperait toutes les productions du Languedoc, tant les vins de pays que d'appellation. Mais les contours de cette organisation sont loin d'être calés. Les vins de pays d'Oc ont obtenu du Parlement, un amendement permettant, à une dénomination de vins de pays, de créer sa propre interprofession. Mais le négoce refuse d'y siéger. La création d'un comité régional de l'Anivit est également à l'étude. Il rassemblerait les autres vins de pays et les vins de table. Certains souhaitent que toutes ces interprofessions se regroupent dans une fédération. D'autres préféreraient la création d'une seule structure avec des sections. Le débat est loin d'être achevé, mais cela n'empêche pas ceux qui le veulent d'agir ensemble. Avec l'aide du conseil régional, le CIVL, le CIVR et les vins de pays d'Oc ont, depuis plusieurs années, une stratégie commune sur le marché canadien, avec d'excellents résultats.