Peu d'exploitations ont rédigé le document d'évaluation des risques, pourtant obligatoire depuis plus d'un an. Les inspections du travail ne verbalisent généralement pas cette infraction. Mais, en cas d'accident, elle peut être une circonstance aggravante pour le chef d'exploitation.
Depuis le 7 novembre 2002, les chefs d'entreprise doivent fournir un document prouvant qu'ils ont évalué les risques pour tous les travailleurs intervenant dans leur entreprise (employés, apprentis, stagiaires, aide-familiaux...). C'est le document unique d'évaluation des risques professionnels. Il doit lister les risques encourus par le personnel aux différents postes de travail et proposer les mesures préventives appropriées (voir La Vigne n° 140, pages 56-57). L'absence de document constitue une infraction, sanctionnée par une amende de 1 500 euros, puis 3 000 euros en cas de récidive.
Dans les faits, le ministère de l'Agriculture a demandé aux Itepsa (Inspections du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricole) de se positionner en conseillers plutôt qu'en censeurs. ' L'amende est peu dissuasive , explique Joseph Gauttier, chef du service Itepsa du Var. Vu l'engorgement des tribunaux, il ne sert à rien de verbaliser à tout crin, du moins dans un premier temps. Ensuite, s'il le faut, l'outil répressif sera utilisé. Mais, pour l'instant, si je dois dresser un procès verbal, je sanctionnerai plutôt une non-conformité en terme de sécurité que l'absence d'un papier ! ' Dominique Dufumier, chef du bureau de la réglementation et de la sécurité du travail au ministère, confirme : ' Il y a eu quelques cas de verbalisation, mais l'absence de document était toujours associée à une autre infraction. '
Le document unique est un prétexte pour que les chefs d'exploitation se penchent sur les problèmes de sécurité dans leur entreprise. C'est un moyen de s'assurer que les mesures préventives sont prises. La véritable sanction, c'est l'accident du travail. ' L'absence de document peut alors être une circonstance aggravante ', explique Dominique Dufumier. Michel Montigné, chef de service Itepsa en Loire-Atlantique, précise : ' Dans certains cas, cela peut être considéré comme une circonstance déterminante de l'accident, si le travail était réalisé avec des équipements inadaptés. '
En Gironde, Patrick Trachet, inspecteur du travail, reconnaît que dans les quelques accidents graves, survenus en 2003, l'absence de document unique n'a pas été portée au dossier : ' Nous n'avons pas voulu en rajouter dans un premier temps. Mais, à partir de cette année, nous serons amenés à le signaler. Nous considérons que la période de mise en route est terminée... '
' L'absence de document d'évaluation des risques peut être grave, car la jurisprudence de la Cour de cassation a récemment introduit la notion de faute inexcusable , renchérit Joseph Gauttier. Le défaut de document ne constituera pas à lui seul une telle faute, mais sera perçu comme un manque de formation à la sécurité qui, lui, peut en être une. '
Pour éviter ces situations critiques, les inspections du travail jouent donc un rôle pédagogique. ' Au cours de nos contrôles, le document unique d'évaluation fait partie des dossiers que le chef d'entreprise doit nous présenter, explique un inspecteur. Quand il n'existe pas, nous conseillons à l'exploitant de se mettre en relation avec les services de prévention de la MSA. Souvent, nous constatons que les gens ne sont pas informés de cette exigence, ou ne savent pas comment s'y conformer. La MSA peut les aider, mais nous ne voulons pas leur mâcher le travail. '
La rédaction du document unique est un chantier assez lourd, ' au moins pour les deux premiers postes de travail , renchérit Joseph Gauttier. Ensuite, la méthode est généralement rodée '. ' Pour les plans de mise en conformité des machines à poste fixe ou mobile, nous nous sommes rendu compte que les exploitants avaient beaucoup délégué la réflexion, notamment aux organismes professionnels, poursuit Patrick Trachet. Ce que nous voulons, cette fois, c'est qu'ils se penchent vraiment sur les spécificités de leur entreprise. C'est pourquoi la rédaction doit se faire en concertation avec les employés, qui connaissent mieux que personne leur poste de travail et les risques qu'ils prennent... Il y a un sérieux manque de dialogue, si bien que les documents uniques qui existent sont souvent insuffisants. '
En effet, non seulement les documents uniques d'évaluation des risques professionnels sont encore rares, mais leur qualité semble souvent inégale. Le taux de conformité est relativement bas, pour une obligation vieille de plus d'un an : un conseiller de la Mutualité sociale agricole de l'Hérault annonce un document unique pour dix exploitations ; dans le Var, seulement 10 exploitations, sur 70 contrôlées par l'Itepsa, pouvaient présenter un document ; en Gironde, le taux serait plus élevé, atteignant au moins 20 % sur les 600 à 800 contrôlées.
Dans ce dernier département, les entreprises de plus de 50 employés seraient toutes en conformité. Elles comportent obligatoirement une Commission d'hygiène et de sécurité des conditions de travail (CHSCT), dont l'un des devoirs est la rédaction de ce document.
Ensuite, ' plus on descend dans l'effectif, plus il y a de lacunes ', reconnaît Patrick Trachet. Dans le Var, au contraire, la mise en conformité et la qualité du document rédigé ne semblent pas dépendre de la taille de l'entreprise. ' Dans l'ensemble, les exploitations viticoles de Gironde ont une assise financière suffisante pour mettre en place les mesures préventives nécessaires comme, par exemple, la mise en conformité ou le remplacement d'un matériel. Cela explique le meilleur taux de réponses ', justifie l'inspecteur du travail.
Une fois le document rédigé, il ne faut pas oublier non plus qu'il doit être ' vivant ', c'est-à-dire réactualisé au moins une fois par an et à chaque modification des postes de travail, pour mettre à jour la réalisation des mesures préventives et prendre en compte les nouveaux risques.