Autorisé à titre expérimental, Mannostab stabilise les vins vis-à-vis des précipitations tartriques. Les résultats obtenus sont prometteurs : d'une mise en oeuvre simple et sans incidence organoleptique, son action est rapide et durable.
L'élevage, pendant plusieurs mois, des vins blancs sur lies favorise leur stabilité vis-à-vis des précipitations tartriques. Souvent, cette stabilité les dispense de traitement par le froid. Elle est attribuée à une mannoprotéine libérée par l'autolyse des levures. Cette molécule inhibe la cristallisation tartrique. La faculté d'oenologie de Bordeaux a mis au point un procédé pour l'extraire des parois de levure par digestion enzymatique. Le produit obtenu est distribué sous le nom de Mannostab, par Laffort oenologie.
Actuellement autorisé à titre expérimental, ce produit a fait l'objet de plusieurs essais afin de comparer son efficacité à celle des traitements classiques. Les premiers résultats ont été obtenus lors de la campagne 1997-1998 sur différents vins : rouges et blancs, de table, de pays, d'AOC Bordeaux et mousseux. Après stabilisation, les vins traités et des témoins ont été conservés à - 4°C. Après trois à cinq jours à peine, des cristaux se sont formés dans les vins non traités.
Dans les vins traités avec de l'acide métatartrique, des cristaux sont apparus au bout de quatre jours à un mois. Les délais ont été plus longs pour les vins traités par le froid : de quatre jours à plus de trente-neuf mois. En effet, le 30 novembre 2001, certains vins du millésime 1997, stabilisés par ce procédé, ne contenaient toujours pas le moindre cristal de tartre. La stabilité des vins traités avec Mannostab est encore supérieure : jamais aucune cristallisation n'a été constatée. Au niveau organoleptique, ils ne présentent aucune différence avec les témoins.
' L'ajout de Mannostab n'a rien à voir avec la stabilisation tartrique par le froid, procédé traumatisant pour les vins , déclare Benjamin Thueu, maître de chai de la société Calvet, qui a testé le produit sur des bordeaux du millésime 2002. Nous attendons son autorisation avec impatience. '
Tout comme l'acide métatartrique, Mannostab permet de traiter et de commercialiser les vins rapidement. ' Le produit donne le résultat escompté, et on a moins de soucis au mois d'avril ', constate M. Rosset, de la cave de Chautagne, après des essais sur des vins d'appellation Roussette de Savoie.
Mais, à l'inverse de l'acide métatartrique qui s'hydrolyse naturellement au cours du temps, Mannostab a un effet durable. Il est efficace et sa mise en oeuvre est simple. ' Il faut juste réaliser un essai préalable pour déterminer la dose nécessaire ', explique Virginie Moine, de la faculté d'oenologie de Bordeaux. En général, les doses appliquées s'élèvent à 0,5 g/hl, 10 g, 15 g, 20 g, 25 g et 30 g. La stabilisation ne peut être appréciée que par des tests par le froid. Pour ce faire, on place l'échantillon traité pendant six jours à - 4°C. La dose efficace est celle à partir de laquelle aucune précipitation n'est observée au bout de ce délai, majorée de 5 g/hl par mesure de précaution.
Une fois la dose déterminée, le produit, sous la forme d'une poudre blanche, s'incorpore simplement lors d'un remontage. Il peut être ajouté jusqu'à vingt-quatre heures avant la filtration de mise.
Tous les essais ont été réussis, sauf quelques-uns portant sur des rouges primeurs. Les échecs n'ont ' concerné que 20 % des primeurs. Certains flavonols instables, notamment la quercétine aglycone, sont parfois encore présents dans ces vins au moment du traitement. Ils gêneraient l'action de Mannostab. Pour y remédier, il suffit de précoller ces vins avec des écorces de levure, car elles présentent une forte interaction avec la quercétine aglycone ', dit Virginie Moine.
Pour l'instant, le Mannostab est disponible à 120 euros/kg. Mais rien n'est définitif. Le stabilisant n'étant autorisé qu'à titre expérimental, ce prix ne tient pas compte des coûts réels de production. La campagne d'expérimentation est terminée. Les résultats vont être transmis à la Communauté européenne. De nombreuses personnes attendent son autorisation avec impatience. ' On s'en servira régulièrement ', affirme M. Houbart, de la cave Labastide-de-Lévis, à Marssac-sur-Tarn.