Difficile de s'y retrouver dans les chiffres de la consommation française en 2003. Elle continue de baisser, c'est sûr. Mais à quelle vitesse ? Bien malin qui saurait le dire. Les deux sources d'information sur le sujet ne concordent pas. Les statistiques des douanes indiquent un dérapage alarmant. Les entreprises qui mesurent les ventes des grandes surfaces ou les achats des ménages, révèlent une érosion sur un rythme plus lent. Si la vérité se situait entre les deux, la consommation de vin aurait diminué de 4 % l'an dernier. Notre expansion à l'exportation étant stoppée, on ne pourra pas supporter longtemps de dégringoler à ce rythme. La reconquête du marché national doit redevenir une priorité. Il regorge de non-consommateurs, dont une bonne partie ne demande qu'à être séduite. On n'y parviendra pas avec une offre sophistiquée, ni avec un discours élaboré sur d'intimes relations avec le terroir. Le vin n'est pas un produit de nécessité, mais de plaisir. Toutes ces dernières années, on s'est cassé la tête pour trouver comment satisfaire celui de quelques dégustateurs influents, épatés par les rouges qui vous saisissent les mâchoires. Ces juges ont entraîné la profession avec eux. Pour les enchanter, il fallait sortir la cuvée la plus noire et la plus épaisse.
Mais le vent a tourné. Le grand public affirme son goût. Il préfère la souplesse, le charme et l'harmonie, caractères longtemps tenus pour secondaires au regard de la puissance. Nicolas, le caviste, l'a bien vu : il vend plus cher - et apparemment mieux - sa sélection fruitée de côtes-du-rhône que sa sélection corsée. Dans le vignoble rhodanien, cette politique tarifaire a suscité beaucoup d'incompréhensions. Elle est effectivement surprenante. Mais l'est-elle vraiment si l'on admet qu'elle reflète la valeur que les consommateurs, et non les conseilleurs, attachent aux choses ?