L'écart se creuse entre coût de revient et prix de vente. Des syndicats viticoles négocient pour obtenir un revenu décent pour les producteurs. Les résultats sont minces.
Les cours des vins de nombreuses appellations s'effondrent ou stagnent à des niveaux inférieurs aux coûts de revient. Les centres de gestion signalent des marges nettes souvent négatives, alors qu'elles sont calculées sans que la main-d'oeuvre familiale et les capitaux ne soient rémunérés.
Maurin Bérenger, président du Syndicat de l'appellation Cahors, s'insurge : ' Sauf à faire de la viticulture une culture subventionnée, ce qui n'est pas une solution, nous allons vers la faillite de la filière. ' En 2000, le syndicat avait évalué les coûts de production pour mettre en évidence leur décalage avec le prix payé. ' Le générique représente 70 % de nos marchés. Si nous perdons de l'argent sur ce secteur, nous ne pourrons pas investir dans la qualité, ce qui devrait être le combat de toute appellation. ' Le prix de revient avait été évalué à 122 euros/hl ; le cours du générique se situait autour de 100 euros/hl. Utilisés pour défendre les prix dans les négociations avec les acheteurs, ces chiffres n'ont pas permis d'obtenir gain de cause. Le cours du vrac, autour de 107 euros/hl désormais, n'est toujours pas suffisant.
Le Bordelais a fait le même constat amer en 2001. En éditant La Qualité, combien ça coûte en AOC Bordeaux , l'Union régionale agricole de Branne-Libourne-Targon (URABLT) espérait initier des discussions entre négociants et producteurs sur le coût des pratiques qualitatives. ' Deux négociants se sont déplacés à ces réunions ', se souvient Eric Chadourne, conseiller à l'URABLT. Le négoce a refusé de mieux payer des vins qui coûtent plus cher à produire.
En Touraine, en 2003, le syndicat des producteurs a entamé des discussions avec le négoce pour faire remonter le cours du touraine rouge. ' En dessous de 90 euros/hl, nous devons envisager d'arracher des rouges, expose Alain Godeau, président du syndicat d'appellation. Il ne faut plus que les viticulteurs vendent à perte. ' Ce seuil est encore inférieur au prix de revient de 122 euros/hl, annoncé par la chambre d'agriculture. ' C'est une première marche, concède Alain Godeau. Elle permet au moins de ne pas décapitaliser. '
En 2003, le touraine rouge s'est négocié, en moyenne, à 69 euros/hl ; en février 2004, il atteignait 86 euros/hl. ' Nous attendons la fin de campagne pour statuer ', poursuit-il.
Dans le Muscadet, les viticulteurs sont plus défaitistes quant aux possibilités de discussion avec le négoce. ' C'est le marché qui fait le prix ', constate Jean-Louis Brosseau, conseiller viticole.
Alain Treton, au service économie, précise : ' Notre référentiel de coûts de production a été bien accueilli par la profession. Il a été pris comme référence au cours des discussions qui se sont tenues à l'automne dernier sur l'état du marché nantais ', sans effet pour l'instant sur le prix du vrac. ' Les viticulteurs l'ont également utilisé lors de leurs rencontres avec la grande distribution cet hiver, poursuit Alain Treton. Ils ont relevé les prix et ont insisté sur le décalage avec les coûts de revient. ' La grande distribution a donné un accord de principe, à condition que toute la filière joue le jeu, négociants inclus. Les producteurs peuvent tout juste sensibiliser les acheteurs à leurs difficultés. Ils ne les convaincront pas facilement de payer plus cher sous prétexte qu'ils risquent de disparaître.