Gel tardif, vent, grêle, orage et pluie incessants : l'année 1910 fut épouvantable. Le mildiou et la pyrale ont décimé les récoltes.
Après une année 1909 déjà humide et froide, 1910 bat tous les records. Dans la seconde quinzaine de janvier, une douceur exceptionnelle fait fondre les neiges et la pluie continue de tomber sur un sol saturé. La moitié nord de la France est la plus atteinte, ainsi que la Savoie et le Dauphiné ; le Sud-Ouest souffre moins. La Seine déborde et le zouave du pont de l'Alma a de l'eau jusqu'au cou. Le 27 janvier, les bureaux du Journal de l'agriculture pratique , ancêtre de La France agricole, rue Jacob (Paris 6 e), sont inondés.
Fin mars-début avril, offensive du froid. Les bourgeons sont grillés. La pluie reprend. A la mi-mai, la vigne est en retard de trois semaines. Vent froid, pluie, orage et grêle se succèdent. Début juin, la pluie recommence et ne cesse pas du mois. Le mildiou sévit partout et la pluie entrave les traitements.
Début juillet, les vignes n'ont pas fleuri. Partout, la pyrale se développe. Dans les prairies, les foins sont détruits. Dans les champs, la moisson est retardée. Dans le meilleur des cas, les vendanges commencent début octobre, et il n'y a guère de raisins.
Dès que les espoirs de récolte sont compromis, les prix augmentent. En janvier 1910, à Béziers, sur le marché de gros des vins de table, le vin se vend 1,55 F/°hl. En juillet, il est déjà à 2,15 F, début août à 2,50 F et atteint 3,70 F en décembre. Dès la fin août, tous les prix de détail montent : le pain, le vin, les légumes et la viande. On demande la suspension des tarifs douaniers.
13 départements, surtout dans le nord-est de la France, ne font aucune récolte. Dans 21 départements, comme l'Aube, le Cher, l'Yonne, la Loire, la Savoie, le Lot, le Rhône, la Saône-et-Loire, on récolte moins de 5 hl/ha. Dans 23 départements, dont les Charentes, la Dordogne, le Gers, les Landes, le Maine-et-Loire, le Tarn, le Vaucluse, la Vienne, on récolte de 5 à 9 hl/ha. En Gironde, dans la Drôme, l'Indre-et-Loire, l'Aude, on n'atteint pas les 20 hl.
Seul, le Var fait 25 hl, les Pyrénées-Orientales et le Gard 42 hl, et l'Hérault 62 hl. Peu de vins sont au-dessus de 11°. Cassadou, député de la Gironde, demande à la Chambre qu'on puisse vendre des piquettes, proposition repoussée de justesse pour ne pas revenir aux errements de la fin du XIX e siècle. Ce sont les vins algériens qui permettent de tenir le marché jusqu'en 1911.