L'Inao devrait être plus réactif. Il faudrait renforcer les agréments et les contrôles des conditions de production, prévoir une issue pour les vins refusés au label. Sur le terrain, beaucoup estiment que ces mesures sont prioritaires.
De nombreux présidents de syndicats déplorent ' ne pas avoir été informés, si ce n'est par la presse ' du projet de René Renou. Ils y sont plutôt hostiles, car ' cela risque de compliquer la vie de tout le monde '. C'est le cas de Jean-Louis Pradelle, président du Syndicat de Crozes-Hermitage (Drôme) : ' De nombreuses questions se posent . Qui donnerait l'excellence ? Nous pourrions prendre des mesures plus vite si l'Inao le permettait. Un exemple : nous avons demandé la remise à plat de notre décret pour passer à 4 500 pieds/ha. Il va falloir deux ou trois ans pour y parvenir. De même, nous aimerions expérimenter l'osmose inverse ou l'irrigation encore deux ou trois années. '
En revanche, Jean-Louis Pradelle est un farouche défenseur de contrôles stricts qui devraient être délégués à l'extérieur, financés par les cotisations des viticulteurs. ' Un suivi parcellaire fait par les professionnels, je n'y crois pas une seconde , déclare-t-il. Il en est de même pour l'agrément, où les vignerons sont juge et partie. Idem pour le SAQ (suivi en aval de la qualité) surveillé par une commission bidon de producteurs. '
De son côté, Alain Cornelissens, directeur de La Chablisienne, confie : ' Nous ne sommes pas favorables à des appellations à deux vitesses. Ce n'est pas la réponse au souci de nous adapter aux consommateurs. Nos appellations sont des bases solides. Il conviendrait de ne pas les changer tous les trois ans. '
' Pour les appellations qui ne marchent pas , c'est comme rajouter un étage à une fusée qui ne veut pas s'envoler, cela ne la fera pas décoller, déplore un vigneron de la région Centre-Loire. Il faudrait permettre de commercialiser des vins marchands en VDT s'ils ne sont pas agréés. Car dans ce cas, on envoie à la corde le vigneron. C'est difficile . '
' Un projet absurde ', s'insurge un vigneron, en appellation Coteaux du Languedoc Pic-Saint-Loup. Cela dévaloriserait la France et son appellation d'origine. Ne perdons pas notre âme. Simplement, il faut arrêter d'agrandir les aires d'appellation et interdire les plantations dans les terres à vaches. '
' Ce projet ne contribue pas à rendre le concept d'appellation plus lisible ', concède Jean-Benoît Cavalier, président du Syndicat des Coteaux du Languedoc et de la Fédération sud des AOC, qui se déclare favorable à des stratégies de communication collectives. ' Je crains que cela ne dévalorise l'AOC. Les problèmes de qualité ne se régleront pas par des changements de catégories. ' Il se déclare ouvert à la réécriture des décrets sur un modèle unique, et au renforcement de l'agrément avec des dégustations proches de la mise en marché.
En Bourgogne, ni le projet d'AOC à deux vitesses, ni les propositions de la Cnaoc (création de vin de pays, renforcement de l'appellation et de la hiérarchisation) ne semblent convenir. Les appellations régionales souffrent de coûts de production élevés. Là, une vaste réflexion, pilotée par Ernst et Young, sur l'avenir des vins de la région devrait être lancée, pour un coût de 57 000 euros hors taxes.
Mais ' si nous continuons à enterrer les réformes, c'est le marché qui nous enterrera, prévient Damien Gachot, président de l'Union générale des syndicats de Côte-d'Or. Il y en a assez des débats qui n'avancent jamais. Dans ce projet, il y a peut-être de bonnes choses, et sûrement des lacunes, mais il faut en discuter. En Côte-d'Or, une réunion est programmée le 18 juin avec les présidents des dix-huit syndicats. Il ne sera pas sérieux de dire 'non' en globalité. Il est hors de question d'être 'pour' ou 'contre' sans proposer autre chose. '