René Renou propose une réforme pour répondre aux deux logiques de production qui coexistent au sein des AOC, l'une souple et moderne, l'autre traditionnelle et plus haut de gamme. Son projet s'articule autour de trois grands principes
D'abord, la réécriture de tous les décrets d'appellation. Pour René Renou, ils sont trop souvent incomplets et parfois vides. Or, ils sont ' la seule arme pour faire respecter des conditions de production ', précise-t-il. Ces textes réglementaires seraient rédigés autour de onze grands paragraphes : le nom de l'AOC, sa délimitation géographique et parcellaire, l'encépagement, le mode de conduite, les pratiques environnementales, la richesse en sucre (degrés minimal et maximal, règles d'enrichissement), les rendements, les pratiques oenologiques, l'agrément, les règles de présentation et d'étiquetage, les sanctions en cas de non-respect du décret.
Chaque projet de décret serait instruit par le comité national. Ce dernier aurait pour mission de dire si le décret réécrit correspond à l'un des deux choix possibles : AOC d'excellence ou AOC simple. La subdivision des appellations en deux catégories est le second point de la réforme.
L'AOCE renverrait à un positionnement affirmé des terroirs, les règles seraient rigoureuses. L'engagement d'au moins 75 % des viticulteurs de l'appellation serait exigé pour demander l'accès à cette catégorie. L'AOC correspondrait à un positionnement plus moderne, plus apte à contrer la concurrence à armes égales. Les règles seraient assouplies, que ce soit en termes de pratiques viticoles (densité de plantation, irrigation), oenologiques (copeaux...), ou d'étiquetage (mention du cépage, assemblage de cépages et millésimes selon la règle des 85/15 %).
A l'intérieur de cette catégorie, les domaines qui sont déjà dans une vraie démarche de qualité, avec des niveaux d'exigence supérieurs à ceux de leur appellation, pourraient bénéficier de la mention ' site et terroir d'excellence ' (STE). Il s'agirait d'une reconnaissance individuelle accordée sur la base de critères plus restrictifs que ceux du décret de l'AOC. Ces deux distinctions, AOCE et STE, pourraient être remises en cause tous les cinq ans.
Dernier volet : un dispositif de contrôle, strict et indépendant des conditions de production et du produit fini. Il apporterait aux consommateurs les garanties qu'en toute légitimité, ils exigent. ' Car lorsque l'on a l'honneur d'édicter soi-même sa règle, on doit la respecter, martèle René Renou. Il faut dire ce que l'on fait et faire ce que l'on dit '. Et le prouver : ' Déjà renforcée par le décret du 5 novembre 2002 et la mise en place du contrôle des conditions de production, cette surveillance est plus que jamais d'actualité . '
Une brigade de douaniers et d'agents des fraudes pourrait se mobiliser auprès de l'Inao. Elle serait dédiée à la vérification du respect des décrets des AOCE et du cahier des charges des STE.
Concernant le calendrier des opérations, René Renou entend aller vite, car ' plus on attend, plus le choc sera terrible '. Il a présenté son projet lors d'un comité national extraordinaire de l'Inao le 29 avril. Ce jour-là, il a proposé de constituer quatre groupes de travail, qui devront présenter leurs conclusions au comité national de l'Inao de septembre. Un premier groupe est chargé de réfléchir à la charte minimale des AOCE par grands bassins de production. Un deuxième doit se pencher sur la charte minimale des AOC simples et sur leur positionnement par rapport aux vins de pays. Il doit répondre aux questions suivantes : jusqu'où aller dans l'assouplissement ? Doit-il avoir lieu dans les AOC ou passer par la possibilité de produire des vins de pays dans toutes les régions ? Quelles sont les possibilités de repli ? Le troisième groupe est chargé des contrôles et le quatrième des eaux-de-vie.
A la suite du conseil de direction de l'Onivins du mercredi 26 mai, au cours duquel René Renou a présenté son projet dans un climat ' sain ', il a été décidé que le second groupe serait élargi à toutes les organisations représentatives de la filière, les trois autres restant constitués, comme prévu fin avril, de membres de l'Inao.
Coprésidé par René Renou et Denis Verdier, président de l'Onivins et de la Confédération des coopératives vinicoles de France, le groupe élargi a pour mission de recenser les propositions, de réaliser une synthèse globale et de trancher la question de la segmentation de l'offre de vins française avant fin juin. A charge pour lui de dire s'il faut segmenter les appellations en deux familles, s'il faut créer un accès aux vins de pays dans toutes les régions... Cette première étape franchie, les débats devront avoir lieu partout en France, jusqu'à fin 2004, période à laquelle un texte final devrait être rédigé pour être présenté au gouvernement en 2005.