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J'ai doublé mes prix

La vigne - n°156 - juillet 2004 - page 0

En sept ans, Eric Nicolas, créateur du domaine de Bellivière, est passé d'un prix moyen de vente de 4,20 euros HT par bouteille à 9 . C'était une question de survie, car ses coûts de production sont terriblement élevés.

D'origine picarde, Eric Nicolas n'avait aucune attache viticole. Il est devenu vigneron par passion. Cet ancien cadre du groupe Total s'est méticuleusement préparé à concrétiser son rêve. En 1991, il suit une formation d'oenologue pendant deux ans à Montpellier. Il affûte ensuite ses armes dans une coopérative du Var, à Vidauban, puis cherche des terres. Il les trouvera dans la Sarthe, par opportunité et parce que le foncier est abordable. Mais pas du premier coup. En 1994, une première tentative d'installation en Gaec, avec une associée, se solde par un échec.
L'année suivante, Eric crée le domaine de Bellivière, à Lhomme. A 34 ans, il s'installe en nom propre et loue 3 ha de Coteau du Loir et 2 ha de vin de table. Ces derniers seront abandonnés deux ans plus tard. Au départ, il vinifie trois vins. Sa gamme en comprend quinze aujourd'hui. Il décline toutes les possibilités des appellations Coteau du Loir et Jasnières, du pétillant jusqu'au liquoreux. Il propose des vins spéciaux comme un rosé passerillé, un moelleux avec du pineau d'aunis, ou un vin de paille les années qui le permettent.
Il travaille sur 11 ha, avec une densité de plantation moyenne de 6 500 à 7 000 pieds/ha. Dès le départ, Eric a pris le parti d'élaborer des vins de garde traditionnels plutôt que des vins flatteurs sur le fruit. Pour y parvenir, il vise 25 hl/ha, ' le rendement inscrit dans le premier décret de l'appellation ', précise-t-il.

Mais le plus difficile pour lui et sa femme Christine - un chef d'entreprise qui trouve le temps de lui donner un sacré coup de main pour la gestion et la comptabilité - a été de fixer les prix de vente. Au départ, ils appliquent les tarifs de la région, soit un prix moyen de 4,20 euros par bouteille. Ils se rendent à toutes les foires au vin locales ou départementales, ' l'enfer '. Ils y rencontrent une clientèle très large qu'ils abandonneront rapidement. Puis ils se rendent au salon du Rheu, près de Rennes, ' vraiment très bien '. Le millésime 1997 est très bien perçu dans la presse française. Le premier salon des vins de Loire, à Angers, en 1998 est un vrai succès et ' change la donne '.
Depuis, il ' n'a jamais fait l'impasse ' sur cette exposition. Après sa première participation, il augmente progressivement ses tarifs pour arriver, à partir de 2002, entre 12 et 22 euros/col (prix départ propriété TTC pour les particuliers). Eric cible désormais les amateurs de vins confirmés, qui ont un pouvoir d'achat conséquent. Des clients qui, d'ailleurs, lui ont donné un bon coup de pouce pour s'introduire dans la grande restauration.
L'export s'est très rapidement développé et a atteint jusqu'à 45 % des ventes dans dix pays différents. ' L'augmentation des prix a été un moyen de gérer la demande ', précise Eric Nicolas, qui est désormais en rupture de stock fréquente. Il reçoit uniquement sur rendez-vous, le soir. Ses prix ont triplé ou quadruplé selon les cuvées : par exemple, le coteau-du-loir blanc, Les Vieilles vignes éparses, a grimpé de 4,40 à 18 euros entre 1995 et 2002. ' C'était une question de survie ', justifie Eric Nicolas. Depuis 2002, les prix sont stables, avec une moyenne de 9 euros HT/col (moyenne qui tient compte des tarifs CHR et exportation), en adéquation avec un coût de revient d'au moins 5 euros HT. Toutefois, en 2003, avec un gel à 50 %, le coût a grimpé jusqu'à 6,85 euros HT/bouteille, comme en 2001, une année difficile.
Eric Nicolas a opté pour le travail du sol, un choix gourmand en main-d'oeuvre. Deux semaines et demie sont nécessaires à trois personnes pour déchausser 10 ha. Il ne chaptalise pas et recherche, de ce fait, une maturité maximale. D'où ses faibles rendements. Pour l'obtenir, il opère un tri très sélectif de la vendange. Les blancs fermentent en barriques. Les rouges y font leur malo et y sont élevés pendant un an. Les fûts sont d'un à trois vins. Toutes ces options reviennent fort cher. Le coût de production, vinification comprise, varie entre 3 euros et 4,25 euros/col.

Ensuite, toutes les bouteilles sont habillées haut de gamme, dans une flûte épaisse, avec une collerette couleur argile et un bouchon de qualité. Le coût de l'embouteillage et de l'habillage oscille entre 1,20 et 2 euros/col. Enfin, les frais de commercialisation se situent entre 0,60 et 0,80 euros/col. Dans ces calculs, Christine et Eric incluent les mailings, les déplacements de deux jours à une semaine, quatre fois par an chez les importateurs, le salon d'Angers tous les ans (1 600 euros pour trois jours).

Au démarrage, Eric Nicolas a acheté l'essentiel de son matériel en occasion. Petit à petit, il complète son équipement. Il entend acquérir un pressoir neuf dès que la banque, toujours très frileuse, finalement ' le plus gros handicap ' dans son développement, aura enfin donné son feu vert. Il souhaite allonger l'élevage de certaines cuvées de vieilles vignes de chenin jusqu'à dix-huit mois en barriques, ' un moyen pour ne plus filtrer à la mise ', pense-t-il.
Toujours aussi curieux et enthousiaste qu'à ses débuts, Eric Nicolas a planté 6 ares de chenin de sélection massale à 50 cm sur 50 cm, soit 40 000 pieds/ha. Il a hâte de découvrir le résultat.
Et en septembre 2004, soit neuf ans après son installation, il commencera à se verser un salaire, de 1 200 euros nets par mois. Sa femme devra attendre encore quelques années pour le rejoindre.

L'EXPLOITATION EN DATES
1991 Diplôme d'oenologue
1994 Installation en Gaec, échec
1995 2 ème installation sur 5 ha
1996 1 ere vente en bouteille
1998 Salon d'Angers, augmentation des tarifs
2002 Les tarifs ont quadruplpé
2004 Premier salaire




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