ERIC LOUIS possède un groupe d'habillage Mécamarc tournant à 1 200 bouteilles par heure. Derrière lui, sa tireuse-boucheuse Costral qui fonctionne à 2 200 bouteilles/h, aux normes les plus actuelles en matière de sanitation et de désinfection. Deux personnes travaillent dans cet atelier. « Nous sommes très souples, dit-il. Nous nous adaptons à la demande des importateurs. » © J.-C. GRELIER/GFA
« La chance passe tous les jours, il suffit de la saisir », affirme Eric Louis. Ce vigneron négociant installé à Thauvenay, dans le Sancerrois, affiche un bel optimisme doublé d'une nature volontaire. En quinze ans, il a doublé sa surface de vigne à 16 hectares, créé un négoce et multiplié par dix ses ventes en bouteilles pour atteindre environ 300 000 cols.
En 1995, ses parents partent à la retraite. A 23 ans, il reprend le domaine et crée l'EARL « Les Celliers de la Pauline ». « C'était la condition pour mon retour, dit-il. Je voulais être libre de prendre mes décisions. » A l'époque, le domaine vend la moitié seulement de ses vins en bouteilles. Son objectif ? Valoriser toutes ces bouteilles en développant l'export « qui était à néant ».
En février 1999, il embauche Sophie Bertin comme responsable commerciale et administrative. Puis, le 22 mai 1999, la grêle s'abat sur le vignoble détruisant le tiers de la récolte. Afin de satisfaire ses clients malgré ce coup du sort, il achète des moûts à des collègues. Pour cela, il crée une SARL. « Au début, nous n'achetions que du sancerre, commente Eric Louis. Puis à la demande des importateurs, nous avons proposé des appellations voisines, pouilly-fumé, menetou-salon, quincy, puis des vins du val de Loire : muscadet, touraine, etc. »
« Nous travaillons à la demande des importateurs »
Le domaine expose sur les salons d'Angers (Maine-et-Loire), à Prowein, en Allemagne, à Vinexpo Bordeaux, à Vinexpo Hong Kong et participe à trois mini-expositions par an à l'étranger avec la région Centre. Il crée une dizaine de marques qui englobent une quarantaine de références. « Nous sommes très souples, explique Eric Louis. Nous travaillons à la demande des importateurs et nous leur fournissons le vin voulu, l'étiquetage adéquat, les annotations désirées et les codes barres souhaités. »
Eric Louis travaille en partenariat avec une vingtaine de vignerons et avec des courtiers. Il achète des moûts. Pour compléter son approvisionnement, il réserve des vins. « Si je n'ai pas de marché, je ne les achète pas, explique-t-il. En revanche, si le prix baisse, je le paie le prix convenu au départ, mais s'il monte je m'aligne sur le cours. »
Autre point important : « A chaque poste, il faut des personnes de confiance, qui ont une large capacité d'initiative et qui restent », souligne Eric Louis. Pour les motiver, il applique strictement les 35 heures et les rémunère bien : à titre d'exemple, les quatre employés à la vigne sont payés comme des chefs d'équipe avec le plus haut cœfficient. Et Sophie Bertin, la responsable commerciale, est associée à 5 % à la SARL depuis le départ. « Quelqu'un qui travaille bien vous fait toujours gagner de l'argent », confie-t-il.
Les résultats sont là. En 2008, le chiffre d'affaires, clôturé au 31 août, bondit de 35 % à 1,6 million d'euros. « Quand on s'agrandit tout doit suivre », continue-t-il. Du coup, il renouvelle régulièrement le matériel viticole qu'il possède en copropriété avec le domaine voisin de sa sœur. En dix ans, il a aménagé de vastes bureaux et deux hangars pour le matériel, il a acheté une vingtaine de cuves épalées, etc.
En 2008, il investit un million d'euros dans la reconstruction et l'agrandissement d'un bâtiment vaste de 1 300 m2 qui abrite la cuverie, l'embouteillage, le stockage et un caveau de vente de 110 m2.
En 2009, conséquence de la crise, le chiffre d'affaires baisse de 12 %. Eric Louis commande une analyse financière. Il réalise que « certains vins et marchés coûtent chers » : les vins de pays à 1,50 euros la bouteille, les bibs qu'il élabore comme un service pour certains cavistes ou restaurants, les sancerres vendus à 4,50 euros le col aux distributeurs anglais Tesco ou Morrison. Depuis, il les a supprimé ou les a réduit.
Autre enseignement de l'analyse : la rentabilité sera optimale avec un million de cols. Il vise donc le doublement des ventes d'ici deux à trois ans. Le démarrage de l'œnotourisme en juin 2009 s'inscrit dans cet objectif. Le caveau qui n'était pas la priorité est désormais ouvert 363 jours par an. Une personne dédiée a été embauchée en novembre dernier. Elle propose des prestations allant jusqu'à 60 euros par personne : visite des caves et dégustation, balades dans les vignes, repas, etc.
Pour drainer des visiteurs, Eric Louis établit des partenariats avec des opérateurs de coffrets week-ends comme Smartbox ou Wonderbox. « L'accueil au caveau fait partie de l'image du domaine et de l'appellation Sancerre, soutient-il. Les touristes doivent garder un excellent souvenir de leur passage même s'ils n'achètent qu'une bouteille ou rien du tout. »
Et si c'était à refaire ? « Les erreurs font partie intégrante du métier. Je n'ai aucun regret »
« Evidemment, je pourrais dire que je n'aurais jamais dû investir un million d'euros juste avant que la crise financière n'éclate ou que j'aurais du attendre deux ans pour le faire, car aujourd'hui cet investissement serait totalement éligibles aux aide de FranceAgriMer. Mais on ne pouvait pas prévoir et maintenant, c'est fait. On a modernisé l'outil de travail.
De même, j'ai démarché la Corée du Sud trop tôt. Car un énorme travail d'éducation au vin reste à y effectuer. Mais si je devais recommencer, je le referais, car il est important d'être présent dans ce pays. En revanche, il y a d'autres choses que je ferais différemment. Ainsi, en 2000 j'ai enherbé les vignes pour lutter contre l'érosion. Mais cet enherbement est trop concurrentiel.
J'ai attendu dix ans pour le renouveler. J'aurais dû le faire beaucoup plus vite. Mais les erreurs font partie intégrante du métier. Je n'ai aucun regret. »