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Les coopératives, des refuges face aux difficultés

La vigne - n°157 - septembre 2004 - page 0

Les vignerons qui ne peuvent plus moderniser leurs caves ou qui ont perdu leurs débouchés se tournent vers les coopératives. Avant de les accueillir, elles posent leurs conditions et revoient leurs investissements à la hausse.

Les caves coopératives font l'objet d'un regain d'intérêt. Dans la plupart des vignobles, elles se trouvent confrontées à une recrudescence des demandes d'adhésion. A cela, une raison majeure : la crise qui secoue le secteur viticole. ' L'accès au marché devient de plus en plus difficile, annonce Jean-Luc Théraroz, directeur de la cave coopérative de Chusclan (Gard). Avec la concurrence qui s'accentue, les contraintes qui s'intensifient en matières d'hygiène, de qualité, de sécurité du travail... Certaines exploitations n'ont pas les moyens financiers et humains pour suivre. Elles cherchent donc à s'adosser à des structures fiables. '
Cette cave des Côtes du Rhône a déjà reçu plusieurs appels du pied. ' Le phénomène pourrait s'accélérer dans les mois à venir ', estime Jean-Luc Théraroz.
Le mouvement n'a pas partout la même ampleur. Il est net dans le Beaujolais. ' Entre 2002 et 2003, les coopératives ont accueilli 225 ha, expose Brigitte Jacquet, à la Fédération des caves, soit une hausse de près de 5 %. Il s'agit principalement de nouvelles adhésions. Ce sont des exploitations entières, établies en caves particulières et qui vendaient leurs vins au négoce. ' Les méventes successives ont fragilisé leur trésorerie.

' En deux ans, nous avons rentré 130 ha supplémentaires , commente Claude Lavarenne, directeur de la cave beaujolaise de Quincié (Rhône). Nous sommes passés de 556 ha en 2001 à 700 ha en 2003. Le conseil d'administration a considéré qu'il y avait un tissu économique à défendre et voulait montrer que l'on élabore des vins de qualité en Beaujolais. ' La cave a accueilli des exploitations en difficulté, et d'autres qui ne l'étaient pas mais hésitaient à investir dans leurs caves. Cette année, il y a une file d'attente pour une vingtaine d'hectares. Pourtant, les conditions d'accès sont drastiques : une durée d'engagement de vingt ans et l'un des tickets d'entrée les plus chers du Beaujolais.
Alors, qu'est-ce qui attire les nouveaux venus, au-delà de la conjoncture ? ' Notre cave a acquis une réputation, fait valoir Claude Lavarenne. Nous avons des contrats triennaux avec le négoce depuis 1972, nous travaillons avec la grande distribution et nous avons ouvert un magasin pour augmenter la vente directe. Ces éléments sont rassurants. '
A l'instar de ses consoeurs des autres régions, la cave de Quincié multiplie les initiatives pour impliquer les adhérents. ' L'an dernier, 110 vignerons ont réalisé des animations en grande distribution dans toute la France , se souvient Claude Lavarenne. L'expérience a été motivante pour les coopérateurs et les nouveaux adhérents qui avaient l'habitude d'être au contact de la clientèle. ' Dans la durée, ces derniers se montrent d'ailleurs parmi les plus motivés. D'après Olivier Margarot, directeur adjoint des Vignerons coopérateurs de France, ces évolutions survenues dans de nombreuses coopératives ont aussi renforcé leur attrait dans le contexte actuel de crise. L'adhésion de nouveaux membres n'a pas été sans conséquence pour la coopérative de Quincié. Elle a dû devancer un investissement prévu pour 2005. ' Nous avons rajouté un cuvage de 17 000 hl aux 24 000 existants ', confie Claude Lavarenne.

Ailleurs, le mouvement se dessine aussi. En Bourgogne, il touche surtout la Côte chalonnaise, secteur de production de vins rouges frappé par la mévente. Une cave coopérative a fait l'objet de demandes d'adhésion. ' Nous avons intégré 60 ha de plus au cours des deux dernières campagnes ', avance Gérard Maître, président de la coopérative de Buxy (Saône-et-Loire). Les demandes émanaient de viticulteurs qui vendaient en gros au négoce et ont rencontré des difficultés de commercialisation de leurs vins. Les coopératives ont souvent des réseaux de vente mieux implantés et souffrent un peu moins de la crise. ' La cave, qui s'apprêtait à investir dans un nouveau chai de vinification, a revu ses dimensions à la hausse.
Le phénomène a également gagné quelques caves coopératives de l'Hérault. Celle de Cers a intégré 120 ha en trois ans, dont 90 ha en une seule année. Selon son président, Serge Delonca, ' il s'agit de caves particulières qui vendaient des cépages internationaux à des wineries. Ces dernières ont diminué leurs achats, car le marché de ces vins est moins porteur qu'il y a cinq-six ans '.

La tendance est naissante dans les Côtes du Rhône. En Aquitaine, elle en est aux balbutiements. ' Les demandes d'information sur le fonctionnement des caves en termes d'adhésion, de rémunération... sont plus fréquentes que d'habitude ', souligne ainsi Dominique Saintout, directeur de la Fédération des coopératives vinicoles d'Aquitaine.
Reste que les caves sollicitées font preuve de pragmatisme. ' Nous avons actuellement une dizaine de candidatures de coopérateurs potentiels, signale Jean-Jacques Dost, directeur de la cave coopérative de Rasteau (Vaucluse). Elles émanent notamment de jeunes vignerons en situation d'installation à la suite d'une succession. La crise est là et les réticences à investir se font grandes. Face à ces demandes, nous restons prudent. Nous ne sommes pas là pour faire des volumes. Autrefois, on déroulait le tapis rouge. Aujourd'hui, nous sommes sélectifs, car nous visons la qualité . '

Les conditions d'accès à la cave de Rasteau vont d'ailleurs devenir plus sévères, y compris pour les adhérents qui souhaitent s'agrandir. ' Nous visitons les parcelles avant toute adhésion. Nous ne voulons pas de vignobles avec des manquants, un parcellaire confus, des rendements élevés... '
Ailleurs, le discours est le même. Les nouveaux adhérents de la coopérative de Buxy ont dû se plier au cahier des charges sur la conduite du vignoble mis en place par la cave. ' Nos techniciens visitent systématiquement les parcelles des viticulteurs désireux d'adhérer , explique Gérard Maître. Nous avons refusé certaines demandes, car les vignes n'étaient pas tenues comme nos adhérents font l'effort de le faire depuis plusieurs années. ' Les Vignerons de Saumur ont, quant à eux, décliné les propositions d'adhésion nouvelle. La cave a préféré maîtriser ses apports par rapport aux besoins du marché, et devait digérer des adhésions réalisées en 2000.

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