L'orage gronde

En quelques années, une révolution s'est opérée. Nous n'en avons pas pris la mesure à temps. Nous avons continué à agréer en appellation des vins jugés indignes, quelques mois plus tard, par les jurys du suivi en aval de la qualité. Les conséquences sont là. Bien des régions d'AOC se sont laissé distancer par la concurrence mondiale et perdent du terrain en France. Elles croyaient détenir la vérité du bon goût. Les voilà devant un dramatique risque de krach. Comment l'éviter ? A commencer par le Bordelais, épicentre de la crise, tous les vignobles concernés y travaillent.
Notre dossier détaille les mesures prises à la veille de ces vendanges. Personne ne se résigne au pire. C'est la seule bonne nouvelle du moment. Car la révolution gronde. Elle a lieu dans le Nouveau Monde, mais aussi dans le sud de la France. Il y a trente ans, ces régions chaudes se sont mises à rafraîchir leurs cuves et leurs chais. Elles ont appris l'hygiène. Elles ont maîtrisé l'oxydation. Et elles ont sorti des vins souples, ronds, aromatiques, colorés et opulents lorsqu'à la vigne, les rendements étaient limités et la sécheresse compensée. Leurs producteurs les ont présentés simplement, du nom de leur cépage. Ils ont appliqué les techniques modernes de contrôle de qualité afin d'offrir des produits constants. Leur succès est si éclatant qu'il force des régions d'AOC à réduire leur offre et à améliorer leurs vins.
Ces régions ont ébloui le monde en tirant le meilleur des cépages qu'elles cultivent à la limite nord de leur aire de maturation. Lorsque l'exercice réussit, les vins allient harmonie, puissance, finesse, fraîcheur et vivacité. Quand il échoue, ils sont frêles et verts. Personne ne veut les boire. On ne peut tout simplement plus s'aventurer à les mettre en vente !